Enseignement supérieur

Mobilité internationale des étudiants marocains (4/5) : le Canada, la destination en vogue

La mobilité internationale des étudiants a progressé de manière notable dans le monde et cette tendance ne fera que s’accentuer. En 2017, le nombre d’étudiants en mobilité sortante était estimé à 5,3 millions (+71% par rapport à 2007) (1) et devrait dépasser les 10 millions d’étudiants en 2030. Parmi les destinations les plus prisées en dehors de la France, le Canada est devenu depuis ces 10 dernières années un pays d’accueil de nombreux étudiants marocains.

Les chiffres le démontrent : le Canada est devenu en quelques années un fort pôle d’attraction pour les étudiants du monde. Le nombre d’étudiants a triplé en deux années, passant de 210.000 étudiants étrangers en 2017 à 642.000 étudiants étrangers en 2019 d’après le “Globe and Mail“. Une forte progression qui témoigne des efforts que ce pays a déployés pour devenir plus attractifs pour les étudiants étrangers. Le Canada se classe ainsi parmi les principales destinations d’accueil des étudiants étrangers.

Une progression spectaculaire du nombre d’étudiants

Un tel bond a surpris plus d’un. Mohamed Tazi, Directeur Général de Archimède Consulting qui accompagne des étudiants à l’étranger depuis de nombreuses années, en dit : « on savait que le Canada est très attractif pour les étudiants étrangers, mais on ne s’attendait pas à une progression aussi forte. On pourrait comprendre aisément cette forte croissance quand on sait que plus 47% des étudiants internationaux au Canada sont originaires de Chine et d’Inde qui sont les champions de la mobilité internationale sortante des étudiants dans le monde. Le taux de croissance des départs des étudiants chinois pour étudier à l’étranger s’est situé à 32% entre 2012 et 2017, celui des indiens pour la même période a été de 73% ». En comparaison, les Français arrivent en 3ème position avec 24.000 étudiants inscrits au Canada en 2019 (2). Et ceux-ci, naturellement, ont une préférence pour les universités québécoises où ils représentent 39% des étudiants étrangers. « Une préférence qui s’explique par des raisons historiques et de langue évidentes, mais aussi grâce à l’entente entre le gouvernement du Québec et celui de la France, qui permet aux étudiants français de payer des frais de scolarité préférentiels dans les universités de la province », explique Mohamed Tazi. Mais en dehors de ces trois pays, le Canada a également accueilli 11000 étudiants du Nigeria ; ce pays représente ainsi le plus grand pourvoyeur d’étudiants étrangers en provenance d’Afrique (3).

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Les étudiants marocains, comme ceux français, ont une préférence pour la province francophone, le Québec et surtout la ville de Montréal. « 70% des étudiants marocains au Canada ont choisi le Québec (4). Ils étaient au nombre de 3000 en 2019 au Québec d’après une source consulaire. On pourrait estimer actuellement le nombre d’étudiants marocains au Canada à plus de 4000, soit plus que le triple de leur nombre en 2012 », avance le directeur général de Archimède Consulting.

Des autorités très sélectives

Le pays jouit d’une image très positive auprès des étudiants étrangers. Son système d’enseignement est réputé être de grande qualité et est très diversifié. D’ailleurs, 4 universités canadiennes figuraient parmi les 100 premières dans le classement de Shanghai de 2020, et 19 dans les 500 premières. Avec 24 prix Nobel, le Canada accorde beaucoup d’importance à la recherche.

Pour attirer des étudiants étrangers, le Canada a fourni d’énormes efforts pour rendre son système, ses universités et le pays attractifs aux yeux de ses cibles. Et ses cibles prioritaires sont des étudiants des pays à fort potentiel tels la Chine, l’Inde, le Brésil, le Mexique qui se dirigent vers les provinces anglophones du Canada, surtout l’Ontario. Cette province accueille à elle seule la moitié du nombre d’étudiants internationaux au Canada. « L’attraction et la rétention des étudiants étrangers constituent un axe stratégique en vue de créer de la richesse et pallier la pénurie de main-d’œuvre. Les étudiants étrangers sont la main d’œuvre qualifiée de demain. Et le Canada est en compétition à ce niveau là avec plusieurs pays occidentaux. Selon des chiffres récents du gouvernement fédéral du Canada, 40% de ceux qui ont obtenu le statut d’immigrant sont d’anciens étudiants étrangers au Canada. Le Canada permet aux étudiants de travailler à temps partiel durant leurs études, mais donne également la possibilité de travailler après les études et de déposer une demande d’immigration », détaille Mohamed Tazi.

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Mais malgré cette ouverture le pays reste, et c’est connu, très sélectif, aussi bien dans le choix des travailleurs que des étudiants étrangers. D’après « La Presse », 51% des étrangers voulant étudier au Québec se sont vu refuser leur permis d’études par les autorités fédérales canadiennes en 2019, contre 38% dans le reste du pays. Les étudiants francophones en provenance d’Afrique sont les plus pénalisés. « Les autorités de l’immigration avancent souvent le fait que ces étudiants n’ont pas prouvé disposer des moyens financiers suffisants pour subvenir à leurs besoins durant leurs études », explique Mohamed Tazi. Et d’ajouter, « une autre raison souvent avancée est que ces candidats n’apportent pas la preuve qu’ils quitteraient le Canada à la fin de leurs études au Canada ». Pire, la proportion de refus atteint des records : 90% pour les Guinéens, 82% pour les Camerounais, 77% pour les Algériens et 75% pour les Sénégalais (5). « En 5 ans, les services d’immigration canadiens ont refusé le permis d’études à 16.000 étudiants algériens et 5.300 Sénégalais », rapporte le Consultant.

Des faveurs pour les étudiants marocains

Si les autorités canadiennes sont dures avec nombre de nationalités, cela ne semble pas être tout à fait le cas pour les étudiants en provenance du Maroc. Elles ont, à l’inverse, démontré récemment une volonté d’accueillir davantage d’étudiants marocains. Le Canada compte déjà une communauté marocaine de 100.000 personnes issues d’une immigration relativement récente. Pour ce faire, celles-ci multiplient les gestes : visites de délégations représentant certaines provinces canadiennes avec la volonté d’attirer des immigrants et des étudiants d’origine marocaine. Et pour rendre plus rapide le traitement des demandes de permis d’études aux étudiants marocains, « les autorités canadiennes ont élargi à la rentrée 2019 le VDE, Volet direct pour les études, à nos concitoyens et aux Sénégalais. Ce VDE était au départ adopté pour les Chinois, les Vietnamiens, etc. », avance Mohamed Tazi.

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La sélection étant rude, parmi ceux qui ont la chance de se rendre dans ce pays qui offre toutes les conditions de sécurité et une bonne qualité de vie, plusieurs choisissent de demander leur immigration et de décrocher un emploi dans leur domaine d’études une fois diplômés. Pourquoi le choix du Canada pour faire ses études et s’y établir ? De nombreux ex-étudiants marocains aujourd’hui citoyens canadiens en expliquent les raisons. Pour Ali Berrada, qui a poursuivi ses études à H.E.C. Montréal, « il y a la possibilité de décrocher rapidement un emploi après l’obtention du diplôme. Le marché du travail est large, et les jeunes cadres sont choyés par les employeurs ». Pour une autre marocaine, Rim, diplômée en gestion et en psychologie de H.E.C. Montréal et qui enseigne à l’université, « globalement, j’ai choisi de m’établir au Canada pour plusieurs raisons connues et partagées par la plupart des immigrants : la sécurité, la stabilité politique, les opportunités d’emploi et d’avancement de carrière, les soins de santé accessibles à tous, les perspectives d’avenir pour mes enfants, etc. ». Enfin, du côté de Hatim Amine, diplômé en Gestion hôtelière et cadre dans une importante unité hôtelière à Montréal, « le Canada offre la possibilité de décrocher rapidement un emploi bien rémunéré. Un jeune diplômé arrive rapidement à un certain confort qu’il ne pourra atteindre au Maroc qu’après de nombreuses années de travail ».
Des raisons qui privent certainement le Maroc de nombre de ses talents…

(1) Données de l’Institut Statistique de l’UNESCO
(2) CIC News du 23 juin 2020
(3) Chiffres du Haut Commissariat du Canada au Nigeria
(4) Radio canada 23-03-2018
(5) La presse 2 mars 2020

 
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