Fiscalité

Mohamed Benchaâboun : « Il faut réaménager les taux, consacrer la progressivité et supprimer les niches fiscales »

Premières mesures urgentes à mettre en place, l’encadrement du pouvoir d’interprétation, l’intégration du secteur informel, transparence du système fiscal, échéances prévues pour l’élaboration de la Loi cadre… le ministre de l’Economie et des Finances dresse le bilan des troisièmes Assises de la fiscalité. Dans cette interview exclusive, Mohamed Benchaâboun nous assure que toutes les recommandations seront reprises dans les cinq prochaines années. La fiscalité doit participer à la réduction des inégalités, encourager l’investissement, assurer une équité régionale et être ainsi un levier du nouveau modèle régional. Il est attaché à l’idée d’équité, de lisibilité et d’efficacité de la fiscalité.

Challenge : Quelles sont les premières mesures urgentes à mettre en place et pouvant être favorables à un élargissement de l’assiette pour pouvoir ensuite envisager une baisse des taux d’imposition?

Mohamed Benchaâboun : La forte concentration des impôts et le nombre important des entreprises déficitaires chroniques et créditrices en matière de TVA impliquent l’existence d’un énorme potentiel non appréhendé fiscalement. Les mesures à mettre en place pour élargir l’assiette sont à la fois d’ordre législatif et opérationnel. Sur le plan législatif, le dispositif des incitations sera analysé aux fins de supprimer tout avantage fiscal accordé sous forme d’exonération, de taux réduit ou d’abattement dont la pertinence par rapport aux objectifs escomptés n’est plus établie. Au niveau opérationnel, deux démarches seront adoptées, d’une part agir à travers la communication pour stimuler la culture du civisme et d’autre part, procéder au renforcement des moyens de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales en priorisant les déclarations fiscales faisant ressortir une insuffisance manifeste des résultats déclarés .

Les premières mesures seront-elles intégrées dans la Loi de Finances 2020?

Le diagnostic posé lors de ces Assises, a permis de mettre en évidence l’urgence d’apporter des réponses rapides à certaines iniquités de notre système fiscal. Nous allons programmer leur mise en œuvre progressive et ce, à compter de 2020. D’autres mesures prioritaires seront également intégrées dans la prochaine Loi de finances pour des considérations sociales ou de conformité avec les normes fiscales internationales.

Pour l’instant, aucune des Assises n’a pu régler la question de l’intégration des activités informelles. Qu’est-il possible de faire à l’issue de ces Assises 2019?

L’intégration de l’économie informelle peut s’effectuer à travers deux démarches complémentaires. D’abord simplifier la réglementation en la rendant très aisée à respecter. Une réglementation excessivement pesante peut en effet rendre coûteuse la régularisation de la situation des entreprise informelles. L’expérience réussie de beaucoup de pays notamment latino-américains a montré que la simplification du statut juridique et du régime fiscal, ainsi que l’allégement de la fiscalité sur l’emploi ont donné des résultats très probants. L’autre démarche pour l’intégration du secteur de l’informel repose sur un accompagnement et un renforcement de la confiance des opérateurs de ce secteur dans le traitement fiscal approprié qui leur est réservé. Sans cette confiance, toute mesure législative risque d’avoir une portée limitée. Tel est le cas de la mesure fiscale amnistiante instituée par la Loi de finances pour l’année 2013, qui a stipulé que les contribuables exerçant une activité passible de l’impôt sur le revenu, et qui s’identifient pour la première fois auprès de l’administration fiscale en s’inscrivant au rôle de la taxe professionnelle, à partir du 1er janvier 2013, ne sont imposables que sur la base des revenus acquis et des opérations réalisées à partir de cette date.

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