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Notariat: Déjà les premiers blocages dans la loi

La nouvelle loi notariale a fait l’objet d’un séminaire qui a regroupé notaires et magistrats le mois dernier

La réforme du notariat, voulue par les représentants de la profession, est désormais effective. Celle-ci suscite des inquiétudes chez les intéressés, car elle comporte plusieurs points jugés ambigus, voire des points de blocage.

Comme promis dernièrement par le ministre de la Justice et des libertés, El Mostafa Ramid, la nouvelle loi notariale est entrée en application depuis le 26 novembre 2012. Celle-ci comporte néanmoins quelques articles ambigus ou qui prêtent à interprétation, selon les principaux intéressés. «Les notaires sont très inquiets quant à l’application de ces derniers sur le terrain», affirme Amine Zniber, Président du département de communication de la Chambre nationale du notariat du Maroc. Pour éclaircir les points sombres qui peuvent rendre l’application de cette loi compliquée, les représentants de la Chambre Nationale du Notariat Moderne du Maroc (CNNMM) se sont réunis le même jour avec leur ministre de tutelle. Etait à l’ordre du jour la clarification du champ d’application de plusieurs articles (essentiellement les articles 12, 42, 46 et 34).
 
D’importantes perturbations à prévoir
Jusque là, les notaires pouvaient se déplacer chez certains des contractants importants pour la signature (établissements financiers, organismes étatiques, promoteurs publics, et grands promoteurs privés). Dorénavant, l’article 12 leur interdit cela. Ce dernier stipule qu’ils doivent dorénavant, recevoir les signatures exclusivement dans leurs études (cabinets). Il leur permet cependant exceptionnellement, de les effectuer à l’extérieur, dans des cas de force majeure et à condition qu’il ne s’agisse pas de cas à répétition, après autorisation du Conseil régional de l’ordre des notaires et après en avoir avisé le procureur général. L’Ordre national et les Conseils régionaux de l’ordre n’ayant pas encore été mis en place, le ministère a consenti une mesure transitoire qui limite les conditions, de manière temporaire durant cette période transitoire, à la seule autorisation du procureur général. Cela ne résout cependant pas le cas des grands comptes, dont les signatures se concentrent entre les mains de quelques rares personnes (voire une ou deux) au niveau national, et qui ne peuvent pas passer le temps à sillonner le Royaume et les études notariales. Pour Amine Zniber, ces derniers «devront revoir leur organisation de manière à subdéléguer cette responsabilité pour pouvoir être en conformité avec la loi». C’est le cas notamment, dans le secteur financier. Des discussions ont été entamées avec les GPBM (Groupement Professionel des Banques du Maroc ) et d’autres acteurs nationaux afin de trouver des solutions pour alléger cette démarche. En attendant, certaines banques auraient déjà anticipé l’entrée en vigueur de la Loi. «Mais ce n’est pas le cas de toutes», déplore le responsable. Ces dernières ne pourront plus procéder aux signatures dans leurs locaux au risque de voir leurs contrats annulés et le notaire concerné lourdement sanctionné. Résultat : «il y a aujourd’hui des gens qui ont contracté des crédits et qui attendent la signature de leurs contrats». Et pour résoudre ce problème, les notaires demandent «aux directions régionales de mobiliser leurs responsables pour régler les dossiers en cours, en attendant de mettre leur organisation à niveau». Certaines banques ont déjà pris les mesures nécessaires et n’ont pas tardé à mobiliser leurs fondés de pouvoirs à l’effet de se présenter chez les notaires, d’autres, ont promis de faire des efforts. Reste alors le cas des notaires qui recevaient les contrats dans les bureaux des grands promoteurs privés, il semblerait que là aussi, la Loi a été respectée par le plus grand nombre d’entre eux, au grand bonheur du responsable qui dit «être particulièrement fier de ces entreprises responsables qui confortent l’Etat de droit».
 
D’autres articles en cause
De son coté, l’article 46 oblige les notaires à annexer à l’acte rédigé, tous les documents ayant servi à son établissement. Or, cela alourdit considérablement le travail du notaire et les charges pour les contractants, notamment à cause des frais d’enregistrement. Selon El Mostafa Ramid, seuls les documents ayant un impact direct sur la validation du contrat (autorisations diverses, procurations, etc.) doivent obligatoirement y être annexées. Les autres, telles que les pièces d’identité ou les pièces déjà enregistrées auprès de la conservation foncière, doivent seulement être versées au dossier.
Dans l’article 34, qui concerne les contrats interdits, la notion de bien inaliénable laissait un doute sur le type de biens concernés. Le ministre a précisé qu’il s’agissait seulement des biens impossibles à céder en vertu de la loi, et non ceux hypothéqués comme le craignaient les notaires (car cela rendait leur tâche plus compliquée en leur attribuant une responsabilité supplémentaire).
L’article 42, quant à lui, stipule que tous les actes doivent être rédigés en langue arabe, sauf si les parties choisissent une autre langue. Cela pose un réel problème car jusque là, ces derniers étaient rédigés majoritairement en langue française. Mais devant la volonté politique forte de mettre en avant la langue arabe, les notaires «devront se motiver et faire des efforts d’adaptation ». Et pour limiter les dégâts, la Chambre a établi des modèles de contrats en langue arabe afin de faciliter la tâche à la profession.
Pour aider les notaires dans l’application de la nouvelle loi, les représentants de la CNNMM avaient émis l’idée lors d’une précédente réunion avec leur ministre de tutelle, le 18 janvier dernier, de réaliser un guide à l’attention des notaires. Ce dernier mettra cependant du temps avant d’être disponible. En attendant, et devant l’inquiétude des professionnels, les Chambres régionales donnent des recommandations pour harmoniser les pratiques face aux dispositions ambiguës.

 

Le chiffre
937
C’est le nombre de notaires exerçant actuellement au Maroc.

 
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