Industrie

Nouvelle politique d’import-substitution : des défis et des opportunités à saisir

Entre 2010 et 2019, le Maroc a importé près de 240 milliards de DH de produits qu’il fabriquait, qu’il continue de fabriquer insuffisamment, ou plus du tout. De plus, l’essentiel de ces importations provient de pays avec lesquels le Royaume a signé des accords de libre-échange (ALE). Cette situation n’est pas nouvelle. Mais avec la crise du nouveau coronavirus, beaucoup de pays sont en train de revoir leur modèle industriel. Au Maroc, le ministère de tutelle veut faire rebasculer la filière industrielle dans la politique d’import-substitution pour non seulement réduire le déficit commercial, mais pousser les Marocains à investir dans le secteur en leur offrant des opportunités. Ainsi, devant la commission des secteurs productifs de la Chambre des représentants, le ministre de l’Industrie, Moulay Hafid Elalamy a révélé que ses équipes travaillaient sur des banques de projets pour les produits que le Maroc est susceptible de produire au lieu de continuer à les importer. Quels sont ces produits ou activités ? Nous en avons identifié au moins cinq.

Concentré d’orange : Le Maroc, grand producteur d’agrumes et grand importateur net de concentré d’orange et jus

Malgré le fait que le Maroc soit un grand producteur d’agrumes, l’industrie du jus fait appel à l’import pour satisfaire la demande locale. En effet, les embouteilleurs marocains importent la matière première sous forme de concentré et de jus prêts à la consommation. Cela est dû principalement aux prix très compétitifs des dérivés d’agrumes issus d’un système de production dédié spécialement à l’industrie du jus. Pour 100 000 tonnes d’oranges fraîches exportées, le Maroc importe entre 70 000 à 80 000 tonnes d’oranges sous forme de concentré. Ceci se justifie par le fait que le prix de ces importations est 50% moins cher que celui proposé sur le marché local. A titre illustratif, l’Egypte offre un approvisionnement compétitif à 1 DH le kilo de concentré d’oranges et ce, dans le cadre de l’accord de libre-échange signé entre les deux parties, contre un prix de 1,5 DH au niveau local. La production nationale de jus est largement orientée vers le marché frais, ce qui laisse peu de place pour l’industrie des jus. Les transformateurs marocains sont aujourd’hui une douzaine dont seulement quatre produisent des jus, les autres importent des concentrés et procèdent à leur dilution. L’offre marocaine est constituée de mars à septembre, du pur jus issu de « Maroc Late », variété noble réputée pour sa haute teneur en jus et son goût particulier. A cela, s’ajoutent et durant toute l’année, différents produits fabriqués et exportés à partir d’agrumes ou d’autres fruits tels que les pommes, les abricots, les ananas, etc. Le marché local des jus de fruits est estimé à plus de 200 millions de litres, dont en moyenne 155 millions sont produits de façon artisanale dans les ménages ou dans des laiteries et cafés. Il faut dire que les Marocains ne sont pas de grands consommateurs de jus industrialisés, avec une consommation moyenne de 5 litres par an et par habitant. Le Maroc se place ainsi loin derrière les autres pays de la zone MENA : 17 litres en moyenne par an et par habitant pour l’Algérie, 15 litres pour la Turquie, 10 litres pour la Tunisie et plus de 50 litres pour la Libye. La consommation de jus au Maroc est estimée à 200 millions de litres en moyenne par an. De manière générale, 70% de cette consommation correspond à la consommation de jus de fruits maison. Des 30% restants, la contrebande absorbe 6%, ce qui limite à 24% le potentiel pour les industriels du secteur des jus de fruits. 

Concentré de tomate : l’import régulier depuis 15 ans

Il est incontestable, que le Ramadan est la haute saison pour les industriels de concentré de tomates. C’est durant ce seul mois où ils écoulent près de 60 % de leur production annuelle. Essentiellement dans l’incontournable harira. Le reste, s’oriente vers l’industrie de conserves de poissons et les couches modestes. A la fin des années 1990, le Maroc exportait également le concentré de tomates sous diverses transformations : double et triple concentré. Aujourd’hui, de nouvelles spécialités ont été développées comme le ketchup, les sauces et le jus. Mais, elles sont fabriquées pour l’essentiel à partir de matières premières d’importation. L’import du concentré de tomate est devenu régulier depuis une quinzaine d’années. Selon les estimations des conserveurs de poissons, les volumes varient entre 15.000 et 20.000 tonnes/an. Ces quantités sont acquises en concurrence entre les transformateurs de la tomate industrielle et les conserveurs de poissons. L’essentiel provient de 5 pays : l’Egypte, l’Italie et la Chine, et dans une moindre mesure, le Portugal et les Etats-Unis. Pour le moment, aucune indication précise n’est fournie sur le niveau de la production locale. Ce qui est sûr, c’est que le nombre d’usines a été fortement réduit : si une douzaine d’unités industrielles se partageaient le marché, au courant des années 1990, elles ne sont plus que six, selon la Fédération des industries de la conserve de produits agricoles du Maroc (Ficopam).

Emballages métalliques : l’autre paradoxe

Rien que pour la sardine, le Maroc est classé premier producteur et exportateur. Avec des exportations de la conserve de sardine qui dépassent les 130.000 tonnes pour un chiffre d’affaires de plus de 4 milliards de DH, cette filière industrielle est toujours obligée de recourir à l’importation d’emballage métallique. Il faut dire qu’au fil des années, les trois grands fleurons fabricants d’emballage métallique destiné à la conserve, ont baissé le rideau. Pourtant, outre la filière de la sardine, beaucoup d’autres filières du secteur agroalimentaire recourent essentiellement à l’importation d’emballages métalliques en provenance d’Espagne, du Portugal et d’Italie. Certains exportateurs de la conserve de poisson, par exemple, recouraient à l’importation de boîtes en aluminium moins compétitives sur le plan du prix, mais nettement plus attractives pour le consommateur européen. Ces boîtes en aluminium contribuent mieux à la valorisation de nos produits, surtout si le design est étudié et la lithographie réussie. L’amélioration du packaging permet à l’exportateur de vendre la conserve à un prix largement rémunérateur. D’ailleurs, c’est ce recours massif à l’importation qui a entraîné des surcoûts et porté préjudice à l’ensemble de la profession tout en dévoilant sa vulnérabilité. Il y a trois ans, le groupe métallurgique français Massilly a installé au sein du Parc Agadir Haliopolis dédié à la transformation des produits de la mer, son unité spécialisée dans la fabrication d’emballages métalliques avec un investissement de 10 millions de DH. Pour le management de l’entreprise qui dédie son unité à hauteur de 50% à l’emballage métallique en boîtes de sardines, le marché gadiri est porteur : beaucoup de clients de sardines sont implantés à Agadir en particulier et dans les régions du sud en général, alors que les clients de peintures, par exemple, sont implantés à Casablanca. C’est dire qu’il y a à faire.

Peinture automobile de première monte : en attente du feu vert de Renault et de PSA

L’évolution de l’industrie automobile au Maroc est une opportunité pour les industriels de la filière peinture. En effet, la peinture de première monte utilisée dans les usines de fabrication automobile, très spécifique, n’est pas encore fabriquée au Maroc, tout comme la peinture pour produits aéronautiques. Or, il s’agit là de relais de croissance importants pour ces opérateurs de la filière peinture, notamment avec les constructeurs PSA, Renault et tout l’écosystème en développement à Tanger, Kénitra, Casablanca… «Nous sommes prêts à investir sur ce segment. Encore faudrait-il que nous ayons la garantie des constructeurs Renault et PSA de s’approvisionner sur le marché local. Un engagement de dix nous suffit pour nous y lancer», Ahmed Hjiej, PDG fondateur de FACOP, troisième fabricant de peinture sur le marché national. 

Caroubier : le Maroc, 2ème producteur et exportateur mondial mais importateur de dérivés des caroubes

Le caroubier est cultivé depuis longtemps pour divers usages. Ses fruits sont comestibles et sucrés. On tire de la caroube deux principaux produits. La farine, obtenue en séchant, torréfiant et moulant les gousses après les avoir débarrassées de leurs graines, est employée surtout en agroalimentaire comme antioxydant grâce à sa composition riche en polyphénols et pour la production industrielle de bioéthanol et d’acide citrique. Selon Hassan Sbay, chef du Service de génétique forestière au Centre de Recherche Forestière (CRF) de Rabat, la gomme extraite de l’endosperme, blanc et translucide, de la graine, est utilisée dans les industries agroalimentaires, pharmaceutiques (principalement contre les diarrhées), cinématographiques, textiles et cosmétiques. Elle possède des caractéristiques très intéressantes en tant que multi additif (par exemple pour le chocolat, la crème glacée, le yaourt, la mayonnaise, les confitures d’oranges, les bonbons, les potages, les sauces, le ketchup, la diététique etc.). 100 kg de graines donnent en moyenne 20 kg de gomme pure et sèche. « Le Maroc, deuxième producteur et exportateur mondial, compte  une vingtaine d’unités concasseurs, de transformation et de production de la gomme dont la capacité dépasse les 80 000 tonnes. Les unités de transformations ont recours, malgré le fort potentiel de production au niveau national, à l’importation de certains dérivés des caroubes pour faire face au déficit d’approvisionnement, l’Algérie est le principal fournisseur du Maroc. Tous ces produits sont par la suite, après transformation, exportés vers l’Espagne. Les gousses entières, la pulpe, les graines et la gomme font l’objet d’un commerce important en direction de l’Europe. En 2006, la valeur des importations était de 46 074 millions de DH. Les exportations pendant la même année s’élevaient à 500 765 millions de DH», révèle-t-il.

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