Tribune

Phosboucraâ : arguments sur la mauvaise décision du tribunal sud-africain

• À l’instar de l’industrie extractive dans le monde, quatre piliers sont retenus pour évaluer la performance globale de Phosboucraâ : bonne gouvernance, intégration économique, respect de l’environnement et respect des droits des populations locales.
• Sur le plan du transfert des richesses, les chiffres démontrent qu’il se fait du Nord vers le Sud avec une péréquation nord-sud très significative. Pour chaque dirham des recettes de la région, le Maroc investit 7 dirhams, dans le cadre de la solidarité entre ses régions.
• Les activités de Phosboucraâ sont menées de manière inclusive au bénéfice des populations et dans le total respect des standards marocains et internationaux en la matière.
• L’extraction et la commercialisation du phosphate de Boucraâ se font conformément au droit international, à la Charte des Nations Unies et au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
Par : Abdellah Mouttaqi, vice-président de l’Institut Marocain des Relations Internationales

La décision de la Cour locale sud-africaine de renvoyer le dossier de saisie du navire « NM Cherry Blossom » à un procès sur le fond, révèle de nombreuses incohérences par rapport aux principes fondamentaux du droit international et à la réalité sur le terrain. En contradiction totale avec le jugement de la Cour panaméenne, cette décision ne constitue nullement une surprise eu égard à la position politique de l’Afrique du Sud envers l’unité territoriale du Maroc. En plus de l’instrumentalisation d’une juridiction locale à des fins politiques, pour se prononcer sur un dossier relevant du Conseil de Sécurité et du secrétaire général des Nations unies, les motivations du jugement prononcé par la Cour locale sud-africaine seront analysées sur deux points.

D’abord, la légalité de la recherche et de l’exploitation des ressources naturelles au Sahara marocain. Cette question a été tranchée par l’Avis juridique des Nations unies de 2002 sur le développement des ressources au Sahara marocain. En se basant sur les principes et règles des Nations unies en la matière, l’Avis juridique a reconnu la légalité des contrats signés entre le Maroc et des entreprises étrangères opérant dans l’industrie extractive ; l’Avis juridique avait souligné la nécessité d’aligner l’exploitation des ressources naturelles avec les intérêts des populations. Faisant autorité, cet Avis juridique est considéré par de nombreux opérateurs internationaux dans le secteur des ressources naturelles comme la « référence première » en matière d’activités relatives aux ressources du Sahara marocain.

Le deuxième point que nous analysons dans ce papier est relatif à deux principes de droit international qui ont motivé la décision de la Cour sud-africaine, à savoir le principe de consentement des populations et celui de la primauté de leurs intérêts. Le respect de ces deux principes est imposable par la Charte des Nations Unies et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. L’examen de cette question se fera selon une démarche globale qui tient, d’abord compte de la politique générale du Maroc, avant de faire un focus sur l’exploitation des phosphates par Phosboucraâ.
Concernant le consentement des populations, il est utile de rappeler que les populations des provinces du Sud participent régulièrement à la vie politique, économique et socioculturelle dans la région. C’est ainsi que lors des élections communales et régionales du 4 septembre 2015 et législatives du 7 octobre 2016, la région du Sahara marocain a enregistré des taux de participation très élevés, respectivement de 79% et 76%. Sur le volet économique, 60 à 65% de l’investissement privé est réalisé par des acteurs locaux. Ces élections qui s’inscrivent dans le cadre du chantier de la régionalisation avancée traduisent clairement les choix libres et consentis des habitants du Sahara marocain et leur contribution à la vie politique du Royaume du Maroc, à la gestion des affaires locales de leur Région et à leur développement humain intégré et durable. Dans le même sens, le Plan Marocain d’Autonomie présenté par le Maroc en 2007 et qualifié par la communauté internationale d’initiative pertinente, sérieuse et crédible, renforce l’implication des populations car il repose sur un transfert de compétences aux populations du Sahara, en tenant compte des spécificités locales et ce, dans le cadre de la souveraineté et de l’intégrité territoriale du Royaume.

Pour le principe de primauté des intérêts des populations, qui renvoie aux mécanismes onusiens cités ci-dessus, il est utile de rappeler, avant de traiter le cas précis de Phosboucraâ, que le Maroc a fait de ce principe l’épine dorsale de la gouvernance politique, économique, sociale et culturelle de ses provinces du sud. Porté par le chantier de la régionalisation avancée, ce principe s’est traduit par le Nouveau modèle de développement des provinces du sud lancé en 2015 avec une enveloppe budgétaire de 77 milliards de dirhams, ainsi que par le plan Marocain d’Autonomie. Premier investisseur et premier employeur dans les provinces du Sud, l’Etat marocain à travers ses investissements a permis le développement des infrastructures (routes, aéroports, ports, écoles, centres hospitaliers, stations de dessalement…) et l’amélioration très significative des indicateurs sociaux au niveau des Provinces du Sud. Sur le plan du transfert des richesses, les chiffres démontrent qu’il se fait du Nord vers le Sud avec une péréquation nord-sud très significative en précisant que pour chaque dirham des recettes de la région, le Maroc investit 7 dirhams, dans le cadre de la solidarité entre ses régions.

Pour le cas précis de Phosboucraâ, le modèle d’activité sera examiné sous l’angle du développement durable, en évaluant la triple performance de l’entreprise, qui en plus du volet économique, intègre les volets sociaux et environnementaux.
D’abord un retour sur l’histoire de cette entreprise qui fut fondée en 1962 par l’Institut national espagnol de l’industrie (INI), donc pendant l’administration espagnole de la Région sous la dénomination, Empresa Nacional Minera del Sahara S.A. pour devenir en 1969, Fosfatos de Bucraa S.A. (Phosboucraâ). En 1976, OCP a acheté 65% de Phosboucraâ auprès d’INI. Phosboucraâ a continué son activité en tant que joint-venture jusqu’en 2002, lorsqu’OCP a acquis les parts restantes (35%) auprès d’INI, devenant ainsi une filiale appartenant entièrement au groupe OCP. Ce dernier a engagé des investissements estimés à plus de 2 milliards USD sur la période de 1976 à 2010 et a enregistré des pertes d’exploitation pendant 27 ans et ce, jusqu’en 2008.

Par rapport aux standards de l’industrie extractive et des spécificités de ce secteur, l’exploitation de Phosboucraâ présente certaines particularités qui, sans une gouvernance solide et une gestion rigoureuse, auraient impacté négativement sa performance.
D’abord, il s’agit d’un gisement de taille modeste puisqu’il ne représente que 1,6% des réserves totales du Maroc (ce qui correspond à un peu moins de 1% des réserves mondiales connues selon les données de l’International Fertilizer Devloppement Center, IDFC et l’Institut d’études géologiques des États-Unis, USGS). Avec une capacité minière installée de 2,6 millions de tonnes par an, Phosboucraâ exploite le plus petit dépôt de minerai de phosphate détenu par le Groupe OCP. Ensuite, la nature du gisement de Boucraâ et sa localisation dans une région caractérisée par des contraintes géographiques (à titre d’illustration, ce n’est qu’en 1999 que la mine sera reliée au réseau électrique national de haute tension) et climatiques sévères (parmi les régions les plus arides du monde) impliquent un coût d’extraction 2,5 fois plus élevé que dans les autres mines d’OCP à travers le Maroc. A Phosboucraâ, les coûts d’entretien des équipements sont plus élevés et la durée de vie des actifs est plus courte.

Il est également utile de rappeler que l’exploitation de la mine de Boucraâ n’a commencé à être rentable qu’en 2008, grâce à la rigueur et la persévérance du Groupe OCP. Les bénéfices non répartis sont de 2,7 milliards de DH et, selon un audit indépendant, leur totalité est réinvestie localement pour bénéficier à la communauté locale. Aucun dividende n’est versé à OCP malgré les niveaux d’investissement considérables dans Phosboucraâ. En effet, 70% de l’investissement total (environ 2 milliards de dollars, soit près de 19,5 milliards de DH) réalisé par Phosboucraâ dans la Région entre 1977 et 2013 a été réalisé par OCP. De plus, les entreprises locales ont bénéficié de 22% de la commande passée par Phosboucraâ entre 1997-2013.

Concernant la performance environnementale, l’activité de Phosboucraâ se fait dans le total respect des standards marocains et internationaux en la matière sur toute la chaine de valeurs, aussi bien envers les communautés que par rapport aux ressources naturelles. Les enquêtes d’impact environnemental, pour lesquelles la population locale est régulièrement consultée, sont systématiques et mettent en avant l’impératif de préservation des ressources, notamment hydriques en raison des contraintes climatiques, et d’optimisation du mix énergétique par le développement des énergies renouvelables. Déjà, 99,8% de l’énergie consommée par Phosboucraâ provient du parc éolien de Foum El Oued, permettant ainsi la réduction de près de 80.000 tonnes de CO2 par an. Sur le volet hydrique, Phosboucraâ a redoublé ses efforts pour rationnaliser la consommation d’eau et a investi dans des installations de traitement de l’eau et de dessalement d’eau de mer, sans aucun recours aux eaux conventionnelles, ce qui représente environ une production annuelle de 1,5 million de m3.

Sur le plan social, Phosboucraâ est le plus grand employeur de la Région avec près de 2200 salariés dont 76% proviennent de la région et 100% des nouvelles recrues sont issues des provinces du Sud grâce notamment à une politique d’investissements importants dans la formation. Cette tendance se confirme à tous les niveaux de management. Le nombre d’employés locaux occupant les postes de management est passé de 1 en 2003 à 27 actuellement. Le renforcement de l’engagement social et sociétal du groupe dans les Régions du Sud, se manifeste aussi par la création en 2014 de la Fondation Phosboucraâ dont l’objectif est d’accompagner le développement socio-économique de ces régions selon une approche participative. Cinq grands programmes de développement constituent la feuille de route de la Fondation. Il s’agit de l’agriculture saharienne durable; le bien-être de la communauté locale ; la promotion de la culture et du sport ; l’entrepreneuriat et le développement urbain, avec notamment le projet de la Technopole Foum El Oued – Laâyoune qui inclut l’université Mohammed VI Polytechnique (capacité d’accueil de 2500), le lycée d’excellence (capacité d’accueil de 600) et le centre de compétences industrielles.

Dans le but de pérenniser le développement et la compétitivité de la Région, Phosboucraâ est actuellement engagé dans un plan de développement totalisant environ 2 milliards de dollars visant à améliorer la durabilité de son activité. Ce plan de développement représente une énorme opportunité d’inclusion sociale à long terme au profit de la communauté locale. L’investissement permettra à Phosboucraâ de développer sa chaîne de valeur, à travers la construction d’une plateforme intégrée de production d’engrais et d’un nouveau port.

Les activités de Phosboucraâ sont menées de manière inclusive au bénéfice des populations et dans le total respect des standards marocains et internationaux en la matière. Parmi eux, les standards et best-practices onusiens se rapportant à la conformité et la responsabilité sociale des entreprises, en mettant l’accent sur la durabilité des opérations, l’égalité des chances en matière d’accès à l’emploi et aux bénéfices des communautés locales. Ces activités répondent parfaitement aux quatre piliers retenus pour évaluer la performance globale de l’industrie extractive ; à savoir la bonne gouvernance, l’intégration économique, le respect de l’environnement et le respect des droits des populations locales.
L’extraction et la commercialisation du phosphate de Boucraâ se font conformément au droit international, à la Charte des Nations unies et au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Les clients du groupe OCP sont également convaincus que le droit national et international autorise la commercialisation du phosphate de Boucraâ. Le Groupe OCP est engagé dans la sécurité alimentaire mondiale et le développement agricole de l’Afrique, dans une démarche de partenariat Sud-Sud. Toute opposition à la commercialisation du phosphate par une instance non habilitée et sans motifs valables constitue une entrave à l’application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

 

 
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