Dossier

Point de vue Equité fiscale et justice sociale

 

Du point de vue du PJD, il était normal de prendre des mesures symboliques pour rassurer son électorat. Les marges budgétaires étant très limitées et ne permettant pas l’action sociale promise, on fait semblant de prendre aux riches pour donner aux pauvres.Notre dossier tend à démontrer que les mesures préconisées ne sont ni équitables, ni cohérentes et surtout pas efficientes. Le gouvernement Abdelilah Benkirane sait, avant même son installation, que le point de fixation s’appelle la Caisse de Compensation. Extrêmement budgétivore, le système actuel profite plus aux riches, puisqu’il subventionne la consommation. Il y avait  deux idées en l’air et « Challenge » avait ouvert le débat bien avant les élections. La première c’est le système du soutien direct, inspiré de l’expérience brésilienne dite de «la bolsa familia », la bourse familiale. La seconde consiste à instituer une « contribution restitutive» sur les couches aisées permettant, en fonction des revenus et de la situation familiale de récupérer le soutien à la consommation indu, dont ont bénéficié ces contribuables. La décompensation est annoncée, mais apparemment l’exécutif hésite à la mettre en place. L’honnêteté impose de reconnaître que ce n’est pas simple techniquement et que c’est risqué politiquement. Le Marocain reste très lié au prix du pain. La taxe imposée aux hauts revenus n’est en rien la contribution restitutive proposée. Elle concerne très peu de gens et ne permettra de récupérer, au mieux, que deux milliards de dirhams, quand la Caisse de Compensation en engloutira cinquante.
La solidarité passe par la fiscalité, mais elle ne s’exprime pas seulement par le soutien aux plus démunis. Dans une économie ouverte la solidarité c’est surtout des services publics de qualité accessibles à tous : l’école, la santé publique, les transports qu’ils soient urbains ou interurbains, l’égalité entre les régions en matière d’infrastructure, sont l’expression moderne de la solidarité. Or, cela exige des moyens dont le système de compensation prive l’exécutif. Il faut donc en chercher d’autres et ils existent !
Le choix opéré manque à la fois d’esprit novateur et de courage politique. Comme d’habitude, ceux qui ne peuvent frauder parce qu’ils sont taxés à la source  et le secteur moderne, transparent par nature, sont la vache à lait. C’est inique !
Le courage politique aurait nécessité la mise en place d’une législation faisant de la fraude fiscale un crime, couplée avec un calendrier de baisse de la pression fiscale, des taux d’imposition. Le civisme fiscal ne peut être obtenu qu’à ce prix. Dans des pays très libéraux, on rétribue les dénonciateurs des fraudes, parce qu’on considère que la citoyenneté est liée aux impôts. L’approche que nous proposons s’appuie sur une idée : taxer le patrimoine, plus que l’outil productif, ce n’est que justice puisque les résidences secondaires, les parcs automobiles, sont souvent en partie financés par l’évasion fiscale. Cette révolution fiscale, le PJD a préféré l’éviter au profit d’une loi de Finances idéologique pour ne pas dire démagogique. Le surplace continue, l’immobilisme demeure, alors que la crise s’approfondit.
Les assises de la fiscalité prévues en février devront sans détour répondre à une question : comment donner à l’Etat les moyens de son action régalienne, dont la solidarité et le maintien de la paix sociale, sans gripper la machine économique ? La logique étriquée de comptable ne doit pas être de mise. L’élargissement de l’assiette doit être coercitif, par voie légale. Les rapports entre le fisc et les contribuables, ainsi encadrés, peuvent alors entamer leur longue marche vers une normalisation, un équilibre, que les patrons « clean » appellent de leurs vœux. Au-delà des discours idéologiques, il faut s’atteler aux vraies réformes, la fiscalité est une charpente, encore faut-il qu’école, hôpital et justice soient remis en état de marche. Car l’incivisme fiscal est souvent justifié par la faiblesse du rendement des services publics. Si au bout de la législature nous approchons de cette vision cohérente, alors le Maroc aura fait un grand pas vers le développement intégré auquel nous aspirons.

J. B

 
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