Politique pénale : qui fait quoi ?

Le schéma de partage des pouvoirs tel que défini par la constitution de 2011 et les textes pris pour son application, soulève toute une série de questions qui nécessitent une réponse de la part du législateur. Avec la mise en place du nouveau système relatif à la présidence du Parquet, le pilotage de la politique pénale impose trois questions intimement liées : qui élabore la politique pénale ? Qui l’exécute ? Et qui en contrôle la mise en œuvre ?

Si pour l’exécution de la politique pénale la question est tranchée puisque la loi la confie d’une manière claire à la présidence du Parquet, il n’en est pas de même en ce qui concerne son élaboration et son contrôle. En l’absence d’un texte clair, l’élaboration de la politique pénale est un domaine où les trois pouvoirs se croisent. Pourquoi ? Pour la simple raison que la politique pénale ne se limite pas au corpus pénal (Code pénal, Code de procédure pénale et autres dispositions à caractère pénal contenues dans de nombreux textes de loi), elle s’étend aussi à la politique du gouvernement en la matière et aux instructions à caractère général adressées par le président du Parquet à l’ensemble des Procureurs. Et c’est ce qui ressort clairement de l’analyse des positions exprimées par les différents acteurs concernés par cette question.

Ainsi, la Cour constitutionnelle a déclaré dans sa décision du 15 mars 2016, que l’élaboration de la politique pénale est de la compétence du législateur qui a en outre « le droit de suivre son exécutions en vue de l’adaptation de ses dispositions et son amélioration éventuelle ». Par cette décision, la Cour constitutionnelle adopte une définition restrictive de la politique pénale en la confinant à l’élaboration de textes législatifs à caractère pénal. Certes, la loi pénale est la pierre angulaire de la politique pénale, mais il reste que celle-ci englobe tous les dispositifs par lesquels l’Etat réagit contre le crime.

Cette vision ne semble pas être partagée par le ministre de la Justice qui, dans son exposé devant la Commission de législation et droits de l’homme de la première Chambre du Parlement à l’occasion de l’examen du budget sectoriel de 2018, a soutenu que « l’élaboration de la politique pénale est l’une des principales attributions du ministère de la Justice ». Le ministre va plus loin en rappelant que la Charte de la réforme du système judiciaire qui prévoit que le Ministre de la Justice communique au Procureur Général près la Cour de Cassation les dispositions de la politique pénale qui, à son tour informe le ministre des mesures prises dans ce cadre. Et c’est exactement ce que prévoit le projet de procédure pénale qui sera soumis très prochainement au Parlement.

De son côté, le procureur général a adressé aux magistrats du Parquet, dès sa prise de fonction, une circulaire par laquelle il définit les priorités de la politique pénale de l’Etat à savoir la protection des droits et libertés, la rationalisation de la détention provisoire, la moralisation de la vie publique, la protection de la sécurité et de l’ordre public, la protection de la société contre les crimes qui provoquent la peur parmi les citoyens, la protection de certaines catégories de citoyens, la protection des personnes en charge de l’application de la loi et la réalisation de la sécurité foncière. Ne s’agit-il pas là d’une définition de la politique pénale ?

Quant au contrôle de l’exécution de la politique pénale, la Cour constitutionnelle a précisé dans sa décision précitée que le Président du Parquet est responsable de l’exécution de la politique pénale devant le Roi qui le nomme et aussi devant le Conseil Supérieur du Pouvoir judiciaire auquel il doit remettre des rapports périodiques sur l’exécution de la politique pénale. En application du principe constitutionnel de séparation des pouvoirs, la Cour constitutionnelle précise que le Parlement qui reçoit lesdits rapports n’est pas habilité à contrôler l’exécution de la politique pénale.

Il est donc clair que la politique pénale ne peut être que le fruit de l’intervention de tous les pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire). Comme quoi, le principe de la séparation des pouvoirs est d’une portée relative et n’exclut nullement la collaboration entre les différents pouvoirs.

 
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