Tribune et Débats

Pour la création d’une Haute Autorité de la Santé [Tribune de Abdelaziz Alaoui, Président de la CMIM]

La pandémie de la Covid-19 a bel et bien dépassé le simple cadre sanitaire. Les secteurs économiques ont été fortement touchés et la vie sociale a été arrêtée. Pourtant dans ce contexte de mise en pause, la médecine, avec tous ses partenaires, ont été au front pour combattre cet ennemi invisible, insidieux et insaisissable. Aucun effort n’a été épargné pour venir en aide aux personnes infectées. Cette attitude légitime la médecine dans sa fonction unique et primordiale, à savoir sauver les vies humaines, quoi qu’il en coûte. Serment d’Hippocrate oblige. Secourir, venir en aide, soigner, préserver la vie, améliorer la qualité de vie, informer et encadrer, telles sont les missions que s’assigne la médecine. Cette mission, dans toute sa noblesse, ne saurait être asservie à des manipulations de quelque type que ce soit. A ce titre, il est inutile de rappeler l’article 25 de la convention universelle des droits de l’Homme qui stipule clairement « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; elle a droit à la sécurité́ en cas de chômage, de maladie, d’invalidité́, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté́. », et que le Maroc a ratifié en 1967. Mieux encore, dans la constitution du Maroc, à l’article 31, alinéa 1 du titre II sur les libertés et les droits fondamentaux, il est énoncé : « L’Etat, les établissements publics et les collectivités territoriales œuvrent à la mobilisation de tous les moyens à disposition pour faciliter l’égal accès des citoyennes et des citoyens aux conditions leur permettant de jouir des droits entre autres :

. Aux soins de santé ;

. A la protection sociale, à la couverture médicale et à la solidarité́ mutualiste ou organisée par l’Etat ;

C’est dire que la fonction de soins et de préservation de la vie est un droit fondamental alloué à tout Homme et que nous devons tous y contribuer, l’améliorer et le rendre accessible. Or, depuis plus de 50 ans, les gouvernements changent et l’état de l’infrastructure sanitaire se détériore. On assiste à un déficit, voire absence d’infrastructures publiques. Les ressources manquent ou se désengagent. Les acquis d’hier, en terme de couverture médicale, sont abandonnés. Les établissements de soins dénigrent certaines zones géographiques. Certains projets sont restés dans cet état sans aucune visibilité sur leur sort. Les plans sanitaires se succèdent et ne se croisent pas. Et pour cause, tout gouvernement nouvellement issu des élections, prône le plan sanitaire du parti au pouvoir, parfois complètement différent de son prédécesseur. Aucune continuité, ni capitalisation sur les acquis passés ne sont envisagées.

Si on revisite ces plans, dûment pensés, à la pointe de la pertinence et avec des retours fort prometteurs, on ne peut nier la bonne volonté de leurs auteurs. Toutefois, cette discontinuité de mandat, a étouffé tous les bons plans car aucun élu ne veut suivre les traces de ces prédécesseurs. Cette confrontation partisane, voire personnelle, n’est pas sans desservir la noblesse de ce secteur. Les perdants restent et seront toujours nos concitoyens. Pire encore, c’est de leur vie et de leur santé qu’il est question. Or sans l’une ou l’autre, nous ne pouvons parler ni d’économie, ni de social, ni de pays et encore moins de politique. Notre nation a été, est et sera toujours, empreinte de ses hommes et de ses femmes et il est temps de leur rendre une dignité et une qualité de vie digne de leur participation à l’effort commun.

Dans ce sens, nous préconisons une indépendance du système sanitaire de toute influence d’une autorité politique, quand bien même élue au suffrage universel. Il est temps de renvoyer la santé à sa mission première et créer pour ce faire une Haute Autorité de la Santé (HAS). Loin de tout quelconque clivage, la HAS, se doit de concevoir et de veiller à la mise en œuvre   d’une stratégie sanitaire, à long terme, à l’échelle du pays, et y intégrer toutes les composantes humaines, partenaires et de renverser le rapport au politique qui devrait servir cette stratégie sanitaire pour tous et non l’inverse.Autorité indépendante, la HAS devra être représentative de toutes les composantes de la société marocaine.

Parmi les qualités que pourrait avoir la HAS :

. L’exhaustivité : pour rende compte d’un état des lieux objectifs et de mener les études de besoins émanant du tissu social au Maroc ;

. L’intégrité : dans ses choix stratégiques, sans aucune discrimination aucune, ni un clientélisme à outrance ;

. La vision à long terme : pouvoir anticiper et prévoir les besoins futurs en santé ;

. Formation et encadrement : promouvoir les spécialités, les techniciens, les assistants, qui répondent au mieux aux besoin de santé des marocains.

. L’intégration : la médecine ne peut avancer seule, elle a besoin de partenaires, pharmacologie, recherche scientifique, biotechnologie, …

. L’Information et la vulgarisation : elle aura autorité sur non seulement le soin mais aussi sur la prévention par des recommandations, au gouvernement et aux gouvernés.

Mais sa mission ne se limiterait pas seulement à l’élaboration de plan, de leur suivi ou de leur achèvement. Elle doit en plus être en mesure de se pencher sur la question de l’accès au soin et de son accessibilité. Car si cette stratégie à long terme est mise en route, elle aura besoin de consommateurs qui seront aussi les pourvoyeurs de ces ressources. Enfin, la HAS ne serait pas seulement à vocation médicale, purement scientifique, elle se doit de s’inscrire dans une approche sociale, solidaire et démocratique. Il est donc fortement recommandé une étroite collaboration avec les acteurs de la couverture médicale, publique, privée ou autre, afin de mieux ajuster ses plans et répondre au mieux aux attentes de nos concitoyens.

Par Abdelaziz ALAOUI

Président de la CMIM

[La Caisse Mutualiste Interprofessionnelle Marocaine ]

 
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