Finance

Quelle feuille de route pour Benkirane II ?

 L’histoire a tendance à se répéter : Salaheddine Mezouar sera-t-il le futur ministre des Finances qui remplacera Nizar Baraka dans le gouvernement Benkirane II ? Les bruits de salon se font persistants et les réseaux sociaux en sont convaincus. Quoi qu’il en soit, les questions de la compétitivité et de l’emploi, de la fiscalité et de la Caisse de compensation se poseront avec acuité.

Sauf coup de théâtre, les négociations entre le PJD et le RNI devraient aboutir à ce scénario qui lui rendrait son portefeuille des Finances. Dans ce cas, concernant la Loi de Finances, ce serait une ironique répétition de l’histoire. En effet, c’est Baraka qui avait hérité de la Loi de Finances préparée par Mezouar. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la continuité des idées et des convictions entre l’Istiqlal et le RNI n’est pas évidente. Pour preuve, à maintes reprises, Salaheddine Mezouar a eu à critiquer les positions économiques et financières du gouvernement Benkirane. Par exemple, en novembre 2012, à propos de la Loi de finances 2013, il pointait «l’absence de message fort pour relancer la croissance». Il disait simplement que le projet de loi «manquait d’innovation, de transparence et de réelles intentions» pour relancer la machine économique. Ce qui est clair, c’est qu’il pouvait  formuler les mêmes critiques concernant le projet de Loi de Finances 2014 dont il héritera sans doute, s’il est confirmé ministre des Finances. Et même s’il n’est pas à ce poste, il est probable que le portefeuille revienne à un membre de son parti. Ce qui ne manquera pas de l’embarrasser tout autant.

Car, c’est techniquement impossible de concevoir une Loi de Finances, en quelques semaines, ou même d’apporter des changements significatifs quant à l’ossature du projet en cours. Donc, quel que soit le futur ministre des Finances, le gouvernement Benkirane II devra s’inscrire dans la continuité de la précédente majorité. Néanmoins, au sein de la majorité,  «même si les ministres changent, l’institution gouvernementale est immuable», relativise ce ministre proche de Benkirane, minimisant l’impact que peut avoir la ligne directrice d’un parti politique sur la politique définie.

Abdelilah Benkirane, Chef du gouvernement et Salaheddine Mezouar, SG du RNI.

La question qui se pose est aujourd’hui de savoir de quoi héritera le prochain ministre des Finances. Difficile d’en avoir le cœur net, sachant que même la lettre de cadrage que devaient envoyer les départements des Finances et du Budget aux autres ministères, n’est même pas encore prête. C’est en effet, ce qui sert de liant entre les différentes propositions venant des autres membres du gouvernement concernant la Loi de finances.

Il n’empêche qu’on peut d’ores et déjà identifier les principaux objectifs que poursuivra la prochaine Loi  qui devrait s’inspirer de celle de l’année en cours. En effet, «la stratégie gouvernementale de développement économique et social poursuit les objectifs de compétitivité et de création de richesses et d’emploi, d’un rééquilibrage social et spatial et de réformes institutionnelles et structurelles porteuses d’efficacité et de valeur ajoutée», disait notamment Driss Azami, ministre du Budget, lors d’une intervention sur les ondes de la radio MFM, en novembre 2012. Un an plus tard, il n’est pas probable qu’il y ait un bouleversement. 

Pour chacun de ces points évoqués, un programme d’action doit être défini par la Loi de finances. Mais dans tous les cas, un petit décryptage est peut-être nécessaire. 

Compétitivité et emplois

D’abord pour le programme d’action visant à rendre compétitive l’économie nationale tout en favorisant la création d’emploi. Pour ce point particulier, il est clair qu’il faut un effort important en matière d’investissements publics. L’année dernière ce sont 180 milliards de dirhams qui ont été consentis. Mais seuls 53 milliards sont venus du budget général de l’Etat. Ce dernier continue d’être plombé par la Caisse de Compensation dont le déficit sera de l’ordre de 50 milliards de dirhams encore une fois en 2013. Et il n’est pas dit que la future Loi de finances puisse faire mieux.

Fiscalité

Ensuite, au niveau de la fiscalité, ce sont les Assises qui se sont tenues en avril dernier qui devraient logiquement servir de base aux orientations de politiques économiques. Mais, il n’est pas dit que le gouvernement suive  à la lettre les recommandations qui en sont issues. En effet, aucun engagement n’avait réellement été pris. Néanmoins, la Loi de Finances ne pourra pas éluder les orientations du Souverain qui, dans son discours du trône en juillet dernier, invite à mettre fin à l’exonération pour les propriétaires des grands domaines agricoles. Ce sera une vraie révolution, pour les grands acteurs de ce secteur qui bénéficient de cette mesure depuis plus d’une vingtaine d’années. Les petites exploitations, quant à elle, auront encore un sursis. A côté de l’agriculture, il existe d’autres niches fiscales pour des secteurs comme l’immobilier qui est l’autre grand bénéficiaire du système actuel d’exonération. Mais, il n’est pas sûr qu’on touche à leurs avantages pour le moment. En effet, on l’a vu avec la classe moyenne, la tendance est plutôt à l’élargissement.

Toujours en matière de fiscalité, il se pose la question de savoir si le gouvernement pourra réviser la TVA. C’est en tout cas, le souhait de la CGEM, qui y voit un moyen de faire entrer certaines activités qui demeurent dans l’informel, tout en corrigeant certaines imperfections de l’économie. En effet, certaines activités sont presque impossibles à rentabiliser sans recourir au circuit informel. Une TVA spécifique aurait pu leur permettre de rentrer dans la légalité tout en garantissant des revenus certains.

Compensation

Enfin, un autre point focalisera l’attention des observateurs. Il s’agit notamment, de la réduction des disparités sociales. La Loi de finances 2013 avait introduit une série de mesures concernant la fiscalité des hauts revenus et la redistribution. Tout le monde attend le bilan de la première année. Mais il ne faut pas être surpris de voir d’autres mesures faire leur entrée en 2014. Pourtant, là où on risque de constater encore une fois le mutisme du gouvernement, c’est au niveau de la Caisse de Compensation. Pourtant, à plusieurs reprises les déclarations ont laissé croire qu’il y aurait une réforme en profondeur de cette Caisse devenue intenable du point de vue du budget. Mais de toute évidence, il faut plus que du réalisme économique ou du courage politique. 

 
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