Interview

Radouane Amine : « Nous défendons la thèse mettant l’humain au centre de tout modèle de développement »

Le Centre des Jeunes Dirigeants (CJD) vient de proposer près de 40 « idées » pour relancer l’économie nationale suite à la crise du nouveau coronavirus. Radouane Amine, Vice-président du CDJ Maroc revient sur ce de plan de sortie de crise.

Challenge : Le CJD vient d’élaborer une liste de 40 « impératifs » pour une sortie de crise et une reprise post-Covid. Qu’est ce qui anime cette réflexion ?

Radouane Amine : Tout d’abord, il faudrait, peut-être, rappeler que le Centre des Jeunes Dirigeants (CJD Maroc), créé au Maroc en 2001, a toujours été une force de propositions, une école de transformation pour les entrepreneurs leaders et citoyens, un Think Tank centré sur la réflexion et l’anticipation sur des sujets économiques, sociaux, sociétaux, environnementaux et une structure d’expérimentation et d’influence avec pour une devise majeure « l’économie au service de l’Homme ».

En effet, et au-delà des actions réalisées au profit de ses membres, en termes de formations, commissions, networking, benchmarking, découvertes, réflexions, voyages d’études et autres activités, le CJD a été précurseur et initiateur du cycle de performance.

Son statut d’agitateur d’idées l’a positionné comme pourvoyeur de grandes propositions retenues dans leur majorité par les pouvoirs publics. Entre autres, nous citons le manifeste pour l’emploi et la croissance, la recommandation de la création d’entreprise à zéro Dirhams, les 13 propositions pour une sortie de crise de l’économie marocaine en 2011 et le statut de l’autoentrepreneur qui est devenu aujourd’hui une réalité dans la promotion de l’entreprenariat dans notre pays.

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Ceci étant, nous avons été interpellés par la crise économique et sociale occasionnée par la pandémie du COVID-19 et nous avons tenu, avec la participation de l’ensemble de nos membres, à mener une lecture de la conjoncture et une réflexion profonde sur les maux de l’économie en général et particulièrement ceux de la PME, épine dorsale du tissu économique marocain.

L’objectif étant d’apporter notre pierre à l’édifice du grand chantier de restructuration et de révisions des paradigmes socio-économiques.

Challenge : Est-ce à dire que tout ce qui a été fait jusque-là pour une sortie de crise et une reprise post-Covid, est insuffisant ?

A.R : Avant de répondre, il est de notre devoir d’exprimer notre fierté patriotique et de saluer les efforts consentis par les pouvoirs publics au Maroc pour lutter contre la propagation du covid-19 et en limiter, autant que faire se peut, les conséquences économiques et sociales.

Par contre, à notre avis, les mesures prises dans ce sens, pour les PME, ont été affaiblis pour deux raisons :

  • L’absence d’une vision claire depuis le départ
  • Une communication souvent au compte goûtte et à la dernière minute.

En effet, depuis l’instauration du comité de veille économique en mars 2020, toute une batterie de mesures a été annoncée, en urgence, pour soutenir l’entreprise et l’économie en général. Toutefois, force est de constater, que certaines mesures n’ont pas été clairement orientées et le déploiement d’autres a pris beaucoup de temps. Alors que, pour les PME, l’information et le temps constituent des facteurs déterminants non seulement pour la réussite mais parfois pour assurer la survie.

Le report, pour trois mois, des échéances fiscales, sociales et bancaires ont certes soulagé la trésorerie des PME, mais la crise économique s’étend, malheureusement, à d’autres aspects et sur un horizon plus long. D’où la nécessité de repenser, en impératif, les mécanismes de soutien et de financement pour assurer la relance.

Au CJD, nous avons choisi d’émettre, d’une manière compendieuse, des recommandations en parfaite adéquation avec les objectifs de la performance globale qui comporte quatre volets : économique, social, sociétal et environnemental.

Challenge : Quelles sont les principales propositions et pourquoi ?

A.R : Tout le monde a été pris de court par cette pandémie, ce qui devrait, normalement, bouleverser tous les paradigmes socio-économiques et contraindre une profonde révision des manières de penser et des méthodes de travailler.

Dans un monde ultra VUCA, drapé du covid-19, la disruption, pour le CJD n’est pas négociable. Il ne s’agit pas de simples propositions mais surtout des impératives. A notre sens, les réponses apportées à cette crise doivent être disruptives et déclinées en deux temps : l’urgence et le futur.

A cet effet, nous proposons quarante idées : 20 impératifs pour consolider la confiance entre les partenaires sociaux et 20 actions pour la mise en place d’un nouveau logos ou paradigme économique et social.

Les impératifs sont de trois catégories : opportunités, Financement et outils.

Les opportunités constituent, à notre vision, des pistes de création de nouveau souffle et l’ouverture de nouvelles pistes de décollage de l’économie Marocaine. A ce titre, nous exhortons l’accélération des processus de la régionalisation et de la digitalisation disruptive. Nous estimons, également, que cette crise pourrait constituer une occasion pour réajuster nos importations, instaurer systématiquement la préférence nationale pour les marchés publics et surtout pour assurer un climat de concurrence loyale en luttant contre les pratiques illégales.

Pour le financement de la reprise économique, le CJD Maroc, prône en plus de la mise en place des fonds de soutien régionaux et des financements participatifs, une série de mesures tels que : la prise de participation de l’Etat dans certaines entreprises qui le souhaite, la soumission de la distribution de dividende à la condition du respect des délais de paiements des fournisseurs, et l’encouragement d’injection des fonds de l’informel dans le circuit économique par le remplacement des billets de banque existants par de nouveaux billets.

Par ailleurs, si l’accroissement de l’offre par le biais de la commande publique constitue le leitmotiv des opérateurs et des théoriciens de la pensée économiques, au CJD, nous persistons sur la nécessité d’accorder systématiquement des avances démarrage aux entreprises et prestataires des marchés publics pour financer les achats et prestations liés à leurs marchés.

Enfin, il est plus souvent qu’autrement, que le manque de financement soit mis en avant pour justifier le taux de mortalité élevé des TPE. A ce titre, nous recommandons de conditionner tout financement par un accompagnement.

Au niveau des outils, pour accélérer la reprise post covid, le CJD préconise, entre autres, l’institution d’un impôt sur le patrimoine non productif, la facilitation de l’accès au foncier de l’Etat, l’instauration d’un statut de microentreprise avec une cotisation fiscale et sociale forfaitaire et la mise en place d’un projet national visant l’autonomie énergétique.

Quant aux propositions pour la genèse d’un nouveau paradigme économique et social, elles sont de deux niveaux : structurelles et économiques.

Au niveau structurel, le CJD milite pour l’élaboration d’un manifeste de citoyenneté et d’un pacte national de solidarité et de performance globale basés sur la promotion de l’excellence humaine et de la compétence marocaine.

Au niveau économique, nous défendons foncièrement la thèse mettant l’humain au centre de tout modèle de développement. Nous estimons, également, qu’il faudrait opérer des choix de rupture courageux et disruptifs, y compris le rôle de Bank Al Maghreb, le business modèle des grandes entreprises publiques et semi-publiques à même de changer de paradigme pour mettre fin à tout ce qui ressemble un tant soit peu à la rente et assurer une meilleure répartition des richesses au profit de tous les citoyens et toutes les régions.

Au final, nous sommes convaincus que notre pays traverse une crise inédite au niveau économique et social. Il est, ainsi, impérieux de sauvegarder et développer le capital confiance dont jouit le Maroc pour permettre des levées de fonds internationaux et ouvrir de nouveaux horizons dans les relations politiques et économiques à l’internationale dont notamment la révision de certains accords de libre-échange.

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