Portrait

Réda Oulamine, président de l’Association Droit et Justice : Avocat militant de la réforme de la justice

Sous des airs de jeune premier, cet avocat formé en France et aux USA est inscrit au barreau de Paris, de New York et de Casablanca. Après des débuts difficiles, il a su tracer son chemin à la force de son poignet et remporter ses batailles en comptant sur lui-même.
Par Noréddine El Abbassi

Le parcours de Réda Oulamine, rappelle que des fois, la vie peut ressembler à une course d’obstacles, qu’il faut franchir, les uns après les autres. En tout état de cause, il semble bien en être sorti, plus fortifié qu’affaibli. Habillé d’un costume clair de coupe anglaise sur-mesure, il a des airs polisses d’avocat bien né, que rien ne laisse deviner qu’il a vécu entre deux mondes.
Réda Oulamine  est né en 1972, à Casablanca dans une famille qui, a priori, avait suffisamment de cartes en mains, pour tirer de la vie le meilleur. En effet, le père était inspecteur des finances, tandis que la mère exerçait la profession d‘enseignante. En somme, une famille pour laquelle la charge de cinq enfants qu’elle comptait, ne devait soulever aucun problème. Réda était le benjamin de la fratrie et les premières années de son enfance se passaient dans la quiétude et l’insouciance. Mais l’environnement politique était néanmoins, celui de ce qu’on a appelé, les années de plomb. Malgré son jeune âge à l’époque, le jeune Réda garde un vague souvenir d’une gêne diffuse et d’une inquiétude ambiante lors de ces années là. Mais le plus dur était à venir, lorsque  la vie jouera un mauvais tour à la famille, comme elle sait le faire et quand on s’y attend le moins. Nous sommes en 1982, lorsque les difficultés financières apparaissent et se succèdent. C’est d’abord le père et contre toute attente, qui voit son salaire saisi, dans sa totalité. Mais l’acharnement du mauvais sort ne s’arrête pas à ce stade,  puisque la mère de famille, perd à son tour son emploi d’enseignante, suite à un différend personnel avec la directrice de son école. “A ce moment, on pouvait saisir la totalité de la rémunération d’un salarié, et il n’y a aucun recours possible auprès d’un tribunal administratif pour régler les litiges avec la hiérarchie”, explique-t-il, encore surpris d’une telle anomalie, maintenant que lui même est juriste. Bien entendu, suite à cet épisode, le cours de sa vie a totalement changé. Dès lors, il évoluera entre deux milieux sociaux.  Il vit dans l’ancienne Médina de Casablanca, dans  un environnement à la fois traditionnel et modeste, et continuera sa scolarité à la Mission française, parmi des camarades, issus de milieux bien plus favorisés. Equilibre bien difficile à tenir, surtout qu’à cet âge, les camarades sont cruels, quand on n’est pas des leurs. C’est dans ces blessures qu’il faut chercher les origines de la rage de vaincre qui l’animera dorénavant. Réda évoque cette période, quand il fallait beaucoup d’astuces et de dissimulations, pour vivre cette dualité. Sous peine d’être la risée de camarades qui n’admettent pas la différence et ne pardonnent pas la pauvreté. Cet épisode est bien loin derrière, mais contrairement à ce que l’on peut imaginer, il en a acquis une empathie pour les classes laborieuses, et s’est forgé un caractère batailleur. A la différence de son père, précise t-il: “mon père était pacifiste dans l’âme. Si on lui faisait du mal, il n’en avait cure. Alors que moi, je voulais en découdre. Par le débat d’idées et par la force du droit”, affirme-t-il, d’un ton volontaire.

Une vocation pour le droit

C’est peut-être cette enfance trop vite passée, qui l’a mûri prématurément et lui a donné le goût du droit. C’est que très tôt, dès son jeune âge, il accompagne son père dans les prétoires, lorsque ce dernier intentait des procès, relatifs à des problèmes d’héritage. Il n’a même pas 15 années, et c’est déjà un familier des tribunaux et des cabinets d’avocats. En outre,  grandir à l’ombre d’un intellectuel, qu’était le père de Réda, facilite à ce  dernier l’apprentissage du français, et le familiarise avec la rédaction des lettres de doléances que rédige M. Oulamine père.
Le peu de moyens de la famille, limite forcément les loisirs du jeune Réda et de ses frères, pour lesquels aller au cinéma est déjà une grande sortie. D’ailleurs, il n’aime pas le football, et préfère l’athlétisme et le vélo. Par ailleurs, cet enfant d’un quartier populaire,  est aux premières loges lors des manifestations de 1981. Il raconte: “ Je me rappelle que lors d’une course à l’épicerie voisine, je m’étais retrouvé dans une foule qui remontait dans le sens inverse, alors que j’entendais des balles siffler à mes oreilles”. Comme beaucoup de “jeunes vieux”, il suit les évènements politiques du pays. “Lorsque je parlais à mes camarades du meurtre de Mehdi Benbarka ou de la fuite des enfants Oufkir, ils ne savaient même pas de qui il s’agissait. Ou n’y accordaient aucune importance”, se remémore-t-il, évoquant de nombreuses anecdotes de cette époque dure, mais tout de même formatrice.  
Mais le temps passe et Réda, adolescent, se projette dans l’avenir. Tout le prédestine à s’orienter vers les études de droit. A cet effet, il optera pour un bac G, surnommé le “bac galère”. D’ailleurs, ses enseignants le confortent dans son choix. En 1992, il s’envole pour  le sud de la France, à Aix en Provence, où il poursuivra des études de Droit. Il fera cependant un détour par l’économie, dans un “accès de folie”, qu’il ne s’explique pas, comme il aime à le décrire. Et déjà, sa carrière prend du relief, au détour de sa rencontre avec la communauté estudiantine américaine.

Une carrière entre les USA et le Maroc

“Lorsque les autres étudiants économisaient pour acheter une voiture ou partir en vacances, je préparais des voyages de stages aux Etats-Unis”, explique-t-il, les yeux pétillants de plaisir à ce souvenir. Tout en regrettant l’âpreté de son passage en France. Il enchaîne les stages dans des cabinets d’avocats. Son dernier passage aux Etats-Unis,  le conduira au Secrétariat Général de l’ONU, où il fera un stage au service juridique. Dans l’intervalle, Réda décroche un DESS en Droit international, avant d’obtenir une bourse Fullbright pour étudier aux Etats-Unis. Son rêve se concrétise par son admission à l’Université Georgestown de Washington. Mais il doit se contenter de l’Université de San Diego, où les frais universitaires sont moins onéreux. Un mal pour un bien, il rencontre celle qui deviendra sa femme pour dix années en Californie. Aléa du visa estudiantin, Réda doit rentrer avec armes et bagages, lui et sa femme, pour deux années avant de pouvoir repartir aux USA. Il travaille alors dans le conseil juridique, mais le retour ne se passe pas comme prévu. Il retourne aux USA, avant que la maladie de son père ne le rappelle au Maroc, où il entame sa carrière. Il décroche une mission sur la “réforme de la justice au Maroc”, à la demande de l’Ambassade des Etats-Unis. Après quoi, il ouvre son cabinet d’avocat, mais doit faire face à l’opposition de ses pairs. Là encore, son esprit batailleur prend le dessus, et il finit par avoir gain de cause. A présent, il est avocat, inscrit aux barreaux de New-York, Paris et Casablanca. Il continue à s’intéresser aux problématiques de réforme de la justice au Maroc. Dans le tumulte du 20 février, il reprend le collier du travail associatif, et lance une Association d’Assistance Juridique. Caresse-t-il des ambitions plus larges? Il avoue s’intéresser à la Cour Pénale Internationale. Mais pour le moment, il vise une action plus globale, puisqu’il a fondé une association de réforme de la justice dans le monde arabe, faite par des nationaux. On a presque envie de dire qu’il n’est pas au bout de ses peines. Mais il a remporté tellement de combats, qu’il ne semble pas près de raccrocher ses gants de boxeur. Jusqu’au gong final. 

 
Article précédent

Les portugais prospectent au Maroc

Article suivant

Un sommet de la réforme de la justice arabe au Maroc