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Régionalisation: La mise en œuvre reportée à 2017

Les Présidents de Régions devront encore patienter. Ils ne cachent  pas leurs désarrois et leur inquiétude. Et les critiques fusent de toute part contre le gouvernement accusé, selon eux,  d’avoir lancé le processus de régionalisation dans l’improvisation totale et d’avoir organisé les élections régionales avant l’adoption des décrets d’application de la loi organique ce qui a condamné les nouveaux présidents, pendant presque toute une année, à l’inaction et au chômage technique. L’année 2016 aura été pour eux une année blanche ce qui  risque de leur coûter très cher en termes d’image et de crédibilité face à des électeurs qui commencent à douter de l’utilité de ce lointain échelon administratif alors qu’ils sont habitués à des relations plus directes avec leurs élus communaux. Face à cette pression le Ministère de l’Intérieur vient de faire adopter 22 décrets pour relancer la machine de la régionalisation. Mais suffiront-ils à réparer la panne? Leur mise  en œuvre n’est pas immédiate. Tous ce qui touche le volet financier et les ressources humaines dépend dans une large mesure de la loi de finance de 2017.

Rappelons que la loi organique a doté les régions de prérogatives et de ressources financières importantes pour qu’elles prennent en charge une partie des services publics tels que la santé, l’éducation, l’habitat, le transport ou plus généralement le développement économique. D’ici 2020, les régions devront encaisser 5% de l’Impôt sur le revenu (IR), 5% de l’Impôt sur les sociétés (IS) et 20% des taxes et timbres sur les contrats d’assurance. Il y aura également des dotations budgétaires qui s’élèveront à 10 MMDH en 2021. Enfin, les régions pourront prélever des taxes sur leur territoire. En théorie, les budgets des régions se compteront en milliard(s) de DH.

Mais toutes ces dispositions restent encore théoriques pour le moment. Dans ce domaine, les régions devront encore patienter. Car les schémas de mise en œuvre budgétaires ne sont pas encore bien mis au point. Le FMI, dans son rapport publié le 2 aout 2016, a  souligné que « la décentralisation budgétaire comporte des risques financiers importants, y compris à la lumière de la capacité de mise en œuvre limitée au niveau de l’échelle locale, et qu’elle exige l’établissement de contrôles et équilibres budgétaires appropriés au niveau central et au niveau local ».  Compte tenu du caractère expérimental de la phase actuelle de la régionalisation, le FMI a demandé au Gouvernement, d’élaborer à la fin de 2016, avec son assistance  « des plans détaillés à moyen terme en ce qui concerne la séquence de la décentralisation et des mesures spécifiques pour assurer une saine gestion des finances publiques, y compris celles concernant les responsabilités de dépenses locales et les contrôles de la dette, et, plus largement, la mise en œuvre de la loi organique au niveau régional ». Cette recommandation du FMI a été reprise par le Chef de Gouvernement qui a demandé, dans la note d’orientation concernant la préparation du projet de Loi de Finances 2017, l’élaboration d’un plan stratégique de transfert progressif des compétences vers les régions, en prévoyant des mécanismes d’accompagnement, sur les plans financiers et  humains et en veillant aux respects des équilibres budgétaires.

La mise en œuvre de la régionalisation s’avère donc plus complexe que prévue et  les Présidents devront encore attendre et rien n’indique que l’année 2017 sera celle où les régions atteindront leur vitesse de croisière.

Beaucoup d’observateurs se demandent pourquoi le gouvernement a négligé ce grand chantier de réforme de l’Etat qui a été lancé par le Souverain en 2010 et confirmé par la Constitution de 2011. Pourquoi il a fallut attendre 4 ans pour adopter les lois organiques et 5 ans pour adopter les décrets d’application ? Pourquoi le plan stratégique de transfert progressif des compétences vers les régions et la décentralisation budgétaire qui l’accompagne n’ont pas  été élaboré bien avant ?

Comble de l’ironie est que les Présidents de région vont toucher un salaire de ministres alors qu’on ne sait pas encore quelle est l’ampleur réelle des tâches qu’ils vont accomplir puisque la régionalisation n’est pas encore fonctionnelle. Il aurait fallut attendre que le processus fonctionne pleinement et dimensionner les indemnités en fonction du travail réel et non l‘inverse. Autrement le contribuable continuera à se demander pourquoi un tel salaire et pour quel service rendu, ce qui ne contribuera certainement pas à crédibiliser l’institution régionale.

 
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