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Retraite et compensation : la réforme est en marche

Abdelilah Benkirane, Chef du gouvernement.

2015 sera une année marathon pour le gouvernement Benkirane, tant les chantiers programmés sont nombreux et complexes. Les plus prioritaires toucheront le parachèvement de la construction politique et institutionnelle avec l’adoption des lois organiques qui y sont liées, ainsi que les grandes réformes de la justice, l’éducation et la formation, la fiscalité, le système de la compensation et la retraite. Une quasi certitude pour ces deux dernières : la réforme va prendre vie en 2015. par Abdelfattah ALAMI

A quelques jours de la fin de l’année 2014, le gouvernement s’active pour la mise en œuvre de la réforme de la compensation et celle de la retraite. Les Conseils d’Administration de la Caisse Marocaine des Retraites (CMR) et de la Caisse de Compensation (CP), tenus la dernière semaine de décembre, ont permis de mettre en avant l’urgence de ces chantiers et de révéler, sur le plan macroéconomique, les atouts des mesures à concrétiser.

Réforme de la retraite : des changements pour 2015

Le ministre de l’Economie et des Finances, Mohamed Boussaid, a souligné, au cours de la réunion du Conseil d’Administration (AD) de la Caisse Marocaine de Retraite (CMR) que la réforme paramétrique du régime des pensions civiles constitue la première étape de la grande réforme des régimes de retraite, qui connaîtra le regroupement de toutes les caisses du pays en deux pôles : l’un pour le secteur public, l’autre pour le secteur privé. En effet, les études actuarielles ont révélé la fragilité des équilibres démographiques et financiers du régime des pensions civiles et l’importance du niveau des engagements de ce régime qui ont atteint 687 milliards de dirhams à fin 2012. Le maintien du statu quo a eu pour grave conséquence que le déficit se creuse en 2014 avec le stock de sécurité qui commencera à être touché et le régime connaîtrait l’épuisement de ses réserves en 2022. « Durant l’année 2014, les dépenses du régime des pensions civiles ont dépassé ses recettes ordinaires (cotisations salariales et contributions patronales) d’un montant estimé en fin de cette année à 1,1 milliard de dirhams», a indiqué M. Boussaid.
 Le scénario de réforme paramétrique du régime des pensions civiles présenté aux partenaires économiques et sociaux, et ensuite soumis au Conseil Economique Social et Environnemental (CESE) serait, en toute vraisemblance, exécuté et mis en œuvre à partir du 1er Juillet 2015. Il s’articule autour des mesures suivantes :
-Relèvement de l’âge de départ à la retraite à 62 ans à partir de juillet 2015 et progressivement à 65 ans, à partir de 2016, à raison de 6 mois par an, avec toutefois la possibilité de bénéficier d’une pension complète avant l’âge légal de départ à la retraite après 41 ans de cotisation ;
-Relèvement des taux de cotisation de l’Etat employeur et du fonctionnaire de deux points chacun en 2015 et en 2016 ;
-Adoption du salaire moyen des 8 dernières années, comme base de calcul de la pension et ce, progressivement sur une période de 4 ans ;
-Révision du taux d’annuité de 2,5% actuellement à 2% pour les droits futurs, à partir de la date de réforme, et maintien du taux actuel pour les droits acquis avant cette date ;
-Révision des conditions de départ en retraite anticipée : 26 ans au lieu de 21 ans pour les hommes ;
20 ans au lieu de 15 ans pour les femmes et 36 ans au lieu de 30 ans sans les conditions relatives à l’autorisation de l’administration et au quota annuel fixé à 15%.
L’adoption des mesures combinées permettrait ainsi de repousser l’apparition du 1er déficit du régime à 2022 au lieu de 2014 et l’épuisement des réserves à 2031 contre 2022 dans le cadre du statu quo. Il en est de même pour la dette implicite du régime qui serait réduite à 209 milliards de dirhams au lieu de 687 milliards de dirhams, accumulée à fin 2012.
Notons que la tâche est loin d’être aisée pour le gouvernement. Les trois centrales syndicales, l’UMT, la CDT et la FDT, sont montées au créneau et ont opposé une résistance féroce au projet du gouvernement en boycottant, à titre de protestation, une rencontre avec le Chef du gouvernement. Il en est de même de certains partis de la majorité qui ont émis des réserves réclamant une réforme des caisses de retraite dans le cadre d’une approche globale.
Devant les contraintes qu’impose l’urgence de cette réforme stratégique et face à cette guerre déclarée au gouvernement, l’on peut se demander si celui-ci a encore d’autre choix que de passer à l’acte pour faire passer son projet au prix d’assumer «la facture politique» correspondante ?  

La compensation, une réforme progressive

Les signes annonciateurs de ce processus progressif de la réforme du système de la compensation ont commencé à être mis en application, en 2013 et en 2014, par le système d’indexation des carburants.
Les mesures prises en 2014 sont, principalement, la décompensation du supercarburant, du fuel N2, du fuel destiné à la production de l’énergie électrique et la fixation de la subvention allouée au gasoil. Toutefois, l’Etat a continué à prendre en charge une partie de la charge du gasoil et la totalité de la fluctuation du marché international du gaz butane, du gasoil destiné à la pêche côtière et du sucre, pour une enveloppe dépassant les 31 milliards de dirhams. L’Etat a poursuivi, également, la compensation de la farine nationale du blé tendre et le blé destiné à la production de la farine libre pour une enveloppe de près de 2,5 milliards de dirhams.
En présidant la réunion du CA de la Caisse de compensation, le 26 Décembre, le Chef du gouvernement a indiqué que l’adoption du système d’indexation partielle des produits pétroliers a permis de réduire de manière drastique le coût de la compensation pour le budget de l’Etat puisque de 55 MMDH, la charge de la compensation chuterait, à fin 2014, à 33,6 MMDH et les prévisions tablent sur un montant de 23 MMDH, en 2015.
Evidemment, d’autres facteurs ont contribué à cette amélioration, dont principalement la baisse du prix de pétrole où le baril a perdu, sur les marchés internationaux, la moitié de sa valeur pour se situer aujourd’hui à moins de 60 $, situation qui se répercutera fatalement de façon négative sur les finances publiques des pays producteurs.  
 L’agenda du gouvernement pour 2015, tel que fixé dans la Loi des Finances, comprend parmi ses priorités, la poursuite de la réforme du système de compensation à travers la reconduction des mesures d’indexation prises en 2014, pour arriver à un alignement du prix du carburant sur le prix du baril à l’international. L’objectif étant la préservation des équilibres financiers tout en réalisant des économies afin de les injecter dans l’investissement dans le domaine social, surtout l’enseignement, la santé et le logement ainsi que le ciblage des populations vulnérables.
En parallèle à la réforme progressive du système de compensation, plusieurs mesures d’accompagnement seront déployées dont essentiellement, la poursuite du soutien du secteur du transport, l’allocation à l’ONEE d’une aide directe, en vertu du contrat-programme signé entre l’Etat et l’ONEE au titre de la période 2014-2017 afin de maintenir les tarifs de l’électricité à des niveaux abordables, ainsi que la promotion du pompage solaire dans le secteur agricole dans le cadre des projets d’économie d’eau d’irrigation.
Second événement marquant de cette dernière semaine de décembre, celui de la signature, le 26 décembre, entre le gouvernement et les professionnels du secteur pétrolier d’un «accord d’homologation des prix de produits pétroliers » dont l’objectif est d’atteindre, en 2015, une décompensation de ces produits et une libéralisation totale, à terme, du marché. En d’autres termes, à partir de 2015, les prix du carburant à la pompe fluctueront en fonction des cours du pétrole à l’international. Avec la signature de cet accord, «le gouvernement se dirige vers la libéralisation des prix des trois produits pétroliers (gasoil, essence super et fuel) après une décompensation définitive du gasoil, ce qui aura un impact positif sur les prix grâce à la libre concurrence», a déclaré à la presse M. Boussaid.
Si, comme l’affirmait le Chef du gouvernement à l’occasion de la signature de cet accord, celui- ci «prendrait en compte le pouvoir d’achat des consommateurs, les intérêts des entreprises pétrolières et le maintien des équilibres macro-économiques», ce vœu ne connaîtrait de concrétisation qu’en présence de deux conditions essentielles : un jeu libre de la concurrence et un marché favorable de «l’or noir». Or, le risque est si grand que, d’une part, les ententes tarifaires domineraient les pratiques des distributeurs de produits pétroliers, situation que nous subissons aujourd’hui dans plusieurs secteurs importants de l’économie, en dépit des lois et règlements qui interdisent et sanctionnent ce genre de conduite et, d’autre part, que nous assisterons, dans les prochaines échéances, à un retournement de situation avec une conjoncture défavorable, pour nous, au cas où des fluctuations à la hausse toucheraient les cours du pétrole.

 
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