Culture

Tanger. Musée Dar Niaba : De l’histoire… diplomatique

Tanger, la mariée du nord, vient d’ajouter une nouvelle pierre précieuse à son collier déjà bien garni. Dar Niaba a été baptisée le lundi 26 septembre 2022.

Depuis le lancement de sa résurrection en 1999, Tanger ne cesse de se métamorphoser. Outre les grands projets tels Tanger Med, Autoroute, LGV, Zone industrielle… La réhabilitation de l’ancienne médina et la restauration de ses lieux, culturels et cultuels, de mémoire… l’observateur averti constate l’intérêt porté à la culture et aux arts. On ne compte plus les lieux et les projets réalisés pour enrichir l’offre culturelle de la cité d’Ibn Batouta, d’Abdallah Guennoun, mais aussi de Mohamed Choukry, Tahar Ben Jelloun et autre Beat generation. La cité fut pendant longtemps la muse des peintres, des écrivains et des cinéastes en provenance des quatre coins de la planète.  

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Outre les espaces de la Fondation nationale des musées : Le Musée de la Kasbah des cultures méditerranéennes (2017), Villa Harris-Musée de Tanger (2021), la Kasbah espace d’art contemporain (2021) et enfin, pour le moment, le musée Dar Niaba (2022), d’autres espaces sont créés, à l’instar de la Maison des cultures et des arts, de Borj Naam, dédiée à la mémoire du Tangerois par excellence, Ibn Batouta, Beyt Yehuda-synagogue Assayag et son centre de recherche sur les juifs du nord, le Palais des arts et culture, l’espace culturel et artistique Riad Sultan, le centre culturel Ahmed Boukmakh… En déambulant dans la ville, on remarque les autres projets en chantier, à l’instar du mythique Teatro Cervantes ou encore du cinéma Mauritania, dont la rénovation a été initiée par CinéAtlas.  

Naissance et évolution d’une institution

Lieu emblématique de la cité, Dar Niaba évoque les mille et une histoires de notre pays et ses relations avec l’Occident, notamment l’Europe. Le nouvel espace se propose de nous plonger dans l’histoire diplomatique du pays à coups de documents rares, d’objets, de photos et d’œuvres d’art. Une histoire qui s‘écrit au jour le jour, car les historiens se posent toujours des questions sur les dates exactes du lancement d’une telle institution. Ce qui est sûr, outre les tentatives d’ouverture de Moulay Ismail et sa relation orageuse avec Louis XIV, on peut dire que c’est Sidi Mohammed Ben Abdallah, le Roi visionnaire, créateur d’Essaouira Mogador, qui a ouvert notre pays sur le monde. En signant une trentaine de traités, en réorganisant les ports, les douanes, en créant les Tujjars Sultan…, on peut dire sans se contredire, comme l’écrit Michaux-Bellaire dans Villes et Tribus du Maroc, Tanger et sa zone,  que « c’est lui le créateur de l’institution, légale et permanente, de la représentation diplomatique dans le pays. » C’est en son temps, que l’idée de concentrer les représentants des divers pays dans la ville, faisant de Tanger en 1877 la capitale diplomatique du Royaume. Il avait, comme « ministre des Affaires étrangères » le juif Samuel Sumbel, et plus tard le génois Francisco Chiappe. Est-ce un hasard si le premier consulat ouvert à Tanger fut celui de la république de Venise, initié par le frère de ce dernier ? En 1792, le makhzen accepte le corps diplomatique comme Assemblée administrative chargée de veiller aux conditions sanitaires du pays.

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Quant à Dar Niaba Essaida ou Acharifa, on évoque la date de sa création en 1851, sous le règne de Moulay Abderrahmane (1822-1859). «Véritable ministère des Affaires étrangères du pays», comme le note l’historien Jean-Louis Miège, l’institution a évolué au fil du temps. On lit dans Tanger et sa zone, que «Le Naib du Sultan représente à Tanger l’autorité chérifienne et agit en vertu des instructions du sultan, dans la limite des conventions diplomatiques en vigueur à Tanger : il maintient vis-à-vis du corps diplomatique et d’accord avec lui, l’exécution de ces conventions en ce qui concerne Tanger et sa zone. » Au temps où Michaux-Bellaire note ces lignes, en 1921, le Naïb du sultan fut Si Haj M’Hammed ben Abdelkrim Tazi. Outre le Naib, l’institution est constituée respectivement du khalifa du Naïb, Larbi Senhaji, d’un Conseiller juridique, Si Mohammed El Ghazi, d’un Conseiller des affaires consulaires, Haj M’Hammed Bel Abbas Benchekroun, d’un  interprète et de plusieurs secrétaires.

Et le  Musée fut !

Laissons l’histoire aux historiens, revenons à l’espace et à son environnement. Situé  en plein centre de la médina de Tanger, dans la rue Siaghin, l’une des plus anciennes de la ville, portée sur les cartes datant de l’occupation portugaise, Dar Niaba coexiste avec la mosquée, l’église de l’Immaculée-Conception, la plus importante de Tanger, fondée en 1880 et des synagogues dont Beyt Yehuda-synagogue Assayag, rénovée tout récemment. Elle reflète ainsi l’image de Tanger comme ville cosmopolite, polyglotte, ville marocaine enracinée mais ouverte sur le monde. De là les paradoxes, le charme et la singularité de la ville de Détroit. Bâtiment longtemps délaissé, il est réhabilité dans les règles de l’art par l’architecte Mounir Anouar grâce à la mobilisation des efforts de l’APDN et ses deux principaux partenaires, en l’occurrence la Wilaya et le ministère de la Jeunesse, de la culture et de la communication.  Un tour de table avec une  enveloppe budgétaire globale de 14 millions de dirhams. 

Sur une  superficie globale de 1.841 m², s’offre une infinité d’objets et d’œuvres dans une scénographie adéquate signée par Isabele Timsit (ISACREA), l’architecte d’intérieur qui avait déjà réalisé les scénographies de Villa Harris, la Kasbah Espace d’Art Contemporain et la Synagogue Assayag.  Elle nous déclare: «J’ai eu la chance de récupérer un bâtiment restauré dans les règles de l’art par le Cabinet Amaoui. Il convenait à travers ces supports scénographiques et cette collection inédite de retranscrire l’esprit de Tanger International…J’y ai inséré du mobilier sobre, élégant aux normes muséales en accord avec ce bâtiment singulier». La nouvelle configuration de Dar Niaba, dont la gestion sera confiée à la Fondation des musées nationaux, propose un espace culturel, d’une superficie totale de 1 841 m², comprenant une salle polyvalente, une salle d’exposition, des ateliers de peinture, photographie, traitement d’œuvres, sculpture et céramique en plus des espaces adjacents.

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Outre ce beau patio, habillé par quatre panneaux monumentaux de zellige émaillé,  scène de vie de Tanger du début du  20ème siècle, une donation de la famille Cruz Seruya (Provenance : Immeuble Cruz Seruya), le parcours comprend une exposition permanente intégrant l’histoire diplomatique de Tanger et du Maroc, le parcours de Delacroix qui a séjourné en 1832 dans la ville et dont l’œuvre  reste marquée par ce séjour. Une expo semi-permanente nous donne à voir justement, les œuvres des autres peintres sur la trace de l’auteur de la Liberté guidant le peuple. On admire, entre autres, des Majorelle, Bertuchi, Fuentes… Dans l’ensemble, une collection constituée de prêts et de donations  de la famille Fuentes, de Dar El Ghazi et de Bank Al-Maghrib.

Le nouveau musée c’est aussi un espace enfants avec projections instructives et accessibles sur l’histoire de la diplomatie marocaine, une salle de conférence pour master class, un atelier d’artistes en résidence et un autre de restauration d’œuvres.  Le Musée Dar Niaba, se veut un haut lieu de création, d’échange et d’apprentissage. Il attend votre visite. Bienvenue à Tanger !

 
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