Dossier

Mehdi Alaoui, vice-président de l’APEBI : « pour un cadre fiscal plus adapté à la startup »

Challenge : Est-il opportun pour le Maroc d’accorder des carottes fiscales d’encouragement à l’innovation, ou bien ce genre de mécanismes ne sert pas à grand chose? Et pourquoi?

Mehdi Alaoui : Bien sûr, c’est extrêmement important de mettre en place des incitations et un cadre fiscal plus adapté à la startup. Une telle initiative permettra de l’encourager. Moi, par exemple, je viens du monde de la startup. J’en ai créé 6 avec des hauts et des bas. Il y a eu des échecs mais aussi des réussites. Cependant, si je pouvais par exemple recruter des talents, tout en ayant moins d’impôts à payer, je pense que j’aurais pu multiplier par deux le nombre d’emplois créés. Il faut savoir qu’en recrutant un talent, la startup crée de la valeur et peut même garder ce talent, mais lorsqu’il y a autant de barrières fiscales pouvant aller de 20% jusqu’à 40% de taxes supplémentaires, la startup est asphyxiée. Et surtout avec la nature des contrats de travail au Maroc, beaucoup plus en faveur de l’employé que de l’employeur, et ne permettant pas à ce dernier, une fois que le salarié est bien installé dans son fauteuil, de le mettre en compétition, alors que dans le domaine de la startup, ce besoin de compétition est permanent. Donc, je pense que si les autorités peuvent arriver à adapter ces différentes réalités de la startup au cadre réglementaire, je suis sûr et certain que la startup peut être l’un des employeurs les plus importants au Maroc, parce que le potentiel existe. Je pense vraiment qu’il faut avantager la startup.

Avez-vous fait des propositions dans ce sens dans le cadre des consultations lancées par le ministère de l’Industrie pour l’élaboration de la nouvelle Charte de l’Investissement? Lesquelles?

L’APEBI a proposé plusieurs recommandations, et cela depuis plus d’un an et demi au ministère de l’Industrie, à celui des Finances et l’Agence du développement du digital (ADD). Nos propositions ont donc été prises au sérieux, puisqu’à notre connaissance, 80% de nos recommandations ont été prises en compte. Ce qui constitue une très bonne nouvelle pour l’écosystème startup. Même si je n’ai pas le droit de révéler tout ce qui a été pris en compte avant la mise en place officielle de la nouvelle charte de l’investissement, je sais que tout ce que l’on retrouve dans le Startup Act tunisien va figurer dedans.

Challenge : Comment peut-on éviter les effets d’aubaine et concilier entre mécanismes efficients et équité fiscale, sachant que la notion d’entreprise innovante est assez ardue à cerner et définir?

Cette question est extrêmement compliquée et il faut l’analyser sous différents angles. Ce qui importe aujourd’hui pour l’APEBI, est de dire qu’il y a des jeunes qui créent des startups et qui ont du mal à décoller. Ces jeunes-là sont des moteurs de l’emploi et de l’auto-emploi et il faut quoi qu’il en soit les favoriser un petit peu pour qu’on puisse avancer. Il n’ y a aucun problème pour les autres secteurs et les fédérations de vouloir avantager la startup, parce que tout le monde veut encourager la nouvelle génération. Il faut savoir que la startup n’appartient pas à un seul secteur, puisqu’elle est présente dans les secteurs d’activité. Je pense qu’en encourageant les jeunes, quelque part, on crée déjà cette équité fiscale dont il s’agit, parce que ces jeunes ont besoin de ce premier bon de commande pour faire ce premier pas dans le monde réel des affaires afin de pouvoir créer une belle sucess-story.

Nous savons que celui qui est déjà bien établi, a déjà de l’expérience et peut faire plus, mais par contre celui qui n’a encore jamais eu cette chance, il faut qu’on puisse lui créer cette chance pour qu’il puisse avancer. Autrement, cela ne sera pas possible. Nous sommes en plein boom des startups au Maroc, et il faut les encourager, et ne pas les laisser de côté, sinon ce beau mouvement va s’affaiblir, et même s’il ne va pas disparaître, il sera quand même ralenti. Et comme nous le savons tous aujourd’hui, les dix plus grandes valorisations boursières dans le monde étaient des startups il y a 10 ou 15 ans. Alors, est-ce qu’on a le droit de priver ces jeunes de créer l’avenir du Maroc ? Je pense que non.

 
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