Dossier

Une rentrée politique et économique… pas comme les autres

Les chantiers de la rentrée sont nombreux et leur impact social et économique sur le vécu des citoyens n’est guère à démontrer. L’équipe gouvernementale a du pain sur la planche ! Tour d’horizon des défis qui attendent nos responsables en cette dernière ligne droite de l’exercice 2015. par Driss Al Andaloussi

Chaque début septembre est synonyme d’annonces, parfois de projets et souvent d’étalement des contraintes qui pèsent sur l’avenir de notre pays politiquement et, bien sûr, économiquement. Les élections, dont la préparation a duré plus d’une année, sont enfin là et leurs résultats vont peut être introduire plus de doute chez les acteurs politiques. Le doute sur les alliances qui doivent encore durer une année supplémentaire avant l’arrivée des élections parlementaires, mais aussi le doute qui sera induit  par les ententes qui feront des majorités au niveau des territoires loin des «logiques» nationales. La campagne électorale a exacerbé la mauvaise qualité des discours sur les réseaux sociaux et a amplement déformé les règles de conduite minimales en matière de débat «politique». Les questions locales ont cédé la place au niveau des meetings à des diatribes et ont enrichi le vocabulaire emprunté à la rue.

La Samir et ce doute sur l’alimentation du marché

Tout le monde s’est juré de faire du taux de participation son cheval de bataille et presque la majorité de nos «hommes politiques» ont tout fait pour pousser les jeunes vers plus de doute. Les accusations ont fleuri et ont touché tout le monde. L’enrichissement illicite était au centre des plaidoyers publics des chefs de campagne et rares ont été les phrases «assassines» qui ne méritaient pas des procès pour diffamation.
Le doute… C’est aussi le fruit de cette grande «bombe» qui vient d’être découverte sous le sol de notre belle ville des roses et sa raffinerie. Après avoir chanté les impacts positifs de l’indexation des prix du pétrole sur les comptes de la compensation et partant, sur le déficit du budget, nous voilà, assommés par un manque de veille sur une structure stratégique pour notre économie et pour notre sécurité énergétique. Les Marocains découvrent que la raffinerie Samir est redevable d’environ 14 milliards de DH à l’égard de l’administration fiscale et douanière et que beaucoup de nos banques vont faire passer des écritures comptables liées aux créances douteuses. Des provisions gigantesques seraient constituées et les marges bénéficiaires qui constituent, naturellement, l’essentiel de l’assiette de l’IS de notre système bancaire seraient plus maigres que l’année dernière. Bernés par des joueurs plus habiles que nos banquiers et nos administrations fiscale et douanière, les propriétaires de la raffinerie nationale ont mis tout un système en difficulté… Il est très difficile d’admettre le contraire. Le passage dans le rouge d’un compte bancaire détenu par un simple client d’une banque est automatiquement pris en charge par les brigades de la discipline financière. Rater une échéance sur celles inscrites dans le tableau d’amortissement est automatiquement pris en charge par les harceleurs des «mauvais payeurs» ou des retardataires. Qu’allons-nous entendre dans les prochains jours? Souhaitons que la fermeté aura raison des prédateurs et des mauvais gestionnaires

Une nouvelle carte politique !

Demain, nous aurons droit à une nouvelle carte politique qui va meubler le paysage politique local et régional. Les attentes et les espoirs placés en ces élections sont grands et se situent essentiellement dans le domaine social et économique. Transformer les territoires en des lieux de création de richesses nécessite une mise en pratique des dimensions nouvelles apportées par le droit au niveau des lois organiques. L’initiative de mener des programmes de développement est désormais tributaire des ressources humaines que les urnes ont mis sur la scène. La technocratie tant attendue au niveau régional et local ne semble pas une réalité qui va pouvoir mener, sous la supervision des élus, la transformation attendue demain : 1.530 communes, 12 régions.

La retraite et ses problèmes : éviter les dérapages

Nous sommes toujours au point zéro de la réforme des retraites. Des années durant, les différents partenaires au dialogue sur la retraite et ses endémiques problèmes de structure ont parlé et effectué des travaux de benchmarking sans pouvoir se mettre d’accord sur une solution. Les schémas de la réforme structurelle sont presque acceptés par tout le monde. Les deux pôles public et privé semblent emporter l’assentiment des acteurs politiques et syndicaux, mais les réformes ayant un caractère urgent sont toujours sur la table de la discorde sociale. Comme dans le traitement des questions où le politique est trop présent, les chuchotements «en off» relèvent d’un paradis discursif où l’apaisement l’emporte sur la gestuelle qui s’opère sur la scène. La réforme paramétrique qui semble d’une urgence absolue pour sauver d’abord le régime des pensions civiles, c’est-à-dire des fonctionnaires de l’Etat, est pour l’instant au point mort. Relever l’âge du départ à la retraite, augmenter les cotisations et revoir le mode de calcul de la pension lors du départ à la retraite sont primordiaux pour le gouvernement, mais dangereux pour le corps syndical.
Le Chef du Gouvernement est catégorique : la réforme paramétrique va passer «de gré ou de force»; elle sera progressive mais permettra d’arrêter l’hémorragie au niveau des réserves. La CMR qui gère, entre autres, le régime de pensions civiles a donné les chiffres. Les pensions servies aux actuels retraités sont, en partie, payées par ponction sur les produits des réserves. Qui prendra demain la décision de subventionner ce régime, qui est certes généreux, mais qui a longtemps été laissé à la marge d’une gestion rationnelle et rentabilisant les cotisations des fonctionnaires et de la part patronale. Le résultat des élections de ce vendredi détermineront sûrement les attitudes des décideurs. Soit la tendance sera vers l’action et la prise de décisions, soit vers la «prudence politique» pour gérer le temps d’une façon politicienne jusqu’aux prochaines échéances parlementaires. En attendant, les déficits techniques se creusent et nous aboutirons au terme de l’exercice 2015, à une affectation du produit financier des réserves d’environ 3 milliards de DH. En 2016, le compte à rebours pour l’épuisement progressif des réserves commencera.

La compensation et la politique

Entre ceux qui considèrent que l’indexation des prix des produits pétroliers est une grande réalisation du gouvernement actuel et ceux qui la considèrent comme un coup dur apporté au pouvoir d’achat des marocains, l’observateur intéressé ne peut que constater l’allègement des charges de la Caisse de compensation et le manque de transparence en matière de communication sur la structure des prix de l’essence, du gasoil et du gaz. Les recettes fiscales et douanières liées à l’importation de ces produits sont substantielles. Leur montant annuel a dépassé les 23 milliards de DH durant 2013 et 2014.
Le niveau actuel des prix sur le marché mondial de l’énergie a eu un impact positif sur nos comptes extérieurs et sur le déficit du trésor via la baisse des charges de la compensation. Reste à se poser la question des suites du processus de décompensation. L’indexation n’est pas un acte de réforme, mais un mécanisme qui a existé auparavant sans être mis en exécution. La flambée des prix des produits énergétiques durant les années antérieures ont rendu nécessaire le soutien de l’activité économique et le pouvoir d’achat des ménages. Le poids des charges budgétaires liées à la compensation a rendu toute continuation du système des subventions universelles non viable. La question est politiquement difficile, bien que le diagnostic des compartiments liés au gaz, au sucre et à la farine nationale fait apparaitre des disparités au niveau des bénéficiaires réels et une incapacité à opérer un ciblage de ceux qui méritent socialement et économiquement le soutien financier de l’Etat.

La sécurité et l’environnement du Maroc

La relation entre la sécurité et la croissance n’est plus à démontrer. La décision économique tient amplement compte du degré de maîtrise du risque sécuritaire. Des indices sont mis en place au niveau des agences internationales d’analyse des risques en matière d’investissement. Les chancelleries diplomatiques rédigent d’une façon régulière des rapports sur la sécurité dans notre pays et certains pays n’hésitent pas à réagir à toute information, fut-elle infondée, sur les risques d’attentats terroristes ou de simples actes relevant de la petite criminalité. Les cartes géographiques du risque sécuritaire subissent du coloriage alternant le rouge et le vert et donnent lieu à des appels à la prudence aux touristes et aux investisseurs.

La croissance et les grandes politiques publiques

Le Maroc est très sensible à la question sécuritaire et ses structures ne cessent d’évoluer vers un professionnalisme renforcé par une adhésion totale des citoyens à la stabilité de leur pays. La rentrée dans ce domaine est stratégique. Le pilotage unifié des organes de sécurité a commencé à donner ses premiers fruits. Le démantèlement de réseaux terroristes et de grand banditisme a redonné un début de confiance aux citoyens et il sera irresponsable de ne pas renforcer les moyens mis à la disposition de notre appareil sécuritaire. Les citoyens ont besoin de plus de présence policière dans leurs quartiers et il est primordial d’investir dans les ressources humaines dans ce domaine.
Durant les quinze dernières années, Notre pays a fait le choix du renforcement de ses infrastructures et du lancement de politiques publiques dans beaucoup de secteurs. La structure de notre PIB ne pouvait que nous confiner dans des rôles d’exportateurs de matières premières ou de produits agricoles et perpétuer notre dépendance à l’égard des changements climatiques. Cette situation est devenue insoutenable et source d’une léthargie en matiere de croissance et de créations d’emplois. Refonder les secteurs de l’économie tels que l’agriculture, l’industrie, le tourisme et le secteur minier est presque devenu une fatalité, pour ne pas dire une responsabilité historique des décideurs. L’investissement rentable et économiquement viable ne peut s’opérer sans ancrage de l’institutionnalisation de nos pratiques en matière juridique, éducative, et sociale dans la modernité. L’investisseur ne peut non plus faire le choix d’un pays qui ne dispose pas des infrastructures, des plateformes logistiques et de ressources humaines de qualité.
Ce sont ces choix qui ont donné lieu à nos infrastructures portuaires, autoroutières, hydrauliques et énergétiques. Le Plan Maroc Vert tend à transformer notre secteur agricole tout en ayant une dimension de développement rural avérée, le plan de l’accélération industrielle est venu pour continuer un processus qui a commencé depuis plus d’une décennie et donner une nouvelle dimension à la valeur ajoutée industrielle ainsi qu’a celles des secteurs du transport, du tourisme, de l’énergie et de la logistique. Les premiers résultats quantitatifs sont là et se traduisent en chiffres à l’export et en transformation des méthodes de production et de valorisation de nos matières premières. Les impacts sociaux sont encore timides. La résorption du chômage des jeunes n’a pas pu s’inscrire dans une tendance baissière suite à ces différents plans sectoriels et à ces politiques publiques. Les attentes de la rentrée en matière d’investissement sont faites d’un nécessaire effort de coordination des politiques publiques pour affronter dans un élan de convergence les défis liés à l’insuffisance des taux de croissance réalisés jusqu’à présent , à la dépendance à l’égard des résultats des campagnes agricoles et à la faiblesse de l’offre sur le marché de l’emploi.

Lutter contre les disparités sociales et régionales

Le discours Royal prononcé par le souverain à l’occasion de la Fête du Trône a souligné l’urgence de mettre en place un large programme d’investissement au profit des populations vivant dans la précarité et l’isolement par rapport aux services et infrastructures publics. Investir dans ce domaine, c’est rendre justice à une partie importante du peuple marocain. La route, l’école, l’hôpital, l’eau et l’électricité sont visibles dans nos villes et notamment, dans certains quartiers «nantis» grâce à la mauvaise programmation des investissements.
L’INDH a montré les faiblesses de l’approche des gouvernements successifs et des dirigeants des collectivités territoriales à l’égard de la pauvreté et de la précarité. Elle a dénudé les mauvaises volontés qui font de la parole dans les meetings et le tissage des réseaux électoralistes un capital négatif qui détruit les richesses au lieu de les créer.
Le Souverain a surpris les décideurs et a marqué par son analyse la rédaction  de la lettre de cadrage budgétaire pour la préparation du PLF 2016.
Les attentes de la rentrée dans ce domaine sont claires. Il faut que l’affectation des ressources budgétaires soit orientée en priorité vers celles et ceux qui vivent dans «l’insularité sociale». Tous les ponts qui doivent mener à l’accès au Maroc, dans lequel vit la partie chanceuse des marocains, doivent être bâtis. Continuer sans changer de cap dans la lutte contre les disparités amplifie la réceptivité des discours extrémistes dans les lieux de l’exclusion. Demain, beaucoup de responsables seront amenés à diriger des régions et des communes, qu’ils oublient les honneurs du poste pour se tourner vers le travail de proximité et vers l’intérêt général. Attendre un lendemain meilleur fait partie des rêves que les marocains sont en droit de faire et les voir se concrétiser.

 
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