Politique au Maroc

USFP : Rien n’est réglé

Driss Lachgar, nouveau premier secrétaire de l’USFP,

Driss Lachgar grand vainqueur, il reste à mettre en place les instances et surtout à trouver le message politique et la profondeur identitaire qui sied.

Pour tous ceux qui, alléchés par les contributions des différents candidats au poste de Premier secrétaire, pensaient que le congrès de l’USFP constituerait un tournant, c’est une désillusion. Le débat politique a été totalement oublié, il ne s’agissait que d’élections. Le seul acquis, c’est que l’opération de vote a été transparente et qu’elle ne souffre d’aucune contestation, officielle tout au moins.
Les deux finalistes Ahmed Zaïdi et Driss Lachgar ont essayé, entre les deux tours de rallier les voix qui s’étaient portées sur les autres candidats. Habib El Malki a passé un accord avec Driss Lachgar, lui assurant la présidence de la Commission administrative ou le poste de vice-président et une représentation de ses lieutenants, dans toutes les instances nationales. Oualalou, n’a donné aucune consigne de vote, n’a rien négocié et a même quitté le congrès, très blessé dit-on dans son entourage. Ses supporters ont en majorité soutenu Lachgar, mais les «généraux» se sont dispersés, chacun négociant pour sa propre personne. Le sort était scellé et bien avant la fin du vote, l’ex-ministre des relations avec le Parlement recevait les félicitations.

«Aslim, Taslam*»
On a eu droit à des scènes pathétiques. Ceux-là même qui étaient les adversaires les plus acharnés de Lachgar faisaient la queue pour le saluer et lui glisser à l’oreille que, finalement, ils ont voté pour lui dès le premier tour !
Ces comportements sont dans la continuité d’un fait beaucoup plus révélateur sur le mal qui ronge le parti. Sur les 1602 congressistes, 1248 seront portés candidats pour siéger à la commission administrative.
Les trois quarts des congressistes avaient un enjeu personnel en s’estimant aptes à participer à la direction du parti. Tous les délégués de certaines régions se sont portés candidats.
A l’annonce des résultats, et la victoire de Driss Lachgar, il était clair que l’élection des instances ne pouvait avoir lieu dans la foulée, comme il était prévu. Encore une fois, cela n’est pas lié à des insuffisances techniques, mais à des considérations tacticiennes.
Driss Lachgar doit constituer un groupe de fidèles, récompenser ceux qui l’ont rallié et ne pas exclure totalement ceux qui l’ont combattu. Ce dosage est très compliqué parce que les appétits sont nombreux et le nombre de places limitées. Le nouveau Premier secrétaire a prouvé à ceux qui en doutaient, qu’il avait une connaissance approfondie, méticuleuse de l’appareil et des hommes qui le composent.
Le report permettra des tractations secrètes. Des désillusions, il y en aura puisqu’il n’y a que peu de places.
Reste à savoir l’attitude de Zaïdi et Oualalou. Le président du groupe parlementaire et le maire de Rabat accepteront-ils de participer à la gestion ou non ? C’est une question importante pour le climat à l’intérieur du parti. Il leur était très difficile de trancher dans le vif. Mais il y a une indication. Ils sont membres d’office de la Commission administrative. Mais pour prétendre jouer un rôle, il fallait avoir une légitimité démocratique, c’est-à-dire se présenter à l’élection de cette instance. Habib El Malki l’a fait, pas les autres candidats battus. C’est un signal sur leur état d’esprit.

Et la politique ?
Des congressistes, d’anciens cadres du parti, se désolaient tout au long du congrès. La Commission politique a de tous temps été un lieu de combats, souvent ravageurs, lors des congrès de l’USFP. Cette fois, son président Abdeljalil Tolaymat avait du mal à réunir une vingtaine de personnes, pour un débat insipide. Les séances plénières pour voter les résolutions n’ont pas eu un plus grand succès.
Pourtant, l’avant-congrès avait suscité des espoirs. Des débats sérieux, profonds exprimaient l’angoisse existentielle des militants. D’ailleurs, les contributions des candidats relayaient ces débats. La reconnaissance de la crise, l’autocritique sur la participation en 2002 et 2007, le constat de la perte d’identité sont des positions communes à tous les quatre. Ce sont des thèmes qui s’imposeront à la nouvelle direction. Des réponses apportées dépendra le pronostic vital pour l’USFP. Le fait est qu’il y a consensus sur l’état de délabrement du parti.
Certains intellectuels, devant la pauvreté du débat politique au sein du congrès, ont préféré jeter l’éponge. Achaâri et Ali Bouabid n’ont pas participé au congrès. Le fils du Zaïm historique a même annoncé sa démission. On parle de la création d’un forum, une sorte de MTD de gauche. C’est aller très vite en besogne que de donner du crédit à ces réactions d’humeur.
Le neuvième congrès de l’USFP, totalement dominé par les enjeux d’appareil n’est qu’une étape, une marche, dans une reconstruction que seuls les théoriciens déconnectés pensaient facile. La gauche est toujours aux prises avec la même question : que faire ? L’avenir nous dira si la nouvelle direction proposera une ébauche de réponse. n

 (*) «Aslim Taslam» : convertis-toi à l’Islam et tu seras  épargné !

 
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