Santé

Vaccin grippal : le ministère de la Santé rationne les quantités et met les pharmaciens en difficulté

Annoncé pour être disponible à la fin du mois d’Octobre, le vaccin contre la grippe risque de créer des incidents surtout entre les pharmaciens et les clients. En cause, une décision de la DMP (direction du médicament et de la pharmacie) de faire exiger par les pharmaciens une ordonnance avant toute vente de vaccin, de rationner l’approvisionnement après que l’État ait prélevé pour lui-même près de 50% de la quantité commandée. Pénurie et crise de nerfs en vue.

La Confédération des syndicats des pharmaciens du Maroc (CSPM) a déjà dégainé en faisant montre de sa déception à travers un communiqué publié après la rencontre en mode visio-conférence avec les responsables de la DMP de ce mercredi. Cette réunion consacrée à la campagne de vaccination contre la grippe saisonnière a tout simplement été l’occasion pour les autorités de fixer les (leurs) règles du jeu : le vaccin ne sera accessible que sur ordonnance, le prix de la dose passe de 79 dirhams (2019) à 123,50 dirhams cette année. Des décisions qui vont à l’encontre d’une volonté de vacciner le maximum de personnes possibles, ce qui permettrait d’éviter des confusions entre les symptômes de la grippe et ceux du coronavirus. Mais à y voir de plus près, cette décision brusque de requérir une ordonnance, qui de fait va renchérir le coût de la vaccination (frais de consultation, frais du vaccin, frais d’acte de vaccination) tient d’autre chose, de la non disponibilité des quantités nécessaires pour une vaccination de masse. L’État n’est-il donc pas arrivé à sécuriser un approvisionnement suffisant ?

Lire aussi | Casablanca. Saisie de smartphones Oppo à Derb Ghallef : une action diligentée depuis la France

Doses : l’État se sert d’abord et accorde 25 doses à chaque pharmacie

À en croire la faîtière des syndicats (CSPM), le ministère de la Santé n’a pas réussi à sécuriser les doses de vaccin en quantités suffisantes. Le pays avait reçu 600.000 doses en 2019 contre 300.000 cette année, soit une quantité divisée par 2, à distribuer via les grossistes à toutes les pharmacies du pays. Dès lors, la DMP a décidé d’exiger une ordonnance pour l’achat des vaccins et de prioriser les personnes âgées. Sauf que selon les indiscrétions, le pays aurait reçu au total quelque 550.000 doses. Le Ministère s’est réservé 200.000 à 250.000 doses pour le personnel de santé et d’autres catégories. Ce qui reviendrait à fournir à chacune des 12.000 pharmacies du Royaume, 25 boîtes de vaccin, sachant que l’attente vis-à-vis de ce vaccin est considérable. De plus, la population ciblée par cette quantité à mettre à disposition dans les pharmacies est définie comme telle : personnes âgées de plus de 65 ans, avec des maladies chroniques comme l’hémodialyse, le diabète, hypertension artérielle, cancer, etc. Pour faire passer la pilule, la DMP a jugé bon d’exiger une ordonnance de médecin pour bénéficier du vaccin, mais aussi de distribuer des cartes de vaccination. Dans la profession, la colère est là.

Ces dispositions mettent naturellement les pharmaciens dans une position inconfortable face à des clients qui ont du mal à encaisser cette “pénurie“ alors que le vaccin avait été annoncé pour être disponible dès le 28 octobre. Selon certains praticiens, il leur serait demandé de faire des pré-commandes, les appelant ainsi à demander à des clients généralement réguliers de préciser le nombre de doses dont ils auront besoin. Cette “pénurie“ vient s’ajouter à toutes celles que connaissent les pharmacies dans le cadre de cette pandémie et qui créent déjà des tensions avec clients et malades.

Lire aussi | Casablanca-Settat : les détails du plan stratégique 2020-2022 du CRI

Dans tous les cas, en exigeant une ordonnance, la DMP fait expressément le choix de ne pas servir tout le monde, mais surtout sa décision induit un renchérissement des coûts de la vaccination, facteur qui exclura d’office une large partie de la population. À l’inverse, les médecins se voient octroyés à titre gracieux quelques centaines de dirhams en frais de consultation, là où ce besoin n’existait pas auparavant.

Si la décision surprend et étonne, la profession se demande pourquoi le fournisseur de ce vaccin n’a rien dévoilé lors de son webinaire sur la vaccination.

Sanofi pouvait-il ne pas savoir ?

En effet, Sanofi Pasteur est le laboratoire qui devait fournir le vaccin au Maroc sur la saison, d’autant qu’il a beaucoup communiqué ces dernières semaines sur son vaccin grippal « quadrivalent » lequel aurait la spécificité de s’attaquer à 4 souches du virus. Ce qui devait permettre une large protection et une meilleure efficacité avait alors annoncé le laboratoire. Dans ce webinaire, Sanofi avait insisté sur le rôle du pharmacien dans la prévention de la grippe saisonnière au Maroc. Mais de la pénurie en vue, le laboratoire n’avait pipé mot. Ne savait-il pas ? Difficile à croire ! Certains pharmaciens avancent que le laboratoire était bel et bien au courant de cette décision, bien avant même la rencontre entre DMP et pharmaciens. Toutefois, on peut comprendre qu’il n’appartient pas à cet acteur privé d’annoncer une décision publique.

Lire aussi | Air Arabia. une liaison Casablanca – Rennes pour la première fois

Dans tous les cas, après cette décision, il revient au Ministère de la Santé de prendre ses responsabilités et d’expliquer à la population les tenants et les aboutissants de cette dernière. Pour l’heure, le Ministère se dérobe laissant les pharmaciens encaisser seuls les premiers coups. Affaire à suivre!

 
Article précédent

Casablanca-Settat : les détails du plan stratégique 2020-2022 du CRI

Article suivant

Coronavirus : le vaccin russe soumis pour préqualification à l'OMS