Interview

Viatcheslav Khrulev, Chef de la Mission économique de la Russie au Maroc : “ L’embargo russe est une opportunité pour le Maroc ”

Viatcheslav Khrulev, Chef de la Mission économique de la Russie au Maroc

La commission mixte  intergouvernementale maroco-russe va tenir sa cinquième session le 17 septembre à Rabat, quatre ans après la dernière tenue à Moscou en 2010. Entretien avec Viatcheslav KHRULEV, chef de la Mission économique de la Russie au Maroc. 

Propos recueillis par Roland Amoussou

Challenge : Que faut-il attendre de cette cinquième commission mixte intergouvernementale qui se tient à quelques semaines de la visite de sa Majesté le Roi Mohammed VI en Russie ?

Viatcheslav Khrulev : Pour nous, la chose la plus importante, c’est le fait de tenir cette commission cette année. Cette réunion de la commission mixte intergouvernementale le 17 septembre prochain est pour nous le signe de la reconnaissance de l’importance des relations économiques et commerciales entre le Maroc et la Russie, puisqu’il y aura les représentants clés des deux côtés qui vont discuter des problématiques. La tenue de cette cinquième commission mixte est très importante aussi, parce que la dernière commission date de l’année 2010 à Moscou. Cela fait quatre ans, et la dernière commission qui s’est tenue sur le sol marocain remonte à 2008. Nous allons discuter de toutes les problématiques pendant trois jours, c’est très important. Il faut savoir qu’en premier lieu, la coopération entre le Maroc et la Russie dans le domaine de l’agriculture est très importante, je dirai même la plus importante parce que 70% des exportations marocaines vers la Russie sont les agrumes, les farines de poisson, le poisson. Et le Maroc entreprend des efforts très louables pour la promotion de ses produits sur le marché russe. Il y aura une forte délégation du ministère de l’Agriculture russe conduite par le co-président de la commission, qui est le ministre de l’Agriculture de la Russie, lui-même. Il est également prévu des rencontres entre les ministres de l’Agriculture des deux pays le 15 septembre en marge de la tenue de cette cinquième commission. Cela montre l’importance de la coopération entre nos deux pays dans ce domaine. 

C : Quelles sont les problématiques qui seront abordées et les décisions qui vont marquer cette cinquième commission mixte ?

VK : Plutôt que des problèmes, cette session de la commission, à laquelle prendront part de hauts responsables et experts des deux pays, sera l’occasion d’évoquer les différentes formes de coopération et les plans d’actions communes, notamment dans les domaines financier, bancaire, de l’investissement, du commerce, de l’aérospatial, de l’industrie, du transport et du tourisme. En ce qui concerne les échanges commerciaux, il y a une interdépendance stratégique entre les deux pays. La première chose, il faut savoir qu’un tiers du pétrole brut acheté par le Maroc provient de la Russie, cela se situe entre 20% et 30% selon les années. Il y a aussi le souffre, qui est un élément essentiel pour la production des engrais de l’OCP(Office Chérifien des Phosphates). Le Maroc achète 50% de souffre russe, ce qui fait de lui le plus grand marché de souffre pour la Russie. En ce qui concerne les agrumes, cette année le Maroc est largement dominant sur le marché russe. On peut citer en premier lieu, les mandarines et les clémentines. D’après nos statistiques, pour le premier semestre 2014, le Maroc a fourni quelque 150000 tonnes de mandarines, deux fois plus que le deuxième client de la Russie qui est le Pakistan (70000 tonnes à peu près) et trois fois plus que la Turquie. Le Maroc domine donc ce segment. Il faut aussi savoir que le Maroc est le plus grand fournisseur de farine de poisson sur le marché russe. Cela montre, à mon avis, la relation stratégique, pas seulement sur le plan commercial, qui lie nos deux pays. Pour le moment, nous sommes en train de discuter sur les décisions à inclure dans le procès verbal de la commission. Les experts des deux ministères russe et marocain vont se rencontrer et fixeront les objectifs pour les années à venir. Une fois que ce procès verbal sera validé par les deux présidents de la commission, nous allons, de notre côté, commencer à travailler pour appliquer les décisions. Parmi les sujets de préoccupation lors de cette réunion, figure l’Energie. Nous allons discuter des projets énergétiques marocains qui intéressent les opérateurs russes. Dans ce sens, il s’agit notamment des installations (quelques stations électriques thermiques) réalisées au Maroc par des spécialistes soviétiques et qui datent des années 70. Nombreuses entreprises russes sont intéressées par la modernisation de ces infrastructures et par les appels d’offre concernant l’électricité et l’eau potable. Nous sommes donc en discussion avec l’ONEE et le ministère de l’Energie. Autre chose, nous sommes aussi en discussion avec l’ONHYM (Office National des Hydrocarbures et des Mines), qui a invité les compagnies russes à participer à l’exploration et l’exploitation du gaz et du pétrole, afin de diversifier les compagnies internationales qui sont déjà sur le terrain. La Russie veut également relancer sa participation au Salon de l’agriculture de Meknès(SIAM), qui remonte à 2012. On aimerait bien relancer nos exportations de blé vers le Maroc. Au SIAM 2012, plusieurs entreprises russes, dans le secteur de la construction des machines agricoles, ont présenté une large gamme de produits qui sont intéressants pour les Marocains au niveau du rapport qualité/prix. En notre qualité de Mission économique de la Russie ici, nous recevons beaucoup de demandes de la part des opérateurs russes intéressés par le marché de l’engrais. Il faut savoir que dans la liste de nos exportations vers le Maroc, l’engrais vient en cinquième position (6,8%), après le pétrole (55%), le blé (12%), le souffre (11%), et les huiles végétales (11%). Ce sont là, les sujets que la commission va aborder. 

C : Le secteur des énergies renouvelables n’intéresse-t-il pas les opérateurs russes ?

VK : Au niveau des énergies renouvelables, nous ne sommes pas très concurrentiels. Mais, il y a quelques entreprises russes qui voudraient participer et discuter des possibilités d’être incluses, non seulement du côté technique, mais aussi du financement des grands projets éoliens et solaires lancés dans ce secteur. D’ailleurs, il y aura dans la délégation russe qui va venir, le groupe Inter Rao Engeneering, qui est le géant de l’énergie en Russie, qui discutera avec les autorités marocaines de la possibilité d’intégrer les projets en cours. A la Mission économique de la Russie au Maroc, nous sommes là pour faciliter le contact entre les opérateurs russes et leurs homologues marocains. Mais, il n’y a pas que le secteur des énergies renouvelables qui intéresse les opérateurs. Vous avez par exemple, la compagnie russe Biocad spécialisée dans les bio-médicaments, qui travaille avec l’un des plus grands groupes pharmaceutique du Maroc sur des produits destinés à l’oncologie. 

C : La Russie a récemment mis un embargo sur certains produits alimentaires provenant de plusieurs  pays occidentaux. Quelles sont les opportunités offertes aux opérateurs marocains ?

VK : Cet embargo représente une énorme opportunité pour les exportateurs marocains. Celles-ci sont très grandes concernant les agrumes, les pommes de terre, les tomates, les légumes frais comme les piments, les fruits. Il y a aussi les fruits de mer, poisson, crustacé, parce qu’auparavant ces produits étaient exportés de la France, les crevettes du Canada, et comme l’embargo est là maintenant, le Maroc doit en profiter pour augmenter la quantité. Le Maroc peut également fournir des produits alimentaires industriels tels que les jus d’orange et autres, l’huile d’olive aussi. Pour résumer, la liste des produits à fournir au marché concerne trois segments qui sont: fruits et légumes frais, poissons et crustacés, et les produits alimentaires conservés comme les sardines et autres. Dès que l’embargo est entré en vigueur, nous avons reçu une très grande demande de la part des opérateurs marocains de tous les secteurs concernés par cet embargo. Ils nous appellent chaque jour pour prendre des contacts et connaître l’évolution de la situation. Et ici à la Mission économique de la Russie au Maroc, nous sommes ouverts à toutes les demandes. Je voudrais également mentionner la tenue à Moscou du 15 au 18 septembre 2014, d’une grande exposition professionnelle dans le secteur de l’agro-alimentaire qui s’appelle World Food Expo. Nous proposons donc à tous les opérateurs qui sont désireux d’établir des contacts en Russie, de participer à cette exposition qui est un événement majeur. C’est important de trouver des niches et de renforcer les secteurs sur lesquels le Maroc est déjà très présent sur le marché russe. 

 
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