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Visas. Intermédiaires et TLS Contact dans le collimateur des consulats européens au Maroc

Alors que plusieurs personnes ont dû faire face à des refus de visa, d’autres ne parviennent même pas à obtenir un rendez-vous pour déposer leurs dossiers, ouvrant la voie à un véritable business contrôlé par des intermédiaires. A cela s’ajoute la gestion des rendez-vous, pour le moins chaotique, des sociétés privées. Aujourd’hui, les services consulaires européens au Maroc veulent assainir le secteur.

Au Maroc, depuis les restrictions sur les visas, notamment celles décidées par le gouvernement français, l’obtention du fameux sésame devient un véritable parcours de combattant. Si plusieurs personnes ont dû faire face à des refus, d’autres ne parviennent même pas à obtenir un rendez-vous, ouvrant la voie à un marché noir de revente. Le sujet enflamme les réseaux sociaux. Les internautes y partagent leurs mésaventures et appellent les autorités marocaines, les ambassades des pays européens et leurs prestataires à trouver une solution.

À en croire ces partages sur la toile, les intermédiaires feraient la pluie et le beau temps. Ils sont d’ailleurs de plus en plus nombreux à proposer leurs services en ligne. Ils accapareraient pratiquement la totalité des rendez-vous de dépôt de dossiers dès que ceux-ci sont disponibles, avant de les écouler au prix fort à certains demandeurs de visa. Il suffit de taper TLS ou BLS sur la barre de recherche sur Facebook pour tomber sur une liste d’intermédiaires ou de soi-disant « agences » qui promettent les fameux rendez-vous en les contactant simplement sur un numéro WhatsApp.

Pour protester, certains internautes n’hésitent pas à proposer le lancement d’une pétition contre les intermédiaires pour se faire entendre et mettre fin à cette pratique. «C’est une très bonne idée. Il semble que c’était aussi le cas dans un autre pays maghrébin et qu’après cette gueulante à grande échelle, les services consulaires ont changé le prestataire », martèle Khalid sur Facebook.

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Quoi qu’il en soit, au Maroc, les consulats européens ne peuvent plus dire qu’ils ne sont pas au courant tellement la pratique a pris de l’ampleur. En effet, le vendredi 9 septembre dernier, Marco Silvi, consul général d’Italie à Casablanca, a réagi ainsi à une série de témoignages sur les retards accumulés dans le traitement des dossiers. Il a déclaré la guerre contre les intermédiaires. Dans une vidéo diffusée sur Twitter, le diplomate a annoncé, ce jour-là, la suspension des prises de rendez-vous des visas de regroupement familial à travers l’entreprise sous-traitante TLS Contact, pour une durée de deux semaines. Il a pointé du doigt les pratiques frauduleuses des intermédiaires des rendez-vous de visa pour l’Italie. Le consulat a « enregistré les pratiques de médiation généralisées pour obtenir des rendez-vous auprès du centre de services TLS Contact à Casablanca », a révélé Marco Silvi dans une vidéo publiée sur le site du Consulat général d’Italie à Casablanca. Il a par ailleurs rappelé que l’obtention de rendez-vous de visa est gratuite, précisant que ces pratiques illégales des intermédiaires provoquent des retards dans les rendez-vous régulièrement pris. Selon lui, la mesure de suspension vise à recenser les rendez-vous régulièrement pris pour identifier les rendez-vous pris par des intermédiaires.

Pour rappel, les pays européens font appel à des sociétés privées pour gérer les demandes de visas Schengen. Si par exemple l’Italie, la France, la Belgique, le Royaume-Uni ou encore la Hollande ont confié la gestion des rendez-vous à TLS Contact (filiale du groupe français Teleperformance), l’Espagne, elle, a opté pour BLS (groupe indien). Ce qui n’est pas sans donner lieu à un processus opaque et souvent humiliant pour les postulants à l’Europe.

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Voilà plusieurs années que ces acteurs privés ont obtenu des contrats de gestion des visas pour ces pays. Pour les demandeurs, le parcours du combattant pour l’obtention du visa est depuis lors différent : alors qu’il fallait auparavant se rendre dans les services des consulats, le passage se fait via les plateformes de ces acteurs privés, qui font payer des frais de dossier conséquents, non remboursés en cas de refus de la part des autorités consulaires. « Tout au début, quand les sociétés privées ont pris la sous-traitance de la gestion des visas, les choses allaient bien. Plus besoin d’aller au consulat vers 6 heures du matin pour faire la queue. Mais aujourd’hui, on commence à regretter l’ancienne époque », lance Soufiane.

Il est vrai que ces prestataires sont devenus de véritables usines à gaz. « Durant le mois de juin dernier, j’ai tenté en vain ma chance quotidiennement sur la plateforme TLS pour avoir un rendez-vous. Au début, il fallait absolument se connecter toutes les demi-heures, car le système faisait apparaître quelques dates vides en vert. Mais le temps de remplir les données demandées, soit ça me fait revenir à la page d’accueil, soit ça bloque. Il n’y a qu’à voir mon historique pour avoir une idée sur le nombre d’essais que j’ai effectués jusqu’à présent », se désole un internaute. Il faut dire donc par faute de créneaux, les demandeurs doivent s’adresser généralement à des intermédiaires. C’est ainsi que l’obtention d’un rendez-vous devient un véritable commerce juteux.

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Nous avons tenté de joindre l’un d’entre eux, en se faisant passer pour des « clients », pour mieux comprendre les rouages de ce business juteux. Très réactive, cette personne demande simplement une copie de la première page du passeport. Nous avons aussi appris que le prix varie selon la ville. Casablanca et Rabat sont les plus chères. Le prix dépend aussi du nombre de personnes qui vont voyager. Il nous a été demandé 1.000 DH par voyageur. Pour une famille de 4 personnes, par exemple vivant à Casablanca, ce rendez-vous coûtera entre 600 et 800 DH par voyageur. Peut-on aller jusqu’à dire que les intermédiaires sont de connivence avec les sociétés privées ? Notre intermédiaire nous apprend qu’il maitrise les nouvelles technologies et par ricochet, il utilise, dit-il, un logiciel pour traquer les rendez-vous. Après leur obtention, ils les vendent aux demandeurs qui sont dans l’obligation de payer ce service, faute de quoi, ils ne pourront obtenir un rendez-vous. Contactés, les responsables de TLS Contact Maroc, n’ont pas souhaité aborder la question et affirment « qu’ils ne sont pas là pour parler des intermédiaires ». Selon une source proche des ambassades occidentales au Maroc, ces dernières devraient se réunir prochainement avec leurs prestataires, pour parler de la gestion des rendez-vous, pour le moins chaotique.

 
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