Portrait

L’As de la microfinance

Il a la distinction des jeunes managers et la douceur des bons pédagogues. Mais que l’on ne s’y trompe pas, ce fringant quadragénaire est à la tête d’une des entreprises de microfinance les mieux classées à l’international.

L’habit fait, parfois, le moine contrairement à ce que dit l’adage. Si l’on en doute, la rencontre avec Youssef Bencheqroun le confirmera. Il a les manières simples et courtoises d’un manager qui n’a rien à prouver. Il porte un costume bleu nuit, sur une chemise rayée et une cravate à carreaux. Signes qui ne trompent pas: c’est un ancien de la banque assurance. Il garde pourtant le comportement policé de ceux qui ont réussi par les études. Youssef a gardé une sveltesse de jeune homme avec une chevelure parsemée d’épis poivre et sel. Seul signe qui trahit son âge.
Il est né en 1963, à Fès. Le deuxième d’une fratrie de trois d’un entrepreneur en travaux publics et d’une mère au foyer. “Je garde un souvenir heureux de mon enfance. A l’époque, on était insouciant et Fès était encore une ville à échelle humaine avec une grande authenticité”, explique-t-il dans un sourire. Il est alors scolarisé dans les écoles de la mission, à l’instar de beaucoup de camarades de l’époque. “Les études étaient alors gratuites, ce qui permettait un large brassage social. J’ai grandi avec des enfants de toutes confessions et de toute origine”, poursuit-il, sans se départir de son sourire. Le brassage culturel favorise les échanges et l’ouverture sur le monde. Le petit Youssef est alors bon en classe, et passe d’année en année sans problème. Pour les loisirs, on joue au football et au basket avec les amis. L’été, la famille fuit la chaleur étouffante de Fès pour les douces plages méditerranéennes du Nord du Maroc, entre Kabila et Tanger. Puis arrivent les années lycée et quitte la capitale spirituelle pour Meknès, poursuivre ses études au Lycée Paul Valéry, seul lycée de la mission de la région, en interne. “L’internat a été très formateur. On devait être autonome, compter sur soi-même et faire sa place dans le groupe. Mais c’était également une période très heureuse. Les mercredis on avait quartier libre, et l’on se retrouvait entre amis au café “Glacier”. Les jeudis soirs, c’était “foyer dansant”, se remémore-t-il ému. Autant dire que c’était l’époque de l’insouciance et il faisait bon vivre. Le lycée était bien doté en infrastructures sportives dont on profite tout au long de l’année. Le jeune Youssef décroche son bac C en 1981, et s’envole pour Toulouse, poursuivre ses études.

Un scientifique dans l’âme

Toulouse lui ouvre les bras. “Je préparais une maîtrise de mathématiques. Mais je prévoyais également de présenter les concours des grandes écoles d’ingénieurs,” commente-t-il, humblement. Quoiqu’il s’entretient par le sport et joue au basket et au foot, les études restent sa priorité. Un autre loisir de l’époque était le cinéma dont il est friand. Mais ce sont également les années Mitterrand, l’époque où la France change de visage. On invente les marchés financiers, le bloc de l’Est est encore d’actualité et Ronald Reagan parle de Guerre des Etoiles.
Comme prévu, il se présente au concours des grandes écoles d’ingénieurs et décroche simultanément Sup Elec et Centrale Lyon. C’est pour cette dernière qu’il se décidera, et doit quitter la ville rose pour Lyon, bien plus austère. “C’était une ville très particulière, et différente de Toulouse qui est une ville riante du Sud”, analyse-t-il d’un froncement de sourcils. Il y prépare le diplôme de l’école, et en parallèle un Diplôme d’Études Approfondies (DEA). Au sortir de l’école, la banque Crédit Populaire propose de lui financer un troisième cycle en gestion avec un contrat d’embauche à la clé. Ce qui était une aubaine, puisque marié à 21 ans, sa femme poursuit encore des études de pharmacie. Cette aventure durera quatre ans, au bout desquels la famille regagne le Maroc.

Retour au bercail
De retour au pays, il ne change pas d’orientation et reste dans la banque assurance. C’est à Wafa Assurance qu’il entame cette nouvelle carrière et ne tarde pas à prendre la Direction Développement de l’entité. “Lorsque je suis entré dans l’entreprise, cette dernière ne comptait que 4% de parts de marché. Nous sommes rapidement passés à 20% avec une équipe motivée et dont je faisais partie”, avance-t-il, non sans fierté. Il gravit les échelons et passe de Directeur des Opérations à Directeur Général Adjoint. 1993 verra la naissance de son premier enfant, le second suivra six années plus tard. Arrive 2010, avec une nouvelle opportunité de carrière qui se présente à lui. Ce sera Al Amana Microfinance qui cherche son Directeur Général. L’occasion est trop belle pour ne pas être saisie. Depuis, une nouvelle aventure s’offre à lui: financer les populations exclues des systèmes de financements traditionnels. Un beau challenge.

 

Bio express

1963 : naissance à Fès
1981 : bac C Lycée Paul Valéry
1985 : maîtrise de mathématiques à l’Université Paul Sabatier de Toulouse
1987 : diplôme d’Ingénieur de l’école Centrale de Lyon DEA en Mécanique
1989 : entrée au Crédit Populaire
1993 : directeur Développement à Wafa Assurance
2010 : DG Al Amana Microfinance

L’entreprise

Al Amana Microfinance est une organisation de microfinancement. Elle existe depuis 15 ans et compte 2200 salariés et 500 points de vente. Son président d’honneur est Driss Jettou et son président Ahmed El Ghazali. En dix ans, l’association a permis la création d’un million d’emplois et compte doubler ce chiffre à l’horizon 2020.

 

La face cachée

Le coaching ?
Je m’intéresse depuis plusieurs années au développement personnel en général. Que ce soit le coaching, la programmation neurolinguistique, le leadership ou la méditation. Je pense que ces techniques permettent aux gens de mieux exploiter leur potentiel.

Les études ?
J’ai suivi un certificat de leadership à Worton en Angleterre dernièrement.

Les qualités d’un bon manager ?
Une intelligence émotionnelle suffisante qui permette à son équipe de donner le meilleur d’elle-même et de se sentir en confiance. Il faut être bienveillant au travail.

Le pire défaut d’un manager ?
Un ego dévorant qui l’empêche d’approfondir les situations et le pousse à agir de façon dévastatrice pour son entourage. Ce qui arrive malheureusement trop souvent.

Les voyages ?

J’aime le Sud de l’Espagne pour les vacances, et la France également. J’ai été par ailleurs en Amérique, au Pérou (photo) et aux Etats-Unis.

La littérature ?

Je reste attaché aux classiques comme Zola, Chateaubriand, Rimbaud, Sartre ou Gide. Parmi les auteurs plus récents, j’apprécie Ken Follet ou Henri de Montfred.

Le sport ?

Je fais du footing régulièrement, mais pas aussi souvent que j’aimerais.


La cuisine ?

J’aime les sushis et la cuisine diététique, en général.

 
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