Interview

Zakaria Fahim : « Les TPME doivent être accompagnées par des experts-comptables »

Promoteur de l’entrepreneuriat au Maroc et sur le continent africain, Zakaria Fahim analyse les difficultés auxquelles sont confrontées aujourd’hui les PME et TPME pour décrocher un financement auprès des banques. 

Challenge : Quelles sont les principales difficultés auxquelles sont confrontées aujourd’hui les PME, TPME, et les porteurs de projets d’auto-emploi pour décrocher un financement auprès des banques ?  

Zakaria Fahim : La principale difficulté aujourd’hui pour les PME porte sur le climat de défiance qui a toujours existé depuis fort longtemps, c’est-à-dire que les banques ont toujours considéré depuis longtemps que les entreprises ne sont pas suffisamment transparentes et ne donnent pas d’informations assez fiables dans la mesure où elles ne sont pas éditées. Cela a fait que très souvent, les PME sont obligées d’aller chercher de la garantie ailleurs. C’est pour cela qu’une caution et un nantissement du fonds de commerce sont toujours demandés. Aujourd’hui, la difficulté sera de voir comment donner plus de transparence aux comptes de l’entreprise. Je prends l’exemple de la CEDEAO (Afrique de l’Ouest) où l’expert-comptable fait une attestation des états financiers de l’entreprise, ce qui donne une valeur probante et permet aux parties prenantes de s’appuyer sur cette base. Cela peut être une piste pour nous au Maroc. Au Sénégal par exemple, une TPE ou une épicerie ne peut déposer son bilan s’il n’a pas été revu par un expert-comptable, parce que l’administration fiscale ne va pas l’accepter. Donc, nous pouvons nous inspirer de ce modèle qui marche bien, et qui permet aux TPE de considérer le comptable agréé, puisqu’il n’y a pas que l’expert-comptable. Il faut savoir que l’expert-comptable peut aider les TPE à mettre à niveau la qualité de l’information financière qui est la leur. Je pense également aussi, que beaucoup ont aujourd’hui un problème de relève, parce que certaines sont difficilement transmissibles et n’ont pas toujours l’envie de se moderniser, et celles qui ont été créées, il y a peine quelques années, sont confrontées à des problèmes de cash. Donc, les difficultés viennent de cette distance qui a été entretenue entre les entreprises et les banques. 

Le Souverain a appelé dans son discours du 11 octobre, le gouvernement, la Banque centrale et le GPBM à travailler ensemble pour mettre au point un programme spécial d’appui aux jeunes diplômés, de financement des projets d’auto-emploi. A votre avis, quelles sont les pistes et solutions concrètes à même de relancer  le financement de ces différentes catégories d’entrepreneurs ? 

En tant qu’expert, je pense qu’il est important de rappeler que si demain, on met des prêts subventionnés, il faut également qu’il y ait un accompagnement pour l’accès au marché, une sorte d’assistance à maîtrise d’ouvrage, pour permettre aux bénéficiaires de mieux maîtriser leur gestion. Nous recommandons qu’il y ait un accompagnement d’un expert-comptable ou d’un comptable agréé. Très souvent, les chefs d’entreprises et les jeunes entrepreneurs ne sont pas des techniciens, ni commerciaux ou ingénieurs, du coup ils n’arrivent pas à faire la différence entre résultat avant impôt et après impôt, le Hors-Taxe et le TTC. Donc, pour moi, cet accompagnement est très important pour s’assurer que cet argent est utilisé  à bon escient pour améliorer les insuffisances de l’entreprise (formation, accès aux marchés…). Et pour ce faire, il y a besoin de plus d’implication de la part des associations professionnelles qui pourront apporter la formation, l’accompagnement et aussi du réseautage aux jeunes entrepreneurs. 

Quel type de relation doit exister entre les TPE/ PME qui cherchent des financements auprès des banques ? 

Aujourd’hui, je pense qu’il serait plus juste de partir d’une feuille blanche afin de bâtir désormais une relation de confiance. Partir de l’idée selon laquelle, accompagner les jeunes entrepreneurs, c’est, certes, prendre des risques, mais il va falloir accepter que tous les projets ne réussissent pas, autrement tout le monde serait entrepreneur au Maroc depuis bien longtemps. Une fois qu’on a compris que l’entrepreneuriat est une prise de risque, il y aura moins de risques à monter un partenariat en confiance, et accepter de financer des projets qui pourraient ne pas réussir. 

Quelles leçons faut-il tirer des expériences du crédit jeunes promoteurs et du programme Moukawalati ? 

Selon l’OCDE, si vous prêtez de l’argent avec de l’accompagnement, de la formation et de l’accès aux marchés, vous divisez le taux d’échec par 10. Donc, il faut arrêter de raisonner, de réfléchir en silo et mettre en place une approche systémique visant un accompagnement global de ces jeunes. Il faut éviter de penser qu’une fois qu’on a octroyé de l’argent aux jeunes entrepreneurs, le problème est résolu, non. Il est impératif de faire un mentoring global. Il y a même aujourd’hui des banques qui ont mis en place des structures d’accompagnement. Il faut maintenant que ce modèle soit généralisé au niveau de tout le réseau bancaire.

 
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