Tribune et Débats

Blockchain et Immobilier : le grand défi

La technologie blockchain investit progressivement tous les secteurs et l’immobilier n’est pas en reste. Elle présente, en effet, des avantages prometteurs pour la gestion d’un projet immobilier et pour ses différents protagonistes, elle conduit à une véritable (r)évolution du secteur. Kevin Gormand, CEO et co-fondateur de Mubawab, et Maître Jad Aboulachbal, notaire à Casablanca, mettent la lumière sur cette technologie qui pourrait apporter la décentralisation, la transparence, l’automatisation contractuelle et la traçabilité nécessaires sur un marché où la preuve et l’authenticité sont essentielles.

Qu’est-ce que la technologie blockchain ?

La blockchain est une technologie de stockage et de transmission d’informations. Véritable base de données décentralisée, sans organe central de contrôle, transparente et qui se veut sécurisée, elle permet d’accéder à toutes les opérations qui ont été accomplies sur un bien et d’en offrir une parfaite traçabilité.

Il existe, à travers le monde, des blockchains publiques, qui sont accessibles à tous, mais aussi des blockchains privées, limitées seulement à certains utilisateurs selon les conditions déterminées par ceux qui les ont créés.

La blockchain permet ainsi de connaitre les parties à l’acte, à quel moment il a été établi et quel bien en a fait l’objet. Il s’agit donc d’un instrument technologique qui, s’il est efficace, permet de s’assurer du contenu, de la date et des protagonistes de cet acte.

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Technologie blockchain et acte notarié

Si l’on raisonne en termes de certification de l’acte, l’on peut voir de grandes similitudes entre la blockchain et l’acte notarié.

Similitudes entre blockchain et acte notarié

Le notaire archive un acte ; la blockchain peut faire de même. Le notaire s’assure de la date ; la blockchain, si elle n’est pas falsifiable et si c’est un outil efficace, joue le même rôle. En outre, blockchain comme notaire pouvant s’assurer du contenu formel de l’acte, il y a ainsi une évidente compatibilité.

Le rôle du notaire va bien au-delà de la simple certification

Le rôle du notaire va cependant bien au-delà de la seule certification de l’acte puisqu’il l’authentifie. Chose que la technologie blockchain ne peut à ce jour accomplir. Dans le cadre de cette mission d’authentification, le notaire s’assure ainsi de l’identité et de la capacité des parties. Par ailleurs, en cas d’opération complexe, l’expertise du notaire est nécessaire pour que l’acte produise les effets voulus par les parties.

Enfin, en sa qualité de juriste, il s’assure également que le contenu de l’acte est conforme à la loi, au règlement et à l’ordre public. En effet, un acte parce qu’il est publié n’est pas nécessairement valide pour autant. Le rôle du notaire reste donc déterminant, d’autant qu’il reçoit l’acte et engage sa responsabilité personnelle quant à son contenu. La technologie peut certes l’aider à accomplir sa tâche mais n’est pas en mesure, en l’état actuel, de se substituer à lui.

C’est pour cette raison que le droit en vigueur au Maroc, en imposant la forme authentique aux actes constitutifs de droits inscriptibles sur les titres fonciers afin de garantir la sécurité foncière, tend à légitimer de plus en plus le binôme notaire-conservation foncière. Et donc à emprunter un chemin aux antipodes d’une blockchain dont la philosophie reste fondamentalement hostile à la nécessité d’un médiateur entre les parties, ce qu’est, par principe, le notaire, et au contrôle de l’acte par l’administration, rôle heureusement joué par la conservation foncière. Néanmoins, notariat et Conservation foncière doivent s’appuyer sur les avancées technologiques pour tendre à offrir aux usagers une qualité de service optimale et une sécurité croissante. Cette tendance se dessine et des avancées réelles sont perceptibles en la matière avec la digitalisation progressive des services de l’administration foncière. Même s’il reste beaucoup à accomplir en ce domaine.

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Technologie, Blockchain et Immobilier

Le secteur de l’immobilier qui connait déjà une mutation importante va, on peut l’assurer avec certitude, être bouleversé dans les années à venir par des innovations technologiques aujourd’hui seulement en gestation. Les transactions immobilières dans leur phase de négociation, comme dans leur phase de conclusion, y seront, elles aussi, fort logiquement, confrontées.

Alors que le processus de location ou d’achat d’un bien implique un nombre important d’intervenants (assureurs, notaires, vendeurs, acquéreurs, banquiers etc.), les innovations technologiques, si elles sont appréhendées avec intelligence, peuvent permettre une accélération des procédures ainsi qu’une plus grande transparence.

En offrant un accès instantané et généralisé à l’information à l’ensemble des usagers potentiels, l’on limite fortement les risques de fraude et de litige. En numérisant les services fonciers, l’on donne les moyens à l’administration d’accomplir ses missions de contrôle et de publicité avec une efficacité accrue. En opérant cette mue technologique, l’on permet aux juristes, agents d’affaires et experts divers et variés qui constituent la chaine de l’immobilier national d’offrir une qualité de service améliorée dans l’intérêt de tous.  

La crise sanitaire que nous vivons a mis en exergue l’extraordinaire dépendance de nos sociétés à la mobilité humaine. Elle a aussi fait prendre conscience qu’une digitalisation accélérée pouvait être un moyen de lutter contre cette dépendance. Cependant, pour être un succès, cette nouvelle donne doit être appréhendée avec prudence et humilité et, plus que jamais, le contrôle des pouvoirs publics sera nécessaire si l’on souhaite éviter toute dérive nocive.

Par Kevin Gormand, CEO et co-fondateur de Mubawab et Maître Jad Aboulachbal, notaire à Casablanca

 
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