Covid-19

Covid-19. Les preuves scientifiques en faveur d’une troisième dose de vaccination

Confrontés à une augmentation alarmante du nombre d’infections par les variants delta et Omicron du coronavirus SARS-CoV-2 causant le Covid-19, plusieurs gouvernements recommandent à présent à tous les adultes une dose de rappel pour la vaccination contre le Covid-19.

De son côté, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) voudrait plutôt que ce rappel soit limité aux individus à risque, afin de réserver le plus de doses de vaccins possibles pour les pays ne disposant pas encore d’une couverture vaccinale d’au moins 70 %. Il s’agit de créer une certaine justice dans la distribution des vaccins à travers le monde. Cette troisième dose est-elle justifiée ? Comment l’expliquer ? Aidera-t-elle le Monde à faire face aux nouveaux variants du SARS-CoV-2 ?

L’érosion de l’immunité vaccinale

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Israël a lancé sa campagne de vaccination contre le Covid-19 dès le 20 décembre 2020. Elle a été le premier pays à vacciner complètement près de 80 % de sa population de plus de 12 ans. Cette vaccination de masse s’est traduite dès février 2021 par une réduction considérable du nombre de cas d’infection et d’hospitalisations. Cependant, une forte hausse du nombre d’infections symptomatiques par le variant delta du SARS-CoV-2 a été observée durant l’été 2021.

Aux États-Unis, des travaux ont comparé, sur 6 mois, l’efficacité des vaccins BNT162b2, mRNA-1273 (Moderna) et JNJ-78436735 (Janssen) chez plus de 780 225 individus vaccinés. Les résultats indiquent une diminution progressive de la protection conférée par tous les vaccins, tant contre les infections qu’en matière de mortalité. En 6 mois, la protection contre l’infection a en moyenne chuté de 87,9 % à 48,1 %. La diminution de la protection contre la mortalité est heureusement moindre : après 6 mois, elle reste de 73 %-84 % pour les moins de 65 ans et de 52-75 % pour les plus de 65 ans.

En Belgique, un rapport de l’institut de santé publique Sciensano, institution scientifique placée sous l’autorité du ministre fédéral de la Santé publique et du ministre de l’Agriculture, pointe également une chute de la protection conférée par les vaccins. Publié le 26 novembre, il indique que si, au mois de juillet 2021, les individus ayant reçu deux doses de vaccin étaient protégés à hauteur de 80 à 90 %, cette protection a chuté pour atteindre, fin octobre, 52 % chez les 18-64 ans et à peine 13 % chez les plus de 65 ans. Ce recul est documenté pour tous les vaccins et tous les âges.

Pour quelles raisons les vaccins sont-ils devenus moins efficaces ?

Afin de répondre à cette question de plus en plus récurrente, plusieurs explications, non exclusives, permettent de comprendre la baisse progressive d’efficacité des vaccins contre le Covid-19.

La première fait appel à ce que nous connaissons du fonctionnement du système immunitaire. Il faut savoir que le développement d’une mémoire immunitaire protectrice de longue durée est un mécanisme complexe, qui implique plusieurs populations cellulaires ainsi que la formation de structures tissulaires spécifiques comme les centres germinatifs. Ce processus prend du temps et il est en partie dépendant de la présence d’éléments appartenant à l’agent infectieux, dont la détection déclenche une réponse immunitaire de notre organisme (on appelle ces éléments étrangers des « antigènes »).

La technologie vaccinale qui s’est imposée en raison de sa rapidité de mise en œuvre et de son efficacité face aux infections virales a été celle des vaccins ARN. Ceux-ci contiennent des particules constituées d’une membrane lipidique protectrice enveloppant un morceau d’ARN messager (ARNm) qui permet de fabriquer la protéine Spike du coronavirus SARS-CoV-2. Suite à l’injection intramusculaire de ce type de vaccin, l’ARNm est principalement capturé par des cellules immunitaires spécialisées, les cellules dendritiques). Celles-ci fabriquent alors brièvement la protéine Spike et la présentent à d’autres cellules immunitaires, les lymphocytes, qui vont alors produire des anticorps neutralisants.

En raison de la brièveté de la production de la protéine Spike par nos cellules, une injection de rappel est indispensable pour permettre l’amplification des lymphocytes spécifiques du virus et la formation d’une population de mémoire. Plusieurs études ont démontré que l’intervalle entre les deux injections de vaccin est un facteur clé dans l’établissement d’une mémoire de longue durée. Un mois est une durée minimum. Si elle peut parfois être suffisante, en général une durée plus longue, de 4 à 6 mois, semble préférable. En raison de l’urgence sanitaire, la durée de 1 mois entre les deux injections a cependant été sélectionnée, car ce protocole garantissait le développement rapide d’une protection face au Covid-19.

La seconde explication à la baisse d’efficacité des vaccins est l’apparition régulière de variants du SARS-CoV-2 accumulant un nombre de plus en plus élevé de mutations sur la protéine Spike. Plus ces variants diffèrent de la souche originelle du virus et moins ils sont reconnus par le système immunitaire, en particulier par les anticorps neutralisants. Ce phénomène a été observé pour plusieurs variants dont le variant Bêta.

Enfin, il faut souligner qu’à partir de 65 ans, la capacité du système immunitaire à maintenir une mémoire immunitaire protectrice contre un agent infectieux décline de manière significative. Il était donc prévisible dès le départ qu’une dose de rappel serait nécessaire pour les plus de 65 ans, catégories d’âge concernées au premier chef par le risque de développer des formes sévères de Covid-19.

Les études scientifiques en faveur d’une troisième dose de vaccin

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En juillet 2021, les responsables israéliens ont décidé de lancer une campagne massive de vaccination de rappel avec le vaccin à ARNm BNT162b2 de Pfizer/BioNtech, bien que ne disposant pas d’information sur l’efficacité de cette approche. Cette décision a fait de ce pays un véritable « laboratoire » de la vaccination. Avec le recul, que nous apprend la situation d’Israël ? Trois études réalisées sur la population israélienne ont documenté l’effet sur le terrain de ce rappel.

La première étude, publiée le 29 octobre 2021, compare la protection entre des individus vaccinés avec deux doses depuis au moins 5 mois ayant reçu ou non une dose de rappel. Chacun des deux groupes comprend 728  321 individus. On observe que les individus ayant reçu une dose de rappel depuis au moins 7 jours montrent une forte augmentation de la protection, atteignant 93, 92 et 81 % respectivement contre l’infection, l’hospitalisation et la mort.

La seconde étude, publiée le 28 novembre, compare les individus de >60 ans vaccinés avec deux doses depuis 5 mois et ayant ou non reçu une dose de rappel et montre une réduction d’un facteur 11.3 du taux d’infection chez le groupe ayant reçu un rappel depuis 12 jours. Le taux de forme sévère est également réduit de 19.5 fois. Enfin, une troisième étude publiée le 30 novembre confirme ces bons résultats.

La comparaison des données de santé publique de la Belgique, au 24 novembre, et de son voisin les Pays-Bas est édifiante. En Belgique, le taux d’infection croît pour tous les âges, sauf pour les plus de 85 ans dont 65 % ont reçu une dose de rappel. Aux Pays-Bas, où cette dernière classe d’âge n’a pas encore reçu de rappel, le taux d’infection de ses membres monte en flèche. Ces résultats s’expliquent en partie par le fait que la qualité de la réponse immunitaire évolue au cours du temps, grâce au phénomène dit de maturation de l’affinité des anticorps.

Se tiendra-t-on à trois doses ou bien s’agit-il d’un rappel à effectuer régulièrement ?

La nécessité d’une troisième dose dans le cas des vaccins contre le Covid-19 ne représente donc pas une rupture méthodologique, et n’est pas le signe que les vaccins à ARNm seraient moins efficaces que les vaccins sous-unitaires protéiques utilisés plus traditionnellement. Cependant, les données disponibles pour l’instant ne permettent cependant pas de garantir que la protection conférée par une dose de rappel sera de longue durée.

Certes, les vaccins sous-unitaires protéiques contre le virus de l’hépatite B et le papillomavirus humain offrent des protections de plus de 10 ans après 3 doses. Mais ces deux virus sont des virus à ADN double brin, dont le génome évolue beaucoup moins vite qu’un virus à ARN simple-brin comme le SARS-CoV-2. De ce fait, les spécialistes ne peuvent pas faire de prédictions raisonnables sur ce point.

De la nécessité de penser à court et à long terme

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On peut se demander s’il est pertinent d’effectuer une dose de rappel avec un vaccin dirigé contre la souche originelle du virus, alors qu’émergent de nouveaux variants, comme le variant B1.1.529 – Omicron. La réponse semble actuellement pencher en faveur du « oui ». Développer, produire et valider un vaccin adapté à un nouveau variant prendrait plusieurs mois, car ce nouveau vaccin devrait à minima démontrer non seulement sa capacité à induire une réponse immunitaire, mais aussi à le faire de façon sûre, lors de tests de phase clinique 1 et 2. Or, aujourd’hui, ce sont des patients infectés par le variant Delta qui menacent de saturer les hôpitaux. Puisque les données disponibles démontrent clairement l’efficacité d’un rappel avec le vaccin BNT162b2 de Pfizer/BioNtech contre Delta, il ne serait pas raisonnable d’attendre un vaccin spécifique d’un nouveau variant pour réaliser un rappel vaccinal.

Les gouvernements doivent cependant prendre conscience qu’une stratégie uniquement basée sur les vaccins sera insuffisante à long terme. En effet, on ne pourra empêcher complètement la circulation du SARS-CoV-2 et donc l’apparition de nouveaux variants grâce à la vaccination, et on ne peut exclure que certains d’entre eux soient un jour capables d’échapper aux vaccins. Bientôt plus de deux ans que cette pandémie a vu le jour et avec l’apparition continue de nouveaux variants il est donc indispensable de réaliser des investissements structurels afin de faire face à l’inévitable endémicité du SARS-CoV-2 ainsi qu’aux futures épidémies.

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Au Maroc, le médecin-chercheur en politiques et systèmes de santé, Tayeb Hamdi a affirmé que pour être efficace, protéger les vies, réduire le risque d’émergence de variants et vaincre la pandémie, la vaccination devrait être complète, large et rapide. La situation vaccinale n’est pas complète actuellement, avec la succession des lettres de l’alphabet grec qui repousse les dates de fin de la pandémie et le retour à la vie d’avant Covid-19, a relevé le médecin dans une tribune intitulée “Covid 19 : Les quatre grands alliés des variants, brevets, inégalité, hésitation et relâchements”. Néanmoins, les mesures barrières individuelles et collectives, adaptées selon les dernières découvertes scientifiques rapides et la vaccination développée en moins d’une année, ont pourtant pu sauver des vies, relancer l’économie et la vie sociale là où elles ont été appliquées. “Elles nous avaient ouvert la voie de la victoire”, s’est-il réjoui.

Pour Tayeb Hamdi, la production des vaccins a été insuffisante à cause du refus des laboratoires et de certains pays, de la levée des brevets qui aurait accéléré la production et l’accessibilité à ces vaccins, et qui aurait aussi contribué à la préparation de la planète à faire face aux nouveaux variants et aux épidémies à venir. Avançant l’exemple de Pfizer, Bion Tech et Moderna qui ont bénéficié de huit milliards de dollars de l’argent public pour mettre au point leurs vaccins, le chercheur note que ces laboratoires ont pu réaliser un bénéfice avant impôt de plus d’un million de dollars par jour.

Le transfert de technologie aurait permis de démarrer la production à grande échelle en huit à dix mois, et si couplée au transfert du savoir, cette durée aurait été écourtée de moitié, a-t-il souligné, ajoutant que ce transfert aurait permis d’accélérer la cadence, de prévoir une production rapide et massive de nouvelles versions de vaccins si nécessaire, et d’élargir l’industrie vaccinale pour préparer la planète aux futures épidémies. S’agissant des inégalités vaccinales qui ont empiré le paysage vaccinal, l’auteur dénote que les pays riches ont pu vacciner toute la population y compris les jeunes et les enfants à moindre risque, en laissant les populations très à risque dans d’autres pays, ce qui est “un échec plus que moral”.

 
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