Interview

Farid Mezouar : «Le marché boursier est proche de son plus haut niveau historique»

Pour Farid Mezouar, le marché boursier casablancais est dans une meilleure posture: il a quasiment dépassé son niveau d’avant-crise. Mieux encore, ajoute-t-il, le trend haussier du MASI devrait se prolonger. Pour autant, le Directeur exécutif de FL Markets estime que la méfiance demeure. Ses explications.

Challenge : Peut-on dire qu’au niveau de la Bourse de Casablanca, l’énorme gap de 2020 a été comblé aujourd’hui ? Comment l’expliquer ?   

Farid Mezouar : Effectivement, au niveau fondamental, la forte croissance économique de plus de 6% sans grande tension sur les prix, est assez satisfaisante. Surtout, que ce rebond économique a été ressenti en Bourse avec la hausse de plus de 71% de la masse bénéficiaire 2021 S1 qui retrouve, voire dépasse son niveau de 2019 S1. Cette hausse provient d’une reprise d’activité comprise entre 6% et 8% selon les retraitements. Aussi, cette hausse a été stimulée par la non-récurrence des dons au Fonds Covid-19. De même, les banques ont profité de la baisse du coût du risque.

Au niveau boursier, après avoir franchi la première résistance de 12.600 points, le MASI s’est naturellement dirigé vers la deuxième résistance de 13.200 points qu’il a surpassée, portant son rebond depuis le 18 mars 2020 à plus de 48% tout en se rapprochant du plus haut historique de tous les temps.

Cette dernière hausse du MASI semble avoir été catalysée par les avancées de la campagne de vaccination, le bon déroulement des élections ainsi que par la formation d’un gouvernement plutôt technicien et d’orientation socio-libérale. D’ailleurs, le Chef du gouvernement est un ancien patron de société cotée au même titre que plusieurs ministres, comme celui de l’Économie et du Transport. 

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Challenge : L’euphorie actuelle peut-elle perdurer ?

A Flm, nous pensons que le trend haussier du MASI devrait se prolonger, car plusieurs moteurs de la hausse demeurent actifs. Ainsi, les taux d’intérêt se sont maintenus à un niveau assez bas 5 ans autour de 2%. Ce niveau modéré est susceptible de se maintenir grâce à la poursuite de la politique accommodante de BAM. Quant à l’autre moteur de la hausse du PIB, si la croissance se consolidait à 3% en 2022, BAM prévoit un accroissement de 3,6% de la valeur ajoutée des activités non agricoles. 

Toutefois, la méfiance demeure de mise à cause des risques d’importation de l’inflation au niveau de l’énergie et des Commodities, ainsi qu’au niveau de l’impact de ce renchérissement sur la marge des industriels. Aussi, il faudra avoir un œil sur l’application du Pass sanitaire et de son impact potentiel sur l’activité des services.

Challenge : Quels sont les secteurs et sociétés cotées qui n’ont pas encore renoué avec leur niveau d’avant crise ?

Effectivement, en Bourse, certains secteurs comme le tourisme ou le transport, ont continué à souffrir en 2021 de certaines mesures sanitaires restrictives. En effet, la reprise de la mobilité internationale demeure parcellaire et incomplète. Aussi, le tourisme interne demeure lié à un retour complet à la normale. Par ailleurs, pour d’autres secteurs comme la promotion immobilière et la téléphonie mobile, la convalescence n’est pas complètement terminée, notamment à cause de la perte de pouvoir d’achats auprès de plusieurs actifs. 

Challenge : Après l’introduction en Bourse d’Aradei Capital en décembre 2020, voilà encore TGCC qui lui emboîte le pas. Est-ce à dire que c’est bien parti cette fois-ci pour les IPO après une disette des IPO d’à peu près deux ans ?

Malheureusement, je n’ai pas assez de certitudes au sujet du retour de la vague des cotations. En effet, le marché boursier semble peiner à séduire au-delà de son public traditionnel. Les meilleurs exemples sont ceux de la dernière OPV d’Aradei, où seuls 83 fonctionnaires y ont participé tandis qu’aucune des 94 entreprises du programme ELITE au Maroc depuis 2016, n’a franchi le pas de la cotation. Aussi, le secteur bancaire demeure un concurrent solide du marché boursier autant au niveau des financements des entreprises que des placements financiers des épargnants. 

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Challenge : Que pensez-vous du timing de l’opération d’introduction en bourse de TGCC ? Et quelle sera, d’après vous, sa valeur ajoutée ?

Le timing pour l’émetteur est idéal, car le marché boursier est proche de son plus haut niveau historique. Aussi, TGCC a déjà confirmé le rebond de ses réalisations au premier semestre 2021. Par ailleurs, il s’agit d’une bonne opportunité de diversification dans le secteur du BTP et de la construction avec une exposition sur une capitalisation moyenne. De même, le pas franchi par M. Bouzoubaâ peut servir d’exemple aux autres entrepreneurs qui peuvent ainsi ouvrir le capital de leurs sociétés et profiter des multiples avantages de la cotation. 

Challenge : Pensez-vous que cette opération va redonner au grand public le goût aux actions ?

La cotation de TGCC est un plus, car cela va permettre aux sociétés de bourse et aux agences bancaires patrimoniales, de remobiliser leur clientèle sensible à l’investissement dans les actions. Toutefois, historiquement, ce sont les grandes privatisations qui ont mobilisé le grand public car elles ont été souvent un synonyme de décote et de gains certains au marché secondaire. De même, à mon avis, des mesures audacieuses et/ou innovantes s’imposent pour séduire le grand public.

Ainsi, il n’existe pas de pure players dans le courtage online qui peuvent stimuler la baisse des prix en matière de commissions. De même, le potentiel marketing des réseaux sociaux, est rarement exploité pour la promotion des actions. Sur ce dernier point, au niveau de la toile, il est plus facile de tomber sur des liens vers des sites étrangers de trading dans le change ou dans les crypto-monnaies, que sur des propositions sur les actions locales.

 
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