Le Maroc s’engage dans une transformation profonde de son système éducatif, plaçant l’école, la formation professionnelle et l’université au cœur d’un projet de société ambitieux et inclusif destiné à refonder les rapports entre l’État, la société et la jeunesse. Cette refonte, soutenue par une volonté politique affirmée, vise à réconcilier la jeunesse avec le savoir, à préparer les talents de demain et à jeter les bases d’un nouveau contrat social.
Longtemps perçue comme un ascenseur social, l’école marocaine a vu son efficacité s’éroder au fil des décennies. Inégalités territoriales, taux d’abandon élevé, performances modestes aux évaluations internationales… le diagnostic est sévère. Chaque année, plus de 400.000 jeunes quittent le système éducatif sans qualification, signe d’un décalage inquiétant entre l’école et la société.
Face à cette urgence, une nouvelle vision prend forme. Le cadre stratégique 2022-2026 du ministre de l’Éducation, Chakib Benmoussa, prône une « école de l’équité, de la qualité et de la promotion individuelle ». La généralisation du préscolaire, la refonte des curricula, la formation continue des enseignants et l’intégration du numérique marquent les premiers jalons de cette mutation.
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Le Conseil supérieur de l’éducation appelle de son côté à un «contrat éducatif renouvelé », fondé sur la responsabilisation, l’évaluation par les résultats et l’implication de tous les acteurs: familles, collectivités, enseignants, société civile.
La formation professionnelle : un levier de dignité et d’employabilité
Autrefois reléguée au second plan, la formation professionnelle est désormais au centre du Nouveau Modèle de Développement (NMD). L’enjeu est clair : offrir aux jeunes, notamment les plus défavorisés, des compétences directement mobilisables sur le marché de l’emploi.
Porté par l’OFPPT, le réseau des Cités des Métiers et des Compétences incarne cette ambition : des centres régionaux modernes, ancrés dans les réalités économiques locales, ouverts à l’innovation et à l’entrepreneuriat. « Il faut que les jeunes voient dans la formation professionnelle une voie d’excellence », affirme Loubna Tricha, Directrice générale de l’OFPPT.
Le secteur privé salue cette dynamique et réclame une meilleure adéquation entre formations et besoins du marché. Pour la CGEM, «le développement du capital humain est un préalable à toute ambition industrielle ou numérique ».
L’université marocaine : un système en quête de renaissance
Si l’enseignement supérieur a connu une expansion rapide, cette massification s’est souvent faite au détriment de la qualité. Encadrement insuffisant, faibles débouchés, inadéquation entre l’offre académique et les besoins économiques, recherche peu valorisée : les faiblesses structurelles sont nombreuses.
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La réforme PACTE ESRI 2030, lancée en 2022, vise une refondation en profondeur. Elle s’articule autour de trois axes : excellence académique, employabilité, et ouverture internationale. Le déploiement du Bachelor, l’introduction des soft skills, le renforcement des langues étrangères et le rapprochement avec le tissu économique visent à former des profils agiles, capables de s’adapter dans un monde en constante évolution.
Les enseignants-chercheurs appellent toutefois à une autonomie accrue des universités, une revalorisation du métier et des moyens renforcés pour la recherche. Plus qu’une série de réformes, le Maroc engage une refondation du contrat entre l’État, la société et la jeunesse. Il s’agit de construire un pacte éducatif global fondé sur trois exigences : une gouvernance partagée, un financement soutenu, et une vision inclusive du savoir.
Ce pacte requiert l’implication active des collectivités territoriales, des entreprises, des familles et des enseignants. Il suppose aussi un effort budgétaire conséquent pour hisser la dépense par élève et étudiant à un niveau compatible avec les ambitions du pays.
Les syndicats, de leur côté, rappellent que «toute réforme sans dialogue est vouée à l’échec» et plaident pour des conditions de travail dignes et une véritable reconnaissance du rôle des enseignants.
L’UM6P : un laboratoire du futur éducatif
L’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P) s’impose comme un modèle émergent. Portée par une vision stratégique tournée vers l’Afrique, l’innovation et la recherche appliquée, l’UM6P articule excellence académique, ouverture internationale et ancrage local. Elle illustre ce que pourrait devenir l’université marocaine de demain : un espace de savoir, d’expérimentation et de transformation.
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La réussite de cette refonte dépendra de la capacité à dépasser les logiques sectorielles et à faire converger école, formation et université dans une approche intégrée. Au-delà des discours, il s’agit de redonner espoir à une jeunesse souvent désabusée, de lui offrir des perspectives concrètes, et de bâtir une société où chacun a sa chance.
Ce nouveau pacte social ne se résume pas à une réforme technique. Il engage l’avenir du pays. Un avenir qui se construit dès aujourd’hui, dans les salles de classe, les centres de formation et les amphithéâtres – là où naissent les citoyens de demain.