Dossier

Maghreb Steel : le sauvetage de la dernière chance ?

Après les mesures de sauvegarde mises en place par l’Etat au détriment de dizaines de tubistes et autres transformateurs marocains d’acier, les aides financières et rééchelonnement de dettes qui s’élèvent aujourd’hui à plus de 6,4 milliards de DH, les banques passent encore à la caisse pour sauver le sidérurgiste marocain Maghreb Steel. Le consortium bancaire dont les trois principaux créanciers sont la BCP, Attijariwafa bank, Bank Of Africa, ne semble pas avoir le choix : il a abandonné 1,2 milliard de DH, soit près du quart de l’encours de la dette financière globale de Maghreb Steel de la famille Sekkat. Cette opération d’abandon d’une partie de la dette, est-elle celle de la dernière chance pour Maghreb Steel ? Suffira-t-elle à l’aciériste marocain alors que les ventes ne décollent pas et qu’un nouvel entrant, la famille Belmekki, est en train d’investir 5 milliards de DH pour venir concurrencer l’unique fabricant d’acier plat au Maroc ?

Stroc Industrie, Buzzichelli, DLM, Maghreb Steel… Depuis plusieurs années, les quatre fleurons du secteur de l’industrie métallurgique traversent une très mauvaise passe. Celles-ci qui ont excellé par le passé, voient aujourd’hui leur avenir s’écrire en pointillés. Mais parmi ces sociétés industrielles, c’est le sidérurgiste Maghreb Steel, qui a multiplié les opérations de dernières, sans pour autant voir le bout du tunnel, comme celle que vient d’initier le consortium bancaire, qui est surtout au devant de la scène. 

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1,2 milliard de DH abandonné par les banques

Comme depuis 2014, le champion marocain de l’acier plat a réussi encore à trouver un accord qui restera dans les annales de l’histoire économique du Maroc, en termes d’efforts consentis par le secteur bancaire. En effet, les trois principales banques du groupe, notamment BCP, Attijariwafa bank, Bank Of Africa (avec aussi BMCI, Société générale et Crédit du Maroc), constituées en pool, ont purement et simplement décidé d’abandonner  1,2 milliard de DH, soit près du quart de l’encours de la dette financière globale qui pèse sur le passif de Maghreb Steel. Alliant l’acte à la parole, ce montant a même été déjà provisionné comme perte par les banques et validé par Bank Al Maghrib, selon une source proche des banques. Quelle contrepartie pour les banques ? Selon Hatim Senhaji, DG de Maghreb Steel, depuis 2015, il n’était pas question que toute la dette soit remboursable, mais je peux vous dire que nous travaillons sur une restructuration financière qui est la suite logique de ce qui a commencé en 2015. «Donc, ce qui a été fait n’est pas une nouveauté», dit-il (voir interview).

Les banques prises au piège ?

Il faut dire que la dette nette de Maghreb Steel enregistre un niveau record de plus de 6 milliards de DH.  «Personne n’a vu venir la chute des cours mondiaux de l’acier, accélérée par la crise internationale. Avant cette situation, les banques se bousculaient pour financer notre projet. Mais, avec la crise, les prix de l’acier, qui atteignaient 1 300 dollars  la tonne au moment du lancement de notre projet, sont depuis tombés à moins de 300 dollars», souligne un membre de la famille Sekkat, principal actionnaire de Maghreb Steel.

Toujours est-il, que les déficits cumulés se sont même aggravés à près d’un milliard de DH à fin juin 2020 (contre « à peine» -48 millions de DH cinq ans auparavant), alors que la montagne de la dette s’est même élevée de quelques crans pour s’établir à plus de 6,4 milliards de dirhams (dont 4,8 milliards de DH en dettes financières à moyen et long terme).  Indicateur supplémentaire mesurant le risque pour les banques, le ratio de la dette financière et bancaire nette sur les capitaux propres (gearing) reste énorme. Autrement, Maghreb Steel cumule plus de dettes que la valeur de l’entreprise. Résultat : les banques semblent n’avoir pas le choix. 

Ainsi, cette opération d’abandon d’une partie de la dette  qui s’apparente à celle de la dernière chance pour ce fleuron de l’industrie marocaine, fait suite à une mission commanditée par Maghreb Steel auprès du Cabinet international américain de conseil financier basé à New York Duff & Phelps, pour un montant de près de 15 millions de DH. Celui-ci, qui a recommandé un business plan de dix ans, a suggéré un effort financier de la part des banques en vue d’assurer la pérennité de l’activité du fabricant d’acier plat laminé à chaud ou à froid.

Mais coïncidence ou pas: avec les 120 millions de DH de frais bancaires que le champion marocain de l’acier plat verse chaque année aux banques, cela fera tout de même les 1,2 milliard de DH effacés par ses créanciers.

Ce n’est pas la première fois que les banques tentent de sauver le sidérurgiste marocain de la faillite. En 2014, Maghreb Steel avait obtenu un accord de restructuration de sa dette globale auprès du consortium bancaire. C’est ainsi, que les banques du sidérurgiste ont injecté en fonds propres 400 millions de DH à travers cette opération de recapitalisation. Cet accord avait été accompagné par une réorganisation non seulement des dettes et encours bancaires, mais aussi du management. 

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Taux record de turnover de DG

Ammar Drissi, à l’époque Directeur exécutif en charge des pôles industriels à l’OCP, a remplacé Youssef Sekkat. 

Titulaire d’un MBA en finance de la Stern School of Business, New York University, d’un Doctorat en gestion de l’École polytechnique et d’un Doctorat en psychologie sociale de Paris X, Ammar Drissi qui est passé par Citibank (vice-président), Lesieur Cristal ou encore un fonds d’investissement basé à Dubaï, devait mener cette phase de sauvetage. Autrefois, Administrateur directeur général des Charbonnages du Maroc, il a restructuré la mine de Jerada puis, comme Directeur général de filiales et membre du comité directeur de l’ex-ONA, il a redressé plusieurs grandes filiales dont Lesieur et Centrale laitière. 

Si l’État s’était empressé de rembourser à Maghreb Steel ses arriérés, notamment en matière de TVA, Bank Al Maghrib avait aussi accordé un programme, inédit, de liquidités aux banques créancières du sidérurgiste qui ont porté Ammar Drissi aux commandes en octobre 2014. Il arrive ainsi avec Saad Bennani et Amine Louali, nommés respectivement Directeur général délégué support et Directeur général délégué en charge de l’industrie, pour le seconder.

Le premier, ancien patron de Cema Bois de l’Atlas, connait bien aussi l’industrie. Lauréat de la Kedge Business School, il avait dirigé la Société marocaine du thé et du sucre (Somathes) du groupe Holmarcom, et la Somadir, leader du marché de la levure. Idem pour Louali, Polytechnicien et ancien Directeur des compétences industrielles de l’OCP.

Malgré tout, Ammar Drissi, recruté en tant que prestataire de services pour 18 mois, ne restera pas longtemps à la tête du champion national de l’acier plat. Car, ce spécialiste du redressement des entreprises quittera le navire Maghreb Steel seulement au bout de trois mois. Il est remplacé, le 18 janvier 2015, par Saad Bennani, qui deux mois après sa nomination, sortit une note pour annuler les gratifications. Face à ce mouvement qui prenait de l’ampleur, il a été obligé de quitter l’entreprise en juin 2015. Aussitôt, le Conseil d’administration fait appel à nouveau à Ammar Drissi. Ce dernier…

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Autres sujets du dossier :

Interview avec :

– Hatim Senhaji, Directeur général de Maghreb Steel « Il était très clair que toute la dette de Maghreb Steel n’était pas remboursable »

 
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