Transport routier

Maroc-Espagne : Les transporteurs marocains réclament la révision de l’accord bilatéral en matière de TIR

Avec le réchauffement des relations entre l’Espagne et le Maroc, marqué par la dernière visite du Premier ministre espagnol Pedro Sanchez, c’est un vent d’espoir qui souffle sur le secteur marocain du transport international routier (TIR). Dans cette nouvelle étape dans les relations entre les deux pays, avec une feuille de route claire, les professionnels marocains du TIR espèrent voir leurs nombreux dossiers mis sur la table des discussions entre les autorités des deux pays, trouver des solutions.   

Avec la nouvelle dynamique enregistrée dans les relations entre le Maroc et l’Espagne, les professionnels marocains du transport international routier espèrent voir leurs nombreux dossiers examinés par les deux parties. En effet, autorités marocaines et espagnoles s’apprêtent à revisiter plusieurs domaines de leur coopération. Il faut dire, qu’outre l’opération « Marhaba » que les transporteurs maritimes espagnols, par exemple, entendent ressusciter, les autorités marocaines et espagnoles discuteront également du contrôle du trafic passagers et marchandises entre l’Espagne et le Maroc. 

Révision de l’accord bilatéral Maroc-Espagne

Pour les professionnels marocains du Transport international routier, l’Espagne est un pays de destination et surtout de transit. Le Maroc est, pour leurs homologues espagnols, d’abord un pays de destination ; et devient de plus en plus un pays de transit vers l’Afrique subsaharienne, via Guergarate.  Le transport routier entre les deux pays est régi depuis 2012 par un accord bilatéral. Cette convention stipule que tous les transports de marchandises entre les deux parties contractantes ou en transit par leurs territoires, sont soumis au régime de l’autorisation préalable.

Chaque année une commission maroco-espagnole, regroupant opérateurs et administrations, se réunit pour fixer le nombre d’autorisations qui seront accordées aux deux pays de façon égalitaire. 42.000 autorisations («MA » et « E ») sont prévues de part et d’autre. Jusqu’en 2019, les seuils fixés dans le cadre de ce système de quotas n’ont jamais suffi pour répondre aux besoins du pavillon TIR marocain. Le Royaume devait chaque fois revenir à la charge pour demander aux Espagnols une rallonge d’autorisations. 

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Mais, selon les opérateurs marocains, l’alinéa 13 de l’article 15 dudit accord intitulé « transports bilatéralisés », avantage la partie espagnole. A leurs yeux, les remorques espagnoles isolées arrivées en charge au Maroc, sans le couvert d’une autorisation bilatérale comme le stipule l’article 11 de l’accord, en vue d’être attelés à des tracteurs marocains est une source de déséquilibre au niveau de l’établissement du bilan annuel sur la consommation du contingent des autorisations bilatérales, ce qui implique une rupture de stock avant terme, et les conséquences qui en découlent.  En effet, il arrive que des transporteurs marocains se retrouvent bloqués au port d’Algésiras, à la frontière espagnole, faute d’autorisations car ayant épuisé leur quota. Et dans ce cas, ils ont le choix entre entrer illégalement sur le sol européen et s’acquitter d’une amende de 4.000 euros par camion, ou ne pas envoyer de marchandises à l’Union européenne par voie terrestre.

Or contrairement aux Marocains, côté espagnol, du fait que leurs remorques isolées arrivent en charge au Maroc, sans le couvert d’une autorisation bilatérale, leurs transporteurs consomment peu leurs autorisations. Et la commission mixte refuge parfois à accorder des autorisations additionnelles aux transporteurs locaux, justifiant leur position par le fait que les opérateurs espagnols n’ont pas épuisé leur contingent «MA».  Aujourd’hui, afin d’optimiser le contingent des autorisations bilatérales «E», les transporteurs marocains, demandent l’application des recommandations de la commission mixte Maroc-Espagne, selon laquelle les remorques et semi-remorques isolées espagnoles ayant effectué la traversée Algésiras/Tanger-Med, sous le couvert d’un contrat de coopération, doivent être rapatriées dans le même cadre, en d’autres termes, en « isolées ».

Autre disposition de l’accord bilatéral qui pose problème à la partie marocain : le transport triangulaire. En effet, la partie espagnole profite de ce type de transport, du fait qu’elle charge au Maroc et décharge dans n’importe quel Etat Schengen. A l’inverse, son homologue marocaine ne peut prendre de fret de retour que sur sa ligne descendante. Résultat : Nombreux sont les transporteurs marocains du TIR qui se demandent si un accord multilatéral avec l’Union Européenne ne serait-il pas préférable. En effet, l’Union européenne représente près de 80 % des origines et des destinataires du TIR marocain. Le reste étant dispersé entre l’Europe de l’Est et certains pays de l’Afrique subsaharienne à travers la Mauritanie.

Franchise gasoil de 200 litres et levée des restrictions sur les visas

Il faut dire que pour accéder sur le territoire européen, les transporteurs marocains sont confrontés à un vrai parcours de combattants. Ils font face depuis deux ans à de graves problématiques : les amendes relatives à la franchise de 200 litres et les taux élevés de refus de délivrances des visas Schengen pour les chauffeurs. Les autorités des ports espagnols refusent que les camions marocains accèdent sur leur sol avec plus de 200 litres dans leur réservoir. Une manière indirecte d’obliger les routiers marocains à consommer davantage de gasoil dans les pays de transit européens.  Pour les Espagnols, cette franchise carburant est en vigueur depuis 1992 et elle vise à réguler la concurrence entre transporteurs dans l’espace communautaire. «Les espagnols ont un gasoil professionnel que l’on n’a pas, un soutien que l’on n’a pas, des taux de crédit avantageux. On se retrouve devant un arsenal juridique et économique très étoffé, et en face, on a un Plan Maroc Vert mais il n’y a aucune dimension logistique à ce programme», lance Driss Bernoussi, Président de l’Association marocaine du transport routier international (AMTRI).

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Pourtant, l’Espagne, porte d’entrée des camions marocains, n’a commencé à l’appliquer que ces deux dernières années avec ses relations tendues avec le Maroc. Depuis, elle applique une amende qui va jusqu’à 700 euros à tout transporteur marocain dont le réservoir contient plus de 200 litres. «Les autorités des ports espagnols refusent que les camions marocains accèdent sur leur sol avec plus de 200 litres dans leur réservoir. Il s’agit d’une loi européenne qui date de très longtemps. Aujourd’hui, nous sommes verbalisés pour contrebande de diesel et les amendes sont lourdes», regrette Amer Zghinou, Secrétaire général de l’Association marocaine du transport routier international (AMTRI). Quelle solution ? Pour les entreprises marocaines du transport international routier, cette problématique des verbalisations des véhicules marocains TIR arrivant au port d’Algésiras avec plus de 200 litres de gasoil dans leur réservoir conventionnel et son impact négatif sur la compétitivité de la flotte routière marocaine, ne peut être résolue qu’à partir de la révision de l’article 15 de l’Accord bilatéral entre le Maroc et l’Espagne.

Il y a quelques semaines, l’Association marocaine des conditionneurs maraîchers (AMCOM) a sollicité, dans une lettre au ministère de l’Équipement, du transport et de la logistique,  l’intervention de Nizar Baraka en vue d’engager, avec le concours des autres départements concernés, des actions urgentes de nature à débloquer la situation des professionnels du TIR et de la filière fruits et légumes, cela après les actions entreprises par l’AMTRI (Association Marocaine des Transports Routiers Intercontinentaux) Maroc et l’APEFEL (Association Marocaine des Producteurs et Producteurs Exportateurs des Fruits et Légumes). Selon eux, la filière des fruits et légumes, en tant qu’importante filière économique d’export marocaine ouverte sur les pays de l’Union européenne, est confrontée à des pressions de plus en plus pesantes exercées par les autorités de quelques pays de destination de nos produits. Ces pressions sont de nature et de taille à compromettre et hypothéquer l’actuelle campagne d’export.

En effet, depuis plusieurs mois, les entreprises subissent de plein fouet les différentes politiques de restrictions appliquées par les voisins européens du Maroc, surtout l’Espagne et la France, en matière de visas, avec notamment des refus non justifiés, des prises de rendez-vous tardifs, des délais de traitement des demandes trop longs et des durées de séjours accordées de plus en plus courtes. Ces dernières s’établissent, ainsi, à trois mois en moyenne actuellement, contre neuf à douze mois auparavant. « Il y a les problèmes de visas, de la traversée et plein d’autres encore. Il faut désormais énormément d’autorisations des côtés français et espagnol. Il faut revoir le protocole d’accord bilatéral avec l’Espagne. Il y’a une concurrence déloyale entre marocains et espagnols», souligne Hamid Msied, Président de l’Association Nationale des Conditionneurs et Exportateurs de Fruits et Légumes (ANCEFEL).

Pour l’Association Club des Opérateurs Economiques Agréés (OEA), il s’agit même d’un refus presque systématique de délivrance des visas Schengen pour les conducteurs marocains. «On estime que 100 % des entreprises du TIR sont touchées et que ce problème concerne en moyenne 50 à 70 % de leur effectif des chauffeurs », martèlent les opérateurs économiques agréés. «Les consulats des pays européens (France et Espagne principalement) doivent délivrer les visas aux conducteurs du transport international routier marocains, proportionnellement aux contingents des autorisations bilatérales de transport international routier délivrées annuellement au Maroc », réclame l’OEA, précisant que ces problématiques de franchise carburant et de visas, posent aujourd’hui des défis structurels et stratégiques pour les entreprises du TIR et remettent en cause leur business model et même leur survie sur le court et moyen terme,  si des actions audacieuses ne sont pas mises en œuvre par le Gouvernement. «La conséquence de cette situation, est l’immobilisation du parc de camions marocains du transport international routier qui se comptent en milliers de véhicules et qui doivent payer des montants de leasing importants aux banques marocaines et la mise au chômage de centaines de chauffeurs professionnels. De même, ajoute l’OEC, ces problématiques constituent une barrière non tarifaire au commerce des services que le Maroc doit dénoncer et qui a eu pour conséquence immédiate, une hausse importante de l’activité des camions européens de TIR qui ont profité de cette situation, ce qui leur a permis de renforcer encore plus, leur contrôle sur le trafic export-import de marchandises par route entre le Maroc et l’UE et dont ils détiennent déjà plus de 80% de parts de marchés.

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Comme si cela ne suffisait pas, la hausse des prix du carburant est venue s’ajouter à la longue liste des maux dont souffre le secteur marocain du TIR. «Les professionnels du TIR souffrent de plusieurs maux. Aujourd’hui, le plus grand problème est celui du gasoil. Le voyage nous revient 90% plus cher à cause de cela, et il n’y a pas de loi relative à l’indexation des prix du transport routier aux prix du carburant. Notre trésorerie en souffre sensiblement. On ne peut pas être concurrentiels vis-à-vis des transporteurs internationaux. Aujourd’hui, on n’arrive plus à assurer le transport vers des destinations telles que l’Allemagne ou les Pays-Bas», souligne Said El Chrif, Président de l’Association Marocaine du Transport National, International et de Logistique (AMTNIL).

Parc national en véhicules frigorifiques : un déséquilibre au profit de la concurrence étrangère

Le TIR représente plus de 8% du trafic global de marchandises au Maroc, 10% du transport routier, et occupe la deuxième place après le transport maritime. Sa part dans les échanges de marchandises avec l’Union Européenne est beaucoup plus importante. Elle est en moyenne de 20% (15% pour les importations et 33% pour les exportations), en raison de la proximité géographique, mais aussi de la rapidité et de la flexibilité de ce mode transport. Si durant la période de la pandémie de la Covid-19 les opérateurs marocains du Transport International Routier (TIR) ont été reconnus comme des acteurs clés qui ont pu assurer la continuité des chaînes d’approvisionnement de notre pays et partenaires notamment européens, les principales marchandises transportées par le TIR à l’import sont généralement les produits industriels (48%), les produits textiles (10%) et les produits de consommation courante (8%). A l’export, les fruits et légumes constituent 70% du volume, le textile et confection 8%, et les produits de consommation périssables 5%. 

Toutefois, on note un déséquilibre important au profit de leurs concurrents étrangers en matière d’échanges commerciaux par route avec l’Europe, en raison d’une carence constatée au niveau du parc national de remorques frigorifiques. Il faut dire qu’il s’avère impossible aux transporteurs marocains de se doter de ce type de matériel neuf au Maroc en raison de sa cherté, impliquant ainsi des coûts d’investissements élevés. Pour les professionnels locaux, il devient nécessaire d’appliquer le module du contrat-programme relatif à la facilité de l’accès au financement. En attendant sa mise en application et pour contrecarrer la concurrence étrangère, ils estiment crucial de permettre l’achat à l’importation de ce type de matériel, non polluant, de 8 ans d’âge au lieu de 5 ans, sachant que le matériel exploité par nos concurrents dépasse les 10 ans.

 
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