À quelques semaines de la 5ème édition du Forum d’investissement Golfe-Maroc, prévue les 3 et 4 novembre à Casablanca, Mohamed Ait Bouselham, Président du GULFINVEST (Forum), détaille les ambitions de ce rendez-vous économique majeur. Coopération Afrique-Maroc-Golfe, secteurs prioritaires, obstacles aux échanges et perspectives d’investissement : il livre les enjeux d’un forum appelé à consolider un partenariat stratégique au carrefour de trois régions.
Challenge : Qu’est-ce qui fait de ce rendez-vous un moment clé cette année ?
Mohamed Ait Bouselham : La cinquième édition du Forum d’investissement Golfe-Maroc « GULFINVEST », prévue les 3 et 4 novembre 2025 à Casablanca, se tient à un moment crucial où les investissements des pays du Golfe en Afrique dépassent les 100 milliards de dollars. Ce rendez-vous permettra de renforcer les liens économiques entre le Maroc et le CCG (Conseil de coopération des pays du Golfe arabe), tout en répondant aux besoins croissants de financement en Afrique.
Cette année a été marquée par la forte présence des investissements des Émirats arabes unis au Maroc. Selon le rapport de l’Office des changes de 2024, les Émirats arabes unis se sont hissés au sommet des investisseurs étrangers au Maroc. Avec 3,1 milliards de dirhams injectés dans l’économie marocaine, ils ont dépassé les partenaires historiques comme la France et l’Espagne. Les investissements des Émirats arabes unis au Maroc dépassent 30 milliards de dollars depuis 1982 jusqu’à ce jour.
Je tiens à remercier le ministre des Affaires étrangères, le wali de Casablanca, le président de la région Casa-Settat, le maire de Casablanca, le directeur du CRI de Casablanca, ainsi que nos partenaires, notamment la CGEM, la Fédération marocaine des chambres de commerce, la Fédération des chambres de commerce des pays du Golfe, le Secrétariat général du Conseil de coopération des pays du Golfe, le ministère de l’Investissement, l’AMDIE et la Chambre de commerce américaine.
Challenge : Quelle place l’Afrique occupe-t-elle dans cette dynamique maroco-golfe ?
M.A.B : L’Afrique est devenue une priorité stratégique pour les pays du Golfe arabe. Avec un grand marché de consommation (une population projetée à 1,55 milliard d’habitants d’ici fin 2025) et un besoin d’investissements annuels de plus de 200 milliards USD, le Maroc se positionne comme la porte d’entrée principale et stratégique pour les capitaux du Golfe arabe vers le continent.
Les investissements des pays du Golfe arabe en Afrique, dominés par les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite, ont atteint 179 milliards de dollars (dont 113 milliards entre 2022 et 2023). Ils se focalisent sur l’énergie, les infrastructures (ports, aéroports, autoroutes), l’agro-industrie, les matières premières et les télécommunications.
Cette 5ème édition de GULFINVEST est marquée par l’évolution du partenariat stratégique Maroc–Afrique et notamment le projet visionnaire lancé par Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Ce projet vise à connecter les pays du Sahel au littoral atlantique dans le cadre de « l’Initiative Atlantique Royale », ce qui permettra aux pays du CCG d’accéder à ce marché, à travers le Maroc, riche en matières premières et hautement stratégique.
Challenge : Quels types d’acteurs économiques et institutionnels participeront au Forum ?
M.A.B : Cette édition sera distinguée par la participation de M. Jassem Bedioui, Secrétaire général du Conseil de coopération des pays du Golfe arabes, ainsi que de hautes personnalités économiques du CCG. Ce forum rassemblera divers acteurs, y compris :
• Institutions publiques et régulatrices : ministères, agences gouvernementales, chambres de commerce, conseils d’affaires Maroc-Golfe arabe ;
• Fonds d’investissement et capital-investissement : d’Arabie saoudite, du Qatar, des Émirats arabes unis et du Koweït ;
• Entreprises sectorielles et startups innovantes : engagées dans l’agro-industrie, les énergies renouvelables et la technologie.
Les organismes publics marocains vont exposer des banques de projets et les stratégies gouvernementales dans différents domaines (énergie, digitalisation, ports, Coupe du monde, infrastructures, tourisme, immobilier, agroalimentaire et agriculture). Il y aura également des rencontres B to B pour développer des partenariats et créer des joint-ventures entre les acteurs économiques des pays du Golfe et leurs homologues marocains.
Challenge : Quels secteurs d’investissement seront mis en avant comme prioritaires ?
M.A.B : Les secteurs prioritaires incluront :
• Agro-industrie : sécuriser les chaînes alimentaires, améliorer la transformation agroalimentaire et développer l’agriculture ;
• Énergies renouvelables : développer les investissements dans l’énergie solaire et éolienne ;
• Infrastructures : soutenir l’urbanisation croissante en Afrique ;
• Intelligence artificielle, technologies et transformation digitale : positionner le Maroc comme hub régional ;
• Tourisme et immobilier : mettre en synergie le savoir-faire marocain et celui du CCG.
Challenge : En quoi la Coupe du Monde 2030 peut-elle devenir un levier de coopération maroco-golfe ?
M.A.B : D’abord, je félicite M. Faouzi Lekjaa, ministre et président de la Fédération royale de football, pour les efforts qu’il a déployés en faveur du développement du football marocain, sous l’égide de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, et qui ont abouti au choix du Maroc comme pays hôte de la Coupe du monde 2030 aux côtés de l’Espagne et du Portugal.
Cette candidature conjointe, une première dans l’histoire du football, reliera l’Afrique et l’Europe, le Nord et le Sud de la Méditerranée, le continent africain, le monde arabe et l’espace euro-méditerranéen. Comme l’a souligné Sa Majesté le Roi, elle incarnera les plus hautes valeurs d’unité autour du meilleur de chaque partie, témoignant des efforts conjugués de génie, de créativité et de l’intégration des expertises et compétences.
La Coupe du Monde 2030 représente une opportunité d’investissement significative dans les infrastructures sportives et touristiques. Les pays du Golfe, ayant une expertise dans l’organisation d’événements de grande envergure – notamment le Qatar avec la Coupe du monde 2022 et les Émirats arabes unis avec l’Expo 2020 – peuvent collaborer pour cofinancer et partager leur savoir-faire avec leurs homologues marocains.
Challenge : Comment le Forum contribuera-t-il à lever les obstacles aux échanges commerciaux et aux investissements ?
M.A.B : GULFINVEST agira comme un espace de discussion pour aborder les barrières réglementaires, l’harmonisation douanière entre le Maroc et le CCG, ainsi que les garanties nécessaires pour rassurer les investisseurs. Le volume global des échanges commerciaux entre le Maroc et les pays du Golfe arabe dépasse 4 milliards de dollars.
L’objectif est d’intégrer la zone de libre-échange du CCG et d’attirer davantage d’avantages économiques et commerciaux dans le cadre du partenariat stratégique Maroc-CCG (2025-2030). Par la même occasion, des recommandations seront formulées pour surmonter les difficultés, développer les échanges commerciaux et accroître les investissements.
Challenge : En termes de retombées attendues, peut-on espérer la signature de nouveaux partenariats, accords ou projets d’investissement à l’issue du Forum ?
M.A.B : Les retombées attendues dépassent les seuls bénéfices qualitatifs, comme le dialogue et le renforcement des réseaux ; elles englobent également des résultats quantitatifs. Les éditions précédentes ont déjà abouti à des accords concrets dans différents secteurs (agroalimentaire, énergies éolienne et solaire, immobilier et tourisme). Pour 2025, les acteurs impliqués visent clairement à établir de nouveaux partenariats structurés dans divers secteurs, y compris les nouveaux domaines clés (intelligence artificielle, transition numérique, énergies renouvelables et économie verte).
La présence de partenaires stratégiques tels que la Fédération des chambres de commerce des pays du Golfe, la CGEM, la Fédération des chambres de commerce du Maroc et la Chambre de commerce américaine met en lumière l’importance de cet événement et ses retombées potentielles. On peut notamment s’attendre à la signature de partenariats entre les entités de promotion des investissements des pays du Golfe et leurs homologues marocains, ainsi qu’à d’autres projets dans le domaine touristique et agroalimentaire.
Challenge : Quel rôle joue l’Agence « ARAB GULF AGENCY » dans cet événement ?
M.A.B : L’Agence agit comme catalyseur en fournissant des données économiques et des analyses nécessaires pour orienter les discussions et superviser l’organisation. C’est grâce à l’initiative de l’Agence, en collaboration avec la Fédération des chambres de commerce des pays du Golfe arabe, que GULFINVEST a vu le jour.
« ARAB GULF AGENCY » assure également la visibilité internationale des initiatives de coopération entre le Maroc et le Golfe, et suit l’évolution du partenariat économique au niveau du secteur privé, ce qui peut attirer davantage d’investisseurs au Maroc en particulier, et en Afrique en général.