Transport maritime

Fret maritime. La hausse vertigineuse des tarifs plonge les opérateurs dans une situation inextricable

En un an et demi de crise sanitaire, les tarifs du fret maritime de la Chine vers l’Afrique, l’Europe ou les États-Unis ont augmenté de plus de 500%. Une situation qui n’est pas sans lourdes conséquences sur les opérateurs marocains, qui ne savent plus à quel saint se vouer. Décryptage.

Les opérateurs économiques marocains ne savent plus à quel saint se vouer. Les importateurs de produits en provenance de la Chine et d’autres pays asiatiques font face à une situation plus que compliquée. En effet, en un an et demi, soit depuis le début de la pandémie, les tarifs du fret maritime de la Chine vers l’Afrique, l’Europe ou les États-Unis ne font qu’augmenter. Selon de nombreux experts, les tarifs ont atteint une hausse de plus de 500% ces derniers mois. Une situation qui pénalise lourdement de nombreux opérateurs marocains, d’autant plus que certains d’entre eux ont pour habitude d’effectuer leurs commandes de marchandises pour les fêtes de fin d’année en cette période. Et, tout porte à croire que cette tension sur les prix va continuer.

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« Nous vivons aujourd’hui une crise du transport maritime qui est assez aiguë. Tous les pays sont impactés, y compris la Chine elle-même », réagit Mehdi Laraki, président du Conseil d’affaires Maroc-Chine de la CGEM (Confédération générale des entreprises du Maroc).

« Pendant le confinement, plusieurs usines ont dû arrêter leur production et certains ports chinois aussi ont fermé. Maintenant, grâce à la vaccination l’économie reprend. Nous avons eu une crise sanitaire, qui est vraisemblablement suivie d’une crise économique. Aujourd’hui, il y a non seulement un besoin de conteneurs mais aussi de bateaux. Donc, je pense que les prix vont rester élevés jusqu’à mi-2022 au moins », analyse Mehdi Laraki, qui connait bien le marché chinois. Même son de cloche aussi du côté de Najib Cherfaoui, expert maritime, qui reconnait  que cette pénurie de conteneurs est réelle et pénalisante pour les opérateurs marocains.

« On n’a jamais connu un tel problème, avec une telle ampleur, depuis bien longtemps. Il est important de savoir qu’il y a suffisamment de conteneurs dans le monde pour maintenir un trafic normal en termes de commerce international. Le problème, c’est que lorsque la pandémie est arrivée, il y a eu un arrêt brusque du commerce international avec le confinement. Du coup, les conteneurs partis de Chine avec des marchandises sont restés bloqués chez les clients dans leurs pays respectifs. Ces conteneurs sont donc restés là-bas au lieu d’être réacheminés. Avec la reprise de l’économie chinoise à l’automne 2020, des millions de conteneurs étaient toujours dispersés un peu partout dans le monde, occasionnant ainsi une pénurie de conteneurs pour la Chine au moment où elle en avait besoin pour expédier les commandes qu’elle avait reçues », explique-t-il.

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Najib Cherfaoui fait remarquer que c’est bien cette rareté de conteneurs vides qui a fait exploser les tarifs dans la mesure où tous les clients étaient prêts à payer n’importe quel prix pour un conteneur vide afin de se faire livrer leurs différentes commandes. « C’est à ce moment-là, en 2020, que le coût du fret maritime a commencé à monter en flèche. Les compagnies de transport maritime en ont profité pour multiplier les prix par 5, voire plus. Cependant, l’idée, au départ,  n’était pas tellement d’engranger exagérément des bénéfices.

En effet, en 2020, l’organisation maritime internationale a mis en place une obligation pour tous les navires de commerce dans le monde d’être dotés d’un nouveau moteur qui consomme moins de carburant ou d’acheter un filtre spécifique pour les vieux moteurs pour des raisons écologiques. Les armateurs ont donc eu l’idée d’amortir rapidement ces millions d’investissements via la hausse des tarifs du fret », détaille Najib Cherfaoui, ajoutant que tous les armateurs ont déjà rentabilisé leurs investissements.

Il faut savoir qu’avant la pandémie, le tarif du fret maritime Chine-Maroc pour un conteneur  (40 pieds) tournait généralement autour de 50.000 DH. Avec la hausse vertigineuse des prix, les opérateurs se sont retrouvés à payer au moins 200.000 DH par conteneur. Toutefois, on devrait espérer une accalmie dans les prochains mois, d’autant plus que Najib Cherkaoui fait observer que les compagnies de transports maritimes, notamment les trois principales alliances (2M, Ocean Alliance, et The Alliance) qui exploitent 95% de la capacité totale des navires et contrôlent 80% des routes maritimes les plus fréquentées au monde, ont décidé, fin août, de faire une pause sur l’augmentation des tarifs.

« Elles ont, elles-mêmes, constaté qu’elles avaient outrepassé le seuil de ce qui était acceptable. Les tarifs vont donc rester bloqués au niveau actuel pour les six prochains mois. Et je pense qu’ils vont même baisser dans les prochains mois », assure l’expert maritime, ajoutant que cette situation pèse beaucoup sur le consommateur marocain, qui doit désormais payer son produit bien plus cher, sans toutefois comprendre les raisons de la hausse du prix.

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Toutefois, Mehdi Laraki ne croit pas à cette volonté des transporteurs maritimes de vouloir baisser les prix. « La décision de bloquer les prix est un maquillage parce qu’ils bloquent les prix notamment sur les contrats spots, alors qu’on sait que ce type de contrats ne représente pas la plus grande partie de leur business. Donc, rien ne change concrètement », déplore-t-il. Mehdi Laraki exhorte ainsi les autorités marocaines à poursuivre leurs efforts visant à ramener des groupes industriels chinois et bien d’autres pour produire localement dans le royaume.

« Cette pandémie a montré que nous ne pouvons pas continuer à dépendre de l’extérieur sur certaines choses. Le Maroc a tous les atouts pour attirer davantage de sociétés chinoises pour venir investir au Maroc en joint-venture avec des sociétés marocaines pour développer leurs industries localement pour répondre non seulement à la demande du marché marocain mais aussi à celle du marché africain plus globalement », poursuit Mehdi Laraki, insistant sur le fait que c’est le consommateur marocain qui est lourdement impacté dans la situation actuelle parce que, de toutes les façons, les opérateurs répercutent la hausse des tarifs sur les prix de ventes.

« Dans certains magasins, vous avez des rayons entiers qui sont totalement vides à cause de la difficulté d’approvisionnement. Certaines enseignes procèdent à des augmentations de l’ordre de 20% sur les prix de certains produits. Toutefois, pour ma part, je pense qu’il faut rester optimiste. L’économie reprend, et c’est une bonne chose. Il est maintenant primordial de développer notre industrie locale pour ne plus subir ces dépendances », conclut-il.

 
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