Portrait

« Mon histoire avec les médicaments ». Une autobiographie de feu Omar Tazi à lire sans tarder

A huit ans, il a failli renoncer à la scolarité à cause du harcèlement racial qu’il subissait à l’école française où ses parents l’avait inscrit à Fès (un privilège à l’époque) de la part d’un colon instituteur indigne des valeurs de la République française qu’il était censé incarner. Mais en le traitant constamment de petit fumiste, l’instituteur véreux qui prenait un malin plaisir à humilier tous les mômes « indigènes » qui osaient se présenter à sa classe tout engoncés dans des costumes et uniformes occidentaux au lieu de se vêtir en djellabas (ce qui est une hérésie à ses yeux !), a probablement forgé le caractère bien trempé du petit Omar et l’a surtout inconsciemment prédestiné à faire partie de ceux qui font l’Histoire. Le club littéraire des Fumistes qui venait de naître en France quelques décennies plus tôt sous la férule d’Alphonse Allais n’avait-il pas pour devise de « sauver le monde »… à leur façon ?

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Et indéniablement, Feu Omar Tazi, qui nous a quittés le 20 mars de l’année passée, fait partie du panthéon marocain des pionniers et bâtisseurs qui ont apporté une contribution majeure à l’édification du Maroc moderne voire au progrès du continent africain. En effet, le fondateur de Sothema (Société Thérapeutique Marocaine), premier laboratoire pharmaceutique 100% marocain, a marqué l’histoire du capitalisme marocain par son esprit visionnaire, sa persévérance et son combat acharné pour poser les premiers jalons de l’indépendance économique du Maroc dans un domaine aussi critique que celui de la santé humaine. Aussi, un demi-siècle avant la « nouvelle » politique de promotion des industries de substitution à l’import, épine dorsale de l’actuel plan de relance post Covid-19 et pierre angulaire de la stratégie de ré-industrialisation du pays, que Feu Omar Tazi en fit l’éloquent théoricien et un précurseur en marche.


Et c’est avec exigence et excellence, deux vertus qu’il a certainement aiguisées au contact de la musique dès son plus jeune âge (et il fut d’ailleurs dès l’adolescence un brillant luthiste dont le talent ne laissait point indifférent), que celui qui a présidé aux destinées de l’AMIP (Association Marocaine de l’Industrie Pharmaceutique) de 2005 à 2008, a érigé Sothema au rang de leader incontesté de l’industrie pharmaceutique à l’échelle non seulement marocaine mais régionale avec un portefeuille de médicaments qui dépasse les 300 marques et un nombre de 35 commettants parmi les laboratoires internationaux les plus en vue au niveau mondial. Grâce au cran et à la persévérance de son fondateur, le bilan de Sothema est également émaillé de «premières» de toutes sortes : premier laboratoire pharmaceutique 100% marocain à opérer réellement en tant qu’industriel, premier fabricant africain d’insuline d’origine animale, première marque d’insuline 100% marocaine (Insulet), première entreprise marocaine à gagner en procès de dumping contre un géant étranger (en l’occurrence Novo Nordisk) et premier laboratoire pharmaceutique nord-africain à s’introduire en bourse.

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Une réussite qu’il dédie et partage sans hésiter avec ceux qu’il appela affectueusement les « Sothémiens » et dont le nombre s’élevait, à fin 2020, à plus de 1.200 collaborateurs contre trois à peine lors de la création de Sothema en 1976. Une réussite qui s’explique par l’énergie positive qu’il a su insuffler chez les Sothémiens, lui qui a consacré tout un chapitre dans son autobiographie au thème de l’énergie et son rapport à la création et à la vie et qui a donné à Sothema pour slogan (depuis 2008) : Des énergies unies pour la vie. Quant à l’autre vertu à laquelle Feu Omar Tazi doit la signature de son contrat providentiel avec son premier grand commettant (contrat sans lequel l’aventure de Sothema n’aurait probablement jamais vu le jour) et qu’il hérita de ses parents qui ont veillé à le lui incorporer à son système de valeurs de façon inconditionnelle, elle n’est autre que la sincérité. Une sincérité dont il ne s’est jamais départie, de l’aveu même de ses détracteurs voire de ses pires ennemis, même quand il a fallu convaincre en quelques minutes seulement le patron Afrique et Moyen Orient du géant américain Eli Lilly pour accorder à un illustre jeune inconnu sans presque aucune expérience industrielle probante la licence de fabrication au Maroc de médicaments aussi compliqués que les injectables.

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Au demeurant, l’autobiographie publiée à titre posthume de Feu Omar Tazi résonne comme un hymne à l’entrepreneuriat citoyen et responsable et une ode au capitalisme familial transcendant qui, loin d’incarner le maillon faible du tissu productif (en raison de la problématique de transmission trans-générationnelle qui le fragilise souvent) en représente le pan le plus pérenne et le plus moteur le plus puissant du développement durable, inclusif et socialement responsable. Elle vient aussi rappeler par l’érudition et la sagesse de son auteur que le « deus ex machina » du capitalisme, homme d’action et de prise de risques par excellence, peut également être un homme de réflexion, de culture et de spiritualité. Une conjugaison si rare dans notre société marocaine qu’elle mérite d’être mise en exergue et célébrée non seulement dans le cercle des initiés mais surtout auprès des futurs entrepreneurs en herbe quels que soient leurs âges car, pour paraphraser Epicure, que nul, étant jeune, ne tarde à agir après avoir bien réfléchi, ni, tant vieux, ne se lasse de penser après une vie pleine d’actions.

Et c’est pour ce qu’il incarne et pour les leçons qu’elle véhicule aussi bien dans le champ managérial que sur le registre des valeurs morales et citoyennes ou encore pour les perles sur l’histoire économique et sociale de notre pays qu’elle nous livre à chaque chapitre ou presque que la Rédaction a décidé de publier tout au long de ce qui reste de ce mois sacré de jeûne et de recueillement des extraits et fragments du livre « Mon histoire avec les médicaments » en espérant que cela vienne régaler l’esprit du lecteur et épancher la soif du chercheur.

 
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