L’Assemblée Générale des Nations Unies commémore sa 80ème chandelle de l’adoption de la Charte des Nations Unies et ce. dans un contexte de cataclysme de la géopolitique mondiale rarement observé depuis la Seconde Guerre mondiale : fragmentation, multilatéralisme en panne d’inspiration, désengagement et démission des États-Unis et chute libre des financements internationaux menaçant la capacité de la Communauté Internationale à préserver la paix et lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale, les inégalités et les dérèglements climatiques, faisant chanceler les socles et le credo même des Nations Unies.
*Docteur en Relations Economiques Internationales
Aussi, la guerre à Gaza, avec la déliquescence de l’Accord de cessez-le-feu à Gaza, où la situation des Palestiniens est plus qu’atroce avec infraction manifeste du droit international humanitaire, n’a-t-elle pas rallumé une nouvelle fissure du multilatéralisme de l’ONU et plus encore, l’invasion de l’Ukraine en 2022, n’est-elle pas une autre illustration de la déchéance du Conseil Onusien à assurer le maintien de la paix dans le monde et qui montre, d’une part la vulnérabilité du Conseil de Sécurité de l’ONU à être le parrain de l’ordre mondial et d’autre part, que la sécurité mondiale est l’apanage de quelques Etats persécuteurs ?
L’ONU continue malgré tout, de participer à de nombreuses initiatives humanitaires et de rétablissement de la paix dans des pays touchés par des conflits. Malgré un contexte géopolitique délicat, l’organisation devrait chercher des moyens de poursuivre et renforcer ces efforts. Ce n’est pas la première fois, dans l’après-guerre froide, que l’ONU traverse des périodes de doutes et de divisions. Des incertitudes similaires ont suivi les échecs des opérations de maintien de la paix dans les Balkans et au Rwanda dans les années 1990, ainsi que les débats sur la guerre en Irak.
Les corollaires de ce recoin sans égal s’observent et sont tangibles désormais aux quatre coins de la planète, où le chacun pour soi, à travers le leitmotiv de l’ego de la souveraineté nationale, semble l’emporter désormais sur l’altruisme. On s’en souvient, il y a 10 ans, alors que les 193 pays membres de l’Organisation des Nations Unies s’étaient collectivement engagés en 2015 à atteindre les 17 Objectifs de développement durable ODD, seules et minusculement 18 % des cibles allouées devraient être atteintes d’ici 2030, laissant des milliards de personnes de côté et une planète en péril.
Dans un pareil contexte séditieux et survolté, et face à une économie mondiale en forte reconfiguration géopolitique et géostratégique, l’Assemblée Générale des Nations Unies, inusuelle à bien des égards, qui solennisa à cette occasion ses 80 chandelles est expressément chargée pour l’institution Onusienne, à l’instar de la réforme en profondeur de l’ONU à l’initiative du Secrétaire Général, point d’étape de l’Agenda 2030 des Objectifs de développement durable ODD, 30ème du commémoratif de la Conférence sur les droits des femmes et le sommet de haut niveau sur le financement du développement…
En outre, l’assemblée est une occasion d’un débat général où sont pas moins de 103 chefs d’État et 46 chefs de gouvernement où si le thème officiel retenu cette année pour le débat général est intitulé « Mieux ensemble : plus de 80 ans au service de la paix, du développement et des droits humains », les sujets abordés débordent de toute évidence très largement du cadre imposé, à savoir la reconnaissance de l’État de Palestine par un nombre grandissant d’États sous l’impulsion de la France, les guerres en Ukraine et au Soudan, et le financement des Nations unies et de ses agences ou le terrorisme et l’extrémisme violent qui persistent et les nouvelles menaces qui apparaissent à mesure que l’intelligence artificielle sans garde-fous devient omniprésente, devançant la réglementation.
En sus, l’ONU est acculée et rencognée à une géopolitique mondiale atypique et des challenges environnementaux, à l’instar d’une planète qui brûle et l’illusion que différents problèmes ont été solutionnés avec le concours du multilatéralisme édifié postérieurement à la seconde guerre mondiale.
Aujourd’hui, il est irrécusable que le morcellement géopolitique et la recrudescence en force du nationalisme souverainiste, légitimés par le dessein du contre-balancement des rapports de force économiques et politiques au niveau cosmique, ne préjudicient-ils pas les acquis considérables que le multilatéralisme des Nations Unies avait permis d’atteindre durant les trente glorieuses ? C’est toute une nouvelle géopolitique et de nouvelles contraintes auxquelles est acculé l’organe Onusien d’António Guterres.
A l’heure où les défis planétaires se multiplient, à l’instar de la santé mondiale et de la transition énergétique et que les besoins sont grandissants, c’est l’ensemble du système onusien qui est mis à mal par une contraction budgétaire sans précédent, où en dépit de son coût modique (moins de 0,0032 % du PIB mondial en 2024), les Nations Unies font face à une crise de liquidités chronique en raison des arriérés de paiement de nombreux États membres au budget ordinaire et au premier rang desquels les États-Unis, la Chine et la Russie, n’avaient par exemple toujours pas honoré leur paiement pour l’année. A cet égard, l’ONU sera contrainte de faire plus et mieux avec moins, mais comment ?
La 80éme année de l’Assemblée Générale des Nations Unies ne doit-elle pas repenser les instruments financiers mondiaux au service du développement durable de l’humanité à travers un débat substantiel sur la refonte de l’ossature financière des Nations Unies en adoptant une approche multilatérale, engageant fondamentalement les économies, notamment en voie de développement qui sont trop souvent exclues dans le processus d’élaboration des règles du système financier international en garantissant l’intégration des financements climatiques et de la biodiversité dans une approche cohérente pour une transition écologique juste de la planète ?
Ce remodelage financier inéluctable ne doit-il pas assurer, plus singulièrement, la consolidation de la représentation légitime des pays en développement, notamment l’Afrique au sein des instances financières internationales, permettant d’avoir des solutions innovantes, solidaires et adaptées aux réalités des économies ?
Cette remise en question sera-t-elle l’occasion de reconvertir et réorienter ces obstacles en opportunités de dynamique économique et sociale et de prendre le contrôle complet de sa mission, de relancer la coopération internationale sur de nouveaux piliers en créant les conditions d’une gouvernance plus inclusive, d’une organisation plus efficace et adaptée aux défis géopolitiques, sociaux, sanitaires, économiques et climatiques du XXIème siècle ?
L’ONU ne saurait être pleinement efficace, que si le chantier de réforme de l’Organisation des Nations Unies répond aux aspirations des pays et dans un souci de concorde et d’harmonie pour les 80 années à venir ?
Gageons de bon augure, que la géopolitique internationale fumeuse, entre conflits en Ukraine/Russie et au Proche-Orient, exacerbée par des tensions diplomatiques croissantes ne compliquera toute forme de consensus sur des sujets sensibles comme la sécurité mondiale et les droits humains, les défis environnementaux et sociaux (le réchauffement climatique, l’augmentation des inégalités), ainsi que le multilatéralisme, déjà en porte à faux !!