En peu d’années, l’Initiative Al Moutmir est parvenue à établir une relation de confiance avec un nombre croissant d’agriculteurs, qui ont compris l’intérêt de l’adoption de nouvelles méthodes sur l’amélioration des rendements. Retour sur un partenariat novateur qui a convaincu des milliers de fellahs des bénéfices d’un itinéraire technique raisonné et durable, comparé à leurs pratiques habituelles.
Pour la petite histoire, l’Initiative Al Moutmir a été lancée en septembre 2018 par le Groupe OCP. Quatre ans plus tard, c’est au tour de l’UM6P et de son Collège de l’Agriculture de porter le flambeau, en vue d’ancrer davantage la démarche scientifique qui constitue l’essence de l’initiative. Concrètement, cela consiste en une offre multiservices comprenant des solutions innovantes et personnalisées pour mieux accompagner les agriculteurs et surtout les petits.
Grâce à l’adhésion et au volontarisme des agriculteurs, le programme a réussi à s’incruster dans l’univers hostile des champs, qui n’aime pas généralement les « intrus », ni les changements brusques. Aujourd’hui, ce sont plus de 30.000 fellahs qui ont rejoint les différentes offres de l’Initiative, à commencer par les analyses de sols.
Des offres sur-mesure
Conscient que celles-ci sont le premier pas pour une fertilisation raisonnée, l’UM6P mobilise ses moyens humains et techniques pour accompagner les agriculteurs et leur permettre d’effectuer ce diagnostic sur des bases scientifiques. Des laboratoires mobiles sillonnent le Maroc et effectuent gratuitement des analyses de sols.
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Aussi, Al Moutmir propose une offre de plateformes de démonstration (PFDs) dans différentes provinces du Royaume et couvrant plusieurs cultures (céréales, légumineuses, arboriculture et maraîchage). Les plateformes sont en effet un puissant outil de vulgarisation en matière de démonstration des recommandations scientifiques et d’innovations agricoles. Ce programme est mené en collaboration avec le ministère de l’Agriculture à travers ses représentations, notamment l’Office national du conseil agricole (ONCA) et les directions provinciales (DPA).
Enfin, il y a le programme de semis direct qui favorise une agriculture plus résiliente aux changements climatiques. Cette technique (zéro labour) est un système de production agricole qui consiste à réaliser un semis sans travail préalable du sol. Un des 3 piliers fondamentaux de l’agriculture de conservation, le semis direct permet la préservation du sol.
Pour mesurer l’impact réel de ces actions, l’Initiative Al Moutmir organise régulièrement son Open Innovation Lab. Lors de la 17ème édition, tenue vendredi 19 septembre 2025 au campus de l’UM6P à Benguérir, cette rencontre s’est transformée en une tribune pour débattre des défis de la valorisation agricole au Maroc, avec la prédominance de deux thématiques : changement climatique et semis direct.

Le changement climatique n’est plus une vue d’esprit
Les fellahs invités à prendre la parole ont corroboré les exposés scientifiques au sujet de l’acuité des dérèglements météorologiques, dans un pays où 80% du territoire est soit aride, soit semi-aride. Tout au long des dernières années, ils ont connu de première main l’impact de la sécheresse et des aléas climatiques sur les récoltes. Cette situation a amené plusieurs d’entre eux à adhérer à Al Moutmir, dont les équipes ne dissimulent pas leur satisfecit quant aux résultats obtenus. Un sentiment partagé par les fellahs, qui ont constaté les effets de la recherche sur la productivité et la rentabilité.
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A ce propos, les plateformes de démonstration, développées en partenariat avec la Fondation OCP, constituent un pilier majeur du dispositif. Véritables laboratoires à ciel ouvert, elles permettent de transférer la science et l’innovation directement sur le terrain, d’accompagner les agriculteurs dans l’adoption de bonnes pratiques et de mesurer concrètement l’impact des itinéraires techniques optimisés face aux défis climatiques. Depuis son lancement, le programme des PFDs a permis de mettre en place des milliers de plateformes à travers le Royaume, couvrant l’ensemble des cultures stratégiques, dont les céréales et les légumineuses.
Pour la campagne 2024/2025, 1.102 plateformes de démonstration ont concerné les céréales et légumineuses, réparties sur 24 provinces et plus de 120 communes. Ces plateformes s’étendent sur l’ensemble des bassins de production, reflétant la diversité agro-climatique du pays. Plus de 275 agriculteurs ont participé directement à ces plateformes, tandis que plus de 3.025 autres ont été touchés indirectement à travers les écoles aux champs, les sessions de formation théorique, ainsi que les outils numériques et réseaux sociaux via @tmar.
Malgré la sévérité des conditions climatiques, les PFDs ont permis d’améliorer la productivité par rapport aux pratiques locales. Pour les céréales, elles ont permis une amélioration des rendements comprise entre +21 % et +23 % par rapport aux témoins. Les zones irriguées et Bour favorable supérieur ont enregistré les performances les plus élevées, alors que les zones défavorables sont restées limitées par le stress hydrique.
Concernant les légumineuses, les PFDs ont permis une amélioration des rendements comprise entre +26 % et +33 % par rapport aux témoins. Les résultats les plus prometteurs sont enregistrés dans les zones irriguées et de montagne, bénéficiant à la fois de pluies tardives et de meilleures conditions de gestion.
Une solution d’avenir ?
Parmi ces plateformes, plus de 600 PFDs sont dédiées au semis direct. Les données d’Al Moutmir montrent qu’en moyenne, le semis direct a permis une amélioration d’environ 20 % par rapport au semis conventionnel, confirmant son rôle stratégique pour une agriculture durable et adaptée aux contraintes climatiques.
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Le semis direct est un système de production basé sur l’élimination de tous les travaux de préparation des sols avant le semis. De ce fait, l’installation des cultures est réalisée en un seul passage pendant lequel l’engrais de fond et la semence sont déposés à la profondeur désirée à l’aide d’un semoir de semis direct.
Ainsi, la productivité de l’eau, du sol et des intrants est meilleure avec moins de consommation en intrants : carburant, machines agricoles, temps de travail, engrais et semences puisque chaque intrant est optimisé, par le dépôt au bon moment et au bon endroit selon les conditions pédoclimatiques.
Au titre de la campagne agricole 2024/2025, le programme national de semis direct a visé une superficie de 260.000 ha, dans l’objectif d’atteindre 1 million d’hectares à l’horizon 2030. Le ministère de l’Agriculture met quelque 200 semoirs à la disposition des coopératives agricoles, tout en renforçant la sensibilisation et l’accompagnement des agriculteurs pour adopter cette technique.
Il semble qu’il existe une volonté collective d’aller vers sa généralisation. Il y a quelques années seulement, le nombre des semoirs se comptait sur le bout des doigts. L’autorité de tutelle a déployé des efforts non négligeables pour surmonter cet obstacle. Selon toute vraisemblance, elle est décidée à fédérer l’ensemble des acteurs, dont Al Moutmir, pour atteindre l’objectif du million d’hectares.