Dans un Maroc en pleine urbanisation, la mobilité est devenue l’un des plus grands défis économiques et sociaux. Face à des réseaux saturés et souvent inadaptés aux besoins des citoyens, des startups locales inventent de nouveaux modèles. Parmi elles, Enakl s’impose comme un acteur clé, en conjuguant technologie, inclusion et durabilité pour réinventer les déplacements quotidiens à Casablanca.
Dans une métropole bouillonnante comme Casablanca, se déplacer peut rapidement devenir un parcours du combattant. Pour des milliers d’habitants, les trajets quotidiens ressemblent à une course d’endurance : taxis collectifs bondés, correspondances multiples, horaires incertains et parfois plus de trois heures passées sur la route.
C’est à ce défi que s’attaque Enakl, une jeune pousse marocaine qui a décidé de mettre l’innovation technologique au service de la mobilité collective. Son ambition ? Désenclaver les quartiers isolés, fluidifier les trajets et offrir une alternative moderne, sécurisée et inclusive aux citoyens.
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« Notre point de départ est un constat simple : dans une ville comme Casablanca, beaucoup de citoyens doivent combiner plusieurs moyens de transport pour se rendre au travail, avec des trajets qui dépassent souvent trois heures par jour. Les transports existants sont soit trop informels, soit trop rigides, soit trop coûteux. Avec Enakl, nous avons voulu créer une alternative moderne, fiable et inclusive », explique Samir Bennani, co-fondateur et PDG de l’entreprise.
Concrètement, Enakl propose un système de bus partagés intelligents, réservables via une application mobile. Grâce à un algorithme de planification en temps réel, les trajets sont optimisés, les correspondances réduites, et la sécurité renforcée (en particulier pour les femmes).
« Prenons l’exemple d’une habitante d’un quartier périphérique qui doit rejoindre une zone industrielle. Avant, elle devait prendre un taxi collectif, marcher, puis un bus, avec des horaires incertains et un risque d’insécurité. Avec Enakl, elle réserve son trajet via l’application, monte dans un véhicule à proximité, suivie en temps réel, avec un chauffeur identifié. Elle gagne en sérénité, en sécurité, et surtout en confort et en temps. Plus largement, la mutualisation des trajets permet à chacun de voyager dans de meilleures conditions, tout en désengorgeant les routes de la ville», explique l’expert.
Une reconnaissance institutionnelle
Cette vision a valu à Enakl d’être sélectionnée dans le cadre du concours de la mobilité numérique organisé par la région Casablanca-Settat et l’Agence française de développement. Le projet bénéficiera d’un financement de 50 000 euros et de l’accompagnement de l’association française Cap Info pour accélérer son déploiement.
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Ce soutien s’ajoute à une première levée de fonds de 1,4 million de dollars réalisée l’an dernier, qui avait déjà permis à la startup de perfectionner ses solutions de transport collectif intelligent et de préparer son extension vers d’autres villes marocaines et africaines.
Pour Samir Bennani, chaque avancée rapproche Enakl de sa vision : une mobilité durable et connectée pour tous. «Nous voulons montrer qu’un transport collectif peut être moderne, sûr et attractif. Enakl n’est pas seulement une réponse à un besoin urgent à Casablanca, mais un modèle que nous espérons répliquer dans d’autres grandes métropoles africaines ».
Dans une ville où la mobilité est souvent synonyme de contrainte, Enakl offre une promesse nouvelle : transformer les trajets quotidiens en expériences plus simples, plus sûres et plus humaines.

3 questions // Samir Bennani,co-fondateur et PDG d’Enakl
«Notre ambition est de rendre le transport collectif moderne, sûr et attractif»
Challenge : Quels sont les principaux défis auxquels vous êtes confrontés pour connecter les quartiers les plus isolés ?
Samir Bennani : Le premier défi est réglementaire : il s’agit de travailler avec les municipalités pour obtenir les autorisations, aligner les subventions et organiser la complémentarité avec les transports publics. Le deuxième défi est opérationnel : recruter, former et fidéliser des chauffeurs de qualité, et s’assurer de la disponibilité des véhicules. Enfin, il y a un défi culturel : redonner une place de premier choix au transport collectif, dont l’image a été abîmée ces dernières décennies, et montrer qu’il peut être moderne, sûr et attractif.
Challenge : Comment envisagez-vous l’extension de cette initiative à d’autres villes marocaines et africaines ?
Nous avons conçu un modèle technologique et opérationnel qui est modulaire et réplicable. Après Casablanca, nous visons une extension vers d’autres villes marocaines, puis vers de grandes métropoles africaines comme Dakar, Abidjan ou Tunis, qui connaissent les mêmes défis : urbanisation rapide, transports publics insuffisants et besoin d’inclusion sociale. Notre modèle est pensé pour s’adapter à tous les environnements où les besoins de mobilité collective ne sont pas satisfaits.
Challenge : Au-delà du financement, quels partenariats ou soutiens vous semblent essentiels pour réussir ce projet et toucher le maximum de citoyens ?
Nous croyons à un modèle public-privé. Les soutiens essentiels sont d’abord ceux des municipalités, qui peuvent intégrer Enakl comme une brique complémentaire aux transports existants, et parfois co-financer les trajets pour les zones défavorisées. Ensuite, les entreprises, qui jouent un rôle clé en subventionnant les trajets de leurs employés. Enfin, les organismes financiers, qui nous accompagnent pour financer la flotte et soutenir les chauffeurs dans l’acquisition ou le renouvellement de leurs véhicules. C’est cette alliance entre secteur public, entreprises et acteurs financiers qui garantit un impact à grande échelle.