La 58e Assemblée Générale de l’Organisation des Compagnies Aériennes Arabes (AACO) s’est tenue le 4 novembre dernier à Rabat, à l’invitation de Abdelhamid Addou, PDG de Royal Air Maroc. Un événement qui a réuni plus de 300 décideurs du transport aérien arabe et international. Dans un secteur aérien en phase de relance post-pandémique, les débats ont porté sur les performances record du secteur, les défis environnementaux, les tensions logistiques et les stratégies pour une croissance durable.
Dès l’ouverture des travaux, Abdelhamid Addou a insisté sur l’importance de construire un écosystème aérien arabe à la fois résilient, responsable et compétitif, apte à s’adapter aux mutations du secteur et à répondre aux attentes croissantes des citoyens. Il a également salué le rôle structurant de l’AACO dans la défense des intérêts partagés, la promotion des standards de sûreté et de durabilité, ainsi que dans le renforcement du capital humain, considéré comme un levier essentiel de performance.
Dans le prolongement de cette vision, le rapport annuel présenté par le Secrétaire général de l’AACO, Abdul Wahab Teffaha, a mis en évidence une dynamique particulièrement vigoureuse du transport aérien arabe. Dès 2024, le secteur aérien arabe a non seulement retrouvé ses niveaux d’avant-crise, mais les a nettement dépassés, affichant des performances historiques qui attestent de sa reprise complète. Cette dynamique se reflète notamment dans le volume du trafic passagers, qui, selon les chiffres dévoilés par le Secrétaire général de l’AACO, a atteint 372 millions de voyageurs sur l’année, soit une hausse de 10,5 % par rapport à 2023, tandis que les aéroports arabes ont accueilli 463,3 millions de voyageurs, en progression de 11,4 %.
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Le fret aérien a également connu une croissance significative de 13 %, malgré les tensions géopolitiques et logistiques. La flotte des compagnies membres de l’AACO comptait 1 665 avions, dont 87 % en service, témoignant d’un taux d’exploitation élevé. Sur le plan financier, les résultats sont tout aussi remarquables; en effet, les compagnies arabes ont généré 91,6 milliards USD de revenus, pour 9,8 milliards USD de bénéfices nets, confirmant leur compétitivité et leur discipline opérationnelle dans un contexte mondial encore instable.
Les perspectives pour 2025 viennent conforter cette dynamique ascendante du transport aérien. À l’échelle mondiale, la croissance du trafic passagers est estimée à 5,8 %, avec un taux de remplissage attendu de 83,9 %, traduisant une reprise soutenue de la demande. Dans ce contexte, les compagnies arabes devraient maintenir une marge opérationnelle de 11,2 %, l’une des plus élevées au monde, confirmant leur position stratégique et leur capacité à conjuguer performance économique, résilience et compétitivité dans un environnement en constante évolution.
Toutefois, en dépit de ces signaux positifs, le secteur reste confronté à plusieurs contraintes structurelles qui ralentissent sa progression et rendent plus complexe la mise en œuvre de ses trajectoires de développement. Selon l’Association du transport aérien international (IATA), les perturbations persistantes dans les chaînes d’approvisionnement continueront d’affecter les performances des compagnies aériennes au moins jusqu’à la fin de l’année.
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En 2024, 12 % des avions commandés n’ont pas été livrés, ralentissant le renouvellement des flottes et prolongeant l’exploitation d’appareils vieillissants. Cette situation entraîne une hausse de la consommation de carburant, des coûts de maintenance et un impact environnemental accru, mettant sous pression les équilibres opérationnels.
À cela s’ajoutent les contraintes liées aux engagements climatiques. Le respect des objectifs du programme CORSIA de l’OACI devient stratégique, mais les progrès restent limités. Selon les spécialistes du secteur, seules 182 000 tonnes de carburants durables (SAF) ont été certifiées en 2024, alors que les besoins pour 2025 dépassent les 38 millions de tonnes. Ce déficit pourrait obliger les compagnies à compenser jusqu’à 103 millions de tonnes de CO2, à des coûts très variables : environ 950 dollars par tonne via le SAF, contre 25 dollars par tonne via les crédits carbone. Une disparité qui soulève des inquiétudes quant à la viabilité économique des trajectoires de décarbonation.
Par ailleurs, les divergences entre les normes européennes et celles de l’OACI aggravent les risques de double pénalisation. Les compagnies opérant sur le marché européen pourraient être contraintes de payer deux fois pour une même réduction d’émissions, générant un surcoût estimé entre 112 et 465 millions de dollars pour les transporteurs arabes. Selon l’AACO, ces contraintes cumulées pourraient faire grimper les coûts globaux du secteur de 8,8 % d’ici 2030 et de 12,9 % à l’horizon 2035, avec des répercussions directes sur l’emploi, la compétitivité et la contribution du transport aérien au PIB régional.
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Face à ces enjeux, Abdul Wahab Teffaha, a notamment appelé à une répartition équitable des responsabilités entre les États, les constructeurs aéronautiques, les énergéticiens et les compagnies aériennes, afin de garantir une transition durable et économiquement soutenable.
Aussi, dans le prolongement des discussions, l’Assemblée a adopté une résolution ambitieuse en faveur de la durabilité, réaffirmant l’objectif de neutralité carbone d’ici 2050. Ce texte soutient le mécanisme CORSIA comme cadre mondial unique pour les émissions internationales, appelle à accélérer la certification des carburants à faible émission de carbone (LCAF, SAF, eSAF), et encourage les gouvernements arabes à faciliter l’accès aux crédits carbone tout en développant une production régionale. Il met également en garde contre les taxes unilatérales, jugées inefficaces et pénalisantes pour les passagers.
Pour accompagner ses membres dans cette transformation, l’AACO a lancé plusieurs initiatives concrètes, à savoir le programme ECO-EON, développé avec SITA, pour optimiser les opérations et réduire les coûts environnementaux ; le déploiement de solutions numériques pour améliorer la gestion des vols et l’expérience passager ; et la création d’un groupe de travail dédié à la transformation digitale, visant la dématérialisation complète des processus opérationnels.
Le Comité exécutif de l’AACO renouvelé
Lors de la session à huis clos, les membres ont procédé à l’élection du nouveau Comité exécutif de l’Association, appelé à siéger pour un mandat de trois ans. Ce comité se compose de personnalités dirigeantes représentant neuf compagnies aériennes arabes. Ont ainsi été élus : Abdelhamid Addou (Royal Air Maroc), Antonoaldo Neves (Etihad Airways), Mohamad A. El-Hout (Middle East Airlines), Capt. Ahmed Adel (EgyptAir Holding), Ing. Badr Mohammed Al-Meer (Qatar Airways), Samih Ourabi (Syrian Airlines), S.E. Ing. Ibrahim A. Al-Omar (Saudia), Halima Khouaja (Tunisair), et Bander Almohanna (flynas).
Royal Air Maroc : cap sur la croissance et la modernisation
Lors du point de presse clôturant la 58e Assemblée Générale de l’AACO à Rabat, M. Abdelhamid Addou, PDG de Royal Air Maroc, a annoncé une croissance significative de la compagnie, encourageant la poursuite des investissements, notamment dans le renouvellement de la flotte. Dans ce cadre, RAM prévoit d’acquérir ou de louer entre 12 et 15 avions par an, via un appel d’offres impliquant Boeing, Airbus et Embraer. Cette stratégie vise à accompagner l’expansion de la compagnie, malgré les tensions persistantes sur la chaîne d’approvisionnement, dont les effets commencent à s’atténuer. Optimiste, M. Addou a souligné l’adaptation continue de RAM aux besoins du marché international. Côté financement, plusieurs options sont à l’étude : crédits bancaires, incitations fiscales et fonds marocains. Enfin, RAM poursuit l’élargissement de son réseau, avec le renforcement des lignes vers Miami, Dubaï et Washington, l’extension en Afrique de l’Est et de l’Ouest, et une ambition affirmée en Amérique latine et au Moyen-Orient.