En Europe, dans certains pays, les propriétaires de maisons préfèrent louer sur des courtes durées et faire beaucoup de gain. En France, en Italie, en Espagne, se loger est un luxe. Au Maroc, à la veille de la CAN-2025 et à l’horizon de la Coupe du Monde 2030, certaines voix appellent à ce que l’Etat permette la location des particuliers…
La crise du logement dans le Vieux continent a pris une dimension sévère. Dans plusieurs grandes villes européennes et même occidentales, la plateforme Airbnb est à la base de l’amplification de la crise du logement. Fondée en 2008, la plateforme de réservations s’est développée sur une idée simple : puisque le marché hôtelier est saturé dans certains lieux et inexistant dans d’autres, utilisons les chambres et logements laissés vacants par leurs propriétaires.
La formule Airbnb est désormais présente dans plus de 220 pays et plus de 100 000 villes. Avec la prolifération de l’offre et surtout les enjeux de rente que cela représente pour les heureux propriétaires, dans plusieurs villes il est difficile de se loger aujourd’hui dans les villes européennes. A Barcelone (Espagne), où des manifestations ont éclaté dès 2014 contre le surtourisme, les locaux sont poussés à vivre en périphérie. En Italie, 1.000 à 1.500 Vénitiens seraient contraints chaque année de quitter leur ville pour s’installer sur la terre ferme. Récemment, en réponse, l’Europe a décidé de rentrer en guerre contre la plateforme.
Des pénuries qui agacent
Pour remédier à la pénurie de l’offre locative de longue durée, Barcelone a ainsi décidé d’interdire la location de 10 000 logements sur Airbnb d’ici 2029. A Londres, les locations Airbnb sont limitées à 90 nuitées par an pour les logements entiers, situés dans la capitale et dans sa proche périphérie. En Italie, alors que les villes de Rome, Florence et Milan limitent les locations de type Airbnb dans leurs centres historiques, le gouvernement, lui, souhaite légiférer au niveau national pour réglementer les locations touristiques à court terme.
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Un projet de loi a ainsi été publié l’an dernier et impose une durée minimale de deux nuitées dans les villes à haute densité touristique et un code d’identification national pour les différents types d’établissements d’hébergement de courte durée. Ces décisions ont été prises à la lumière de conséquences réelles : selon la commission européenne le sans-abrisme a considérablement augmenté dans toute l’Europe au cours de la dernière décennie.
Maroc: comment prévenir la crise ?
Ces dernières années, le Maroc a fait du tourisme un levier de son économie ; et surtout à la veille du mondial 2030, les ambitions dans ce secteur sont grandes. En chiffres, le Maroc compte accueillir 26 millions de touristes prévus d’ici 2030. Bien qu’étant louable pour l’économie, la stratégie du “tout touristique” peut provoquer à l’avenir une véritable crise du logement.
Car, comme en Europe, une grande partie de l’activité sera captée par les plateformes comme Airbnb ou encore les propriétaires de locations alternatives s’adonneront à des pratiques spéculatives. Il faut d’ailleurs rappeler que pour le moment les Airbnb se pratiquent par seulement une petite niche. Niche d’ailleurs qui est sous l’œil vigilant des autorités.
Même si pour l’heure les autorités au travers du fisc ont les yeux sur ce secteur, il doit cependant avoir une régulation spécifique à la lumière des externalités négatives qui peuvent découler de l’activité. Selon les données de la plateforme au Maroc, les Marocains louant leurs biens via Airbnb touchent en moyenne 1.200 dollars par an.
« Airbnb est une formule qui arrange tout le monde, lorsqu’elle est encadrée. Ce n’est pas parce que les hôteliers disent que c’est une concurrence déloyale que cela est vrai. Chacun a sa clientèle. Ce qui manque comme je l’ai dit plus haut c’est l’encadré juridique qui régit l’activité », explique Amal Karioun, président de la Fédération nationale des agences de voyages.
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Et d’ajouter: «Pour répondre directement à la question : Oui, l’État doit encadrer cette offre et sévir avec les personnes qui ne respectent pas la législation. Mais attention, il ne faut pas que nous tombions dans la situation inverse et que nous favorisions du surtourisme ».
De son côté, l’expert en politique touristique Zoubir Bouhoute estime qu’au Maroc, la niche de la location alternative est très minime. « Au Maroc, même si on a près de 4000 hôtels devant 13000 logements particuliers, le rapport entre les deux offres est assez distant. L’offre hôtelière cumule près de 150.000 chambres. Ceci étant, je pense que le Maroc doit opter pour l’action d’ouverture et de contrôle. Je rappelle que la loi sur les locations alternatives est en cours de traitement ».
Surtourisme : des externalités négatifs ?
Le Maroc a fait du tourisme l’un des piliers de son développement économique. À l’approche du Mondial, les ambitions sont immenses, avec l’objectif de renforcer son attractivité et de se positionner parmi les destinations les plus courues. Mais cette dynamique soulève une interrogation majeure : la stratégie du “tout-touristique” est-elle durable ou peut-elle, à terme, engendrer des déséquilibres sociaux et économiques ?
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Car si le tourisme est une manne vitale pour bien des pays, il suscite aussi de fortes contestations dans les villes où l’afflux de visiteurs transforme profondément le quotidien des habitants. En Europe, le phénomène du surtourisme — ou tourisme de masse — est devenu source de tensions. En Italie par exemple, des voix dénoncent une pression insoutenable sur les grandes cités, où la vie locale s’efface peu à peu devant les impératifs de l’industrie touristique. Des tribunes rappellent que si les voyageurs soutiennent l’économie, la multiplication des séjours perturbe les équilibres urbains et fragilise la cohésion des territoires.
La question du logement illustre parfaitement ce basculement. Dans de nombreuses villes européennes, la prolifération des locations de courte durée via des plateformes numériques a réduit l’offre résidentielle, chassant les habitants vers les périphéries. Certaines municipalités ont fini par réagir en limitant ces pratiques, allant jusqu’à interdire ou restreindre la mise en location touristique de milliers de logements dans leurs centres historiques. D’autres ont adopté des mesures de régulation strictes, imposant des plafonds ou des règles spécifiques pour les locations de courte durée. Ces décisions découlent d’un constat alarmant : l’essor du tourisme de masse contribue à accentuer la pénurie de logements et alimente des situations de précarité croissante dans plusieurs grandes villes européennes.