Il y a des décisions politiques qui disent plus qu’elles n’annoncent. Le gel des dépenses de communication de l’État en France en fait partie. Présentée comme un acte de rigueur, elle trahit en réalité une vision appauvrie du rôle de la communication publique : la réduire à une ligne budgétaire, accessoire, dont on se débarrasse quand les finances vacillent.
Mais la communication n’est pas une dépense secondaire. C’est un capital politique. C’est l’infrastructure immatérielle qui permet à un État de faire comprendre ses choix, d’expliquer ses réformes, de mobiliser ses citoyens, de rassurer ses investisseurs. À l’heure où la défiance mine la démocratie, considérer la communication comme une charge superflue est un contresens majeur.
Une économie dérisoire, une perte symbolique colossale
Économiser cinquante millions d’euros, quand le déficit se chiffre en centaines de milliards, c’est manier l’illusion comptable. Ce que la France gagne en apparence de rigueur, elle le perd en substance politique : en clarté, en pédagogie, en confiance. Car un État qui se tait, ou qui choisit de ne parler que par intermittence, devient un État fragile, livré aux interprétations adverses, aux rumeurs, aux simplifications populistes.
Le Maroc doit emprunter la voie inverse
Pour le Maroc, la leçon est limpide : nous ne devons pas céder à cette tentation de mesures faciles, qui flattent l’opinion à court terme mais affaiblissent la puissance publique à long terme. La communication n’est pas un luxe. Elle est une arme d’influence, un levier de souveraineté, un facteur de cohésion. Dans un monde où les narratifs façonnent les alliances et orientent les flux économiques, c’est par la communication que l’on gagne la bataille des perceptions — donc la bataille du développement.
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Le Maroc, sous l’impulsion visionnaire de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, a entrepris de vastes réformes structurelles. Ces réformes doivent être comprises, partagées, incarnées. Sans communication, elles demeurent des chantiers techniques. Avec la communication, elles deviennent des projets de société, porteurs de confiance et de projection internationale.
Le vrai enjeu : sanctuariser la communication publique
Ne nous trompons pas de combat. Ce n’est pas la communication qui coûte, c’est la mauvaise communication. Ce n’est pas la dépense qui est problématique, c’est son mésusage. Plutôt que de couper dans ce domaine, il faut le sanctuariser. Exiger plus de pertinence, plus de transparence, plus d’efficacité, oui. Mais priver l’État de sa voix, c’est l’exposer au vacarme des autres.
La décision française illustre une tentation dangereuse : faire de la communication un fusible budgétaire et un symbole commode. Le Maroc ne doit pas s’y tromper. Notre avenir dépendra de notre capacité à construire, expliquer et partager un récit collectif. Dans l’économie de l’attention mondiale, la communication n’est pas un coût. C’est une puissance.
* Amr Abbadi, Spécialiste de la Communication institutionnelle et Corporate