Le phénomène des NEETs, jeunes âgés de 15 à 29 ans sans emploi, sans études ni formation, constitue aujourd’hui un indicateur clé de la vulnérabilité sociale et économique des nouvelles générations. Leur intégration est au cœur des Objectifs de développement durable (ODD), notamment ceux relatifs à l’éducation de qualité et à l’emploi décent.
Les NEETs ne forment pas un bloc homogène. Ils regroupent des jeunes aux parcours très variés, souvent issus de milieux défavorisés. Le faible niveau de scolarité reste le principal facteur de risque : 85 % n’ont pas accédé à l’enseignement supérieur, et plus d’un tiers n’ont pas terminé le secondaire. Pourtant, la proportion de diplômés parmi eux a augmenté depuis la crise financière de 2007, signe d’un décalage entre les formations disponibles et le marché du travail.
Les jeunes femmes sont particulièrement touchées, avec un écart moyen de cinq points par rapport aux hommes dans les pays de l’OCDE. Leur situation s’explique par la charge domestique, les grossesses précoces et la difficulté à concilier vie familiale et emploi. Les NEETs déclarent aussi davantage de problèmes de santé, d’isolement social et de monoparentalité.
Une inactivité qui pèse lourd sur les économies
Les conséquences économiques du phénomène sont considérables : dans l’Union européenne, la perte liée aux NEETs représente jusqu’à 2 % du PIB dans les pays les plus touchés. L’inactivité prolongée favorise la déqualification, l’exclusion sociale et la reproduction de la pauvreté. Les jeunes concernés risquent de rester durablement en marge du système productif, avec des effets de « cicatrisation » durables sur leurs trajectoires professionnelles et personnelles.
Une distinction majeure s’impose entre NEETs au chômage — activement en recherche d’emploi — et NEETs inactifs, qui ne cherchent plus à travailler. Ces derniers représentent près de 60 % du total, rendant leur réintégration particulièrement complexe. Ils incluent notamment les jeunes parents isolés, les personnes souffrant de problèmes de santé ou les travailleurs découragés.
Disparités régionales marquées
En Europe, la montée du chômage après la crise de 2008 explique la hausse des taux de NEET, notamment en Grèce et en Espagne, où ils ont dépassé respectivement 28 % et 20 % en 2012. Dans d’autres régions, c’est l’inactivité qui domine : Turquie (35 %), Israël (28 %), Mexique (23 %) ou Corée du Sud (19 %). Dans ces pays, plus de quatre NEETs sur cinq ne cherchent pas d’emploi.
L’exemple de la République de Moldova illustre la complexité du phénomène : 28 % des jeunes de 15 à 29 ans y étaient NEETs en 2017, un taux presque deux fois supérieur à la moyenne européenne. Les femmes y sont les plus concernées, souvent en raison des responsabilités familiales ou du projet d’émigration.
Le cas du Maroc et des pays afro-arabes
Bien que les données sur les NEETs afro-arabes soient encore limitées, les tendances régionales suggèrent une forte corrélation entre inactivité, poids des rôles sociaux traditionnels et absence d’opportunités d’emploi. Le Maroc, à l’instar d’autres pays du Sud, est appelé à développer des politiques adaptées pour prévenir cette exclusion silencieuse, qui compromet à la fois la croissance économique et la cohésion sociale.
Face à l’hétérogénéité des NEETs, aucune solution unique ne peut être appliquée. Les politiques publiques doivent combiner prévention, accompagnement personnalisé et formation continue. Quatre leviers apparaissent essentiels :
– Renforcer les compétences, tant techniques que comportementales, pour améliorer l’employabilité et la stabilité émotionnelle.
– Identifier précocement les jeunes à risque, via les réseaux scolaires et sociaux, afin d’agir avant la rupture.
– Proposer des programmes intensifs, tels que le mentorat, les « écoles de la deuxième chance » ou les dispositifs d’insertion basés sur la motivation et l’estime de soi.
– Mettre en œuvre des « Garanties Jeunesse », offrant à chaque jeune une solution d’emploi, de stage ou de formation dans les mois suivant la fin de ses études.
– Un impératif de société
Réduire le nombre de NEETs n’est pas seulement une question de politique de l’emploi : c’est un enjeu de justice sociale et de durabilité. L’absence de NEETs constitue même une condition préalable à la réalisation des ODD. La réussite passe par une mobilisation coordonnée entre acteurs publics, entreprises et société civile pour offrir à chaque jeune une perspective réelle d’avenir.