Mostafa Terrab: « Le capital humain est la clé de la souveraineté économique du Maroc »

Dans un entretien exclusif accordé au journal Le Matin, Mostafa Terrab, président-directeur général du Groupe OCP, revient sur les clés du succès du géant du phosphate : vision stratégique, ancrage africain, investissements dans la recherche, l’éducation et la diversification, avec un axe central : le capital humain.
Une mission stratégique au service du Maroc, de l’Afrique et du monde
Dans les colonnes du quotidien Le Matin, Mostafa Terrab rappelle que la mission du Groupe OCP se résume par l’expression « Bring phosphorus to life ». Une devise qui illustre à la fois l’importance du phosphore dans la sécurité alimentaire mondiale et l’engagement d’OCP à « donner toute sa valeur au phosphate marocain ».
Pour Terrab, ce double ancrage, local et global, est fondamental :« Nous nous engageons à faire ce qu’on peut de mieux avec ces phosphates. De leur donner toute la vie qu’ils méritent. »
« L’Afrique, c’est notre chez-nous »
À la tête du leader mondial des phosphates, Mostafa Terrab défend une vision profondément panafricaine. Il refuse de considérer l’Afrique comme un marché extérieur: « L’Afrique, ce n’est pas un marché, c’est notre continent, notre ‘chez-nous’. »
« Dans l’esprit impulsé par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, nous agissons en Afrique comme nous le faisons au Maroc. C’est un regard africain sur l’Afrique ! L’état d’esprit avec lequel nous travaillons en Afrique c’est le « chez soi », comme l’avait si bien dit Sa Majesté lors de la réintégration du Maroc au sein de l’Union africaine : « Qu’il est beau le retour chez soi, dans sa famille».
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Inspiré par la vision royale, il insiste sur le rôle moteur qu’OCP doit jouer pour combler le retard agricole du continent : « L’Afrique est le continent qui consomme le moins d’engrais, bien en-deçà de ses besoins. Notre mission est d’accélérer ce rattrapage. »
L’éducation et la recherche, piliers de la compétitivité
Terrab ne le cache pas : le savoir est la clé de toute durabilité industrielle. Pour lui, « On ne peut pas avoir une industrie durable et compétitive sans investir massivement dans le savoir et l’innovation. »
L’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P), créée par OCP, incarne cette ambition. Elle agit comme bras armé de la R&D du Groupe, tout en étant un levier d’inclusion continentale : « Très vite, nous avons ouvert l’université à des étudiants marocains et africains venus de tous horizons. »
OCP, moteur de l’écosystème économique marocain
Interrogé par Le Matin sur les choix de financement du Groupe, le PDG insiste sur l’ancrage national d’OCP, qui n’est pas privatisable.
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« Nous avons fait le choix stratégique de mobiliser un financement solide via notre système bancaire. » Il rend hommage au rôle des banques marocaines, qu’il qualifie d’acteurs « patriotes » :
« Certaines ont même souscrit à nos émissions internationales. C’est un acte de confiance et de patriotisme économique. »
La « Niya », comme boussole de gouvernance
Précurseur du concept de « Niya », Mostafa Terrab y voit bien plus qu’un mot à la mode : « La Niya commence par la conviction que la sincérité de l’intention est une force, non une naïveté. »
Cette philosophie irrigue toute la gouvernance d’OCP, de ses relations avec les partenaires à la structuration de son écosystème industriel. Une conférence dédiée à cet écosystème est prévue d’ici la fin de l’année, accompagnée de la création de fonds d’investissement innovants.
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Investir dans l’humain : priorité stratégique
Mostafa Terrab se souvient d’un moment fondateur : « Un conducteur de bulldozer m’a dit : ‘Monsieur, si vous suivez ceux qui ne parlent que du gisement, on ira droit à la catastrophe. Le vrai gisement, ce sont les ressources humaines.’ »
Depuis son arrivée à la tête du Groupe, il a orchestré un vaste plan de rajeunissement : « Nous avons intégré entre 5.000 et 6.000 jeunes talents. L’âge moyen est passé à 35 ans. »
Une transformation qui, selon lui, fait aujourd’hui la fierté du groupe et… la jalousie de ses concurrents internationaux.
Sport, éducation et développement humain : une approche intégrée
Avec la Coupe du monde 2030 en ligne de mire, OCP entend jouer un rôle actif. Non pas en construisant des stades, mais en formant les talents. « Ce qu’OCP peut offrir de plus proche de son ADN, c’est l’investissement dans les ressources humaines. »
Le Groupe a ainsi lancé, via l’UM6P, la structure EVO Sport en partenariat avec la FRMF, et a créé un fonds dédié à la formation des joueurs et entraîneurs.
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Cap sur 2050 : diversification, autonomie et souveraineté
L’avenir d’OCP se conjugue au pluriel. Terrab voit loin : « En 2050, notre mission sera toujours de donner au phosphate marocain la place qu’il mérite, mais dans un contexte où nous aurons sécurisé nos ressources essentielles. »
Cette vision explique la diversification vers l’eau, l’énergie, et les dérivés du phosphate. Des choix guidés par la nécessité d’indépendance stratégique, face aux défis climatiques et énergétiques.
Un mot de la fin ? Le capital humain, encore et toujours
Dans une conclusion forte, Mostafa Terrab revient à l’essentiel : « Le message le plus important est simple : la plus grande richesse du Maroc, ce sont ses femmes et ses hommes. Tout part du capital humain, et tout y revient. »