Dispositifs médicaux : le groupe Vicenne fait un saut qualitatif

Le groupe Vicenne a obtenu le visa de l’Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC) pour son introduction à la Bourse de Casablanca, par augmentation de capital réservée au public. Créé en 2004 sous le nom de Best Health, le groupe prépare une nouvelle croissance. Décryptage.
Créé en 2004 sous le nom de Best Health, le groupe Vicenne vient de faire son entrée en bourse. L’entreprise entend lever environ 500 millions de dirhams (54,5 millions $) par émission de 2 118 644 actions à un prix de souscription par action de 236 dirhams, dont 50 dirhams à titre de nominal et 186 dirhams à titre de prime d’émission. La période de souscription s’ouvrira le lundi 30 juin 2025 et sera clôturée le vendredi 4 juillet 2025. Selon la documentation du groupe que nous avons consultée, l’opération vise à financer la croissance et le développement de Vicenne, notamment dans les équipements et solutions technologiques pour la santé. Elle lui permettra également de renforcer son positionnement sur ses activités existantes au Maroc et en Afrique, de développer de nouveaux produits et métiers complémentaires, de soutenir sa croissance externe et son internationalisation. Le Groupe prévoit également d’élargir son portefeuille de produits et services, et de se positionner sur de nouveaux métiers à forte complémentarité avec ses activités existantes. Le Groupe prévoit aussi de poursuivre sa stratégie « Buy & Build », consistant à acquérir de nouvelles sociétés à fort potentiel, proposant des produits et services complémentaires à l’offre du Groupe, et de les intégrer en maximisant les synergies intragroupes. « Cette démarche a pour objectif de renforcer la position de Vicenne sur certains segments et d’en développer de nouveaux. À noter que sur les cinq dernières années, le Groupe a réalisé 3 opérations M&A, dont l’acquisition en deux temps de 100 % du capital de Mabiotech (société spécialisée dans la distribution d’équipements et de réactifs de laboratoires), ainsi que 75 % du capital de Saiss Environnement, société opérant dans la gestion des déchets médicaux », explique Vicenne. Rappelons d’ailleurs qu’en 2022, il a acquis 75 % du capital de Saiss Environnement, spécialisé dans la gestion et le traitement des déchets d’activités de soins à risques infectieux. Disposant d’un portefeuille de produits et de services large et diversifié (+25 000 références dans les équipements médicaux et +185 000 dans les dispositifs médicaux), il affirme avoir servi plus de 1 800 clients actifs au cours des trois derniers exercices.
Aujourd’hui, le groupe compte lancer un gros plan d’investissement de près de 700 millions de dirhams visant à aller vers des projets de croissance externe. Notons qu’entre 2022 et 2024, le chiffre d’affaires du groupe est passé de 582 à 837 MDH, soit un TCAM proche de 20 %. Le groupe annonce également une croissance moyenne annuelle de 11,7 % sur la période 2025/2030.
Dans un secteur à l’ombre des projecteurs…
Constituant un chiffre d’affaires de 3,4 milliards de dirhams en 2019 selon Radia Chmanti Houari, experte en industrie pharmaceutique, ce secteur des dispositifs médicaux, durant les heures sombres de la crise du Covid, a vu son activité prendre de l’ampleur avec une progression annuelle de 7 % à 10 %, nous explique-t-elle. Côté marché, il faut noter que la production locale est assez faible. « Au Maroc, pour l’heure, la majeure partie des acteurs sont des importateurs (2 000 opérateurs : 500 importateurs, 1 500 distributeurs). Et donc chacun représente des marques, que ce soit dans le dispositif médical ou dans le matériel médical », nous confie Mohammed Elmandjra, PDG d’ODM, président de l’Association Marocaine des Groupes de Santé.
Et, le secteur public représente environ 70 % du marché des dispositifs médicaux, alors que les 30 % restants sont partagés entre le privé (20 %) et les ventes directes (10 %).
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Bien normal, puisque l’effort consenti depuis au moins une décennie par les pouvoirs publics se traduit par une évolution constante du budget du ministère de la Santé. Entre 2010 et 2020, les efforts ont été concentrés sur l’augmentation de la capacité litière, la construction de nouveaux hôpitaux, dont des CHU, sans parler d’une mise à niveau des hôpitaux régionaux, dont le budget d’équipement a été de 1 milliard de dirhams pour la seule année 2017. Entre 2018 et 2021, le budget d’investissement du département de la Santé a totalisé 13,35 milliards de dirhams. Sur la même période, les dépenses en matériels divers ont dépassé les 18 milliards de dirhams.
Une véritable niche de potentialité…
En pleine dynamique de restructuration de son modèle de développement, le Maroc, par le biais des pouvoirs publics, a placé le secteur de la santé au centre de ses préoccupations. Ainsi, sous la houlette du Souverain qui a fait du social un must, le gouvernement a revu à la hausse son budget sanitaire en allouant près de 23,5 milliards de dirhams au ministère de tutelle.
En ce sens, une batterie de réformes du système de la santé a été impulsée, notamment la généralisation de la couverture maladie, la valorisation des ressources humaines, la qualification de l’offre sanitaire à travers la mise à niveau des établissements de soins de santé primaires (centres de santé), portant sur la réhabilitation des bâtiments, des équipements et le renforcement des ressources humaines. On peut citer également le renforcement de l’offre hospitalière au travers de la réhabilitation des hôpitaux, avec un budget annuel de 1 milliard de dirhams à l’horizon 2025, pour renforcer les capacités hospitalières en équipements et matériels biomédicaux.
Et de plus, l’ouverture en 2015 du capital des cliniques aux investisseurs autres que les médecins, par le gouvernement, a permis de nombreux investissements privés et contribue à l’émergence de l’offre privée et, par ricochet, du système sanitaire dans sa globalité : ELSAN, Emirates Hospitals Group (rachat d’une clinique généraliste).
Alors avec une map sanitaire de près de 143 hôpitaux, 400 cliniques privées, 21 311 lits dans le public et 10 560 lits dans le privé, on peut déduire que cela représente un véritable marché en termes d’équipements et de matériels médicaux. Rappelons que ces derniers temps, le privé connaît une dynamique fulgurante. Par exemple, le groupe Akdital, avec son projet d’expansion au Maroc et sans doute dans la sous-région, esquisse un schéma d’investissement énorme dans les équipements médicaux.
« À l’horizon 2024-2026, nous comptons nous exporter en Afrique subsaharienne, notamment en Mauritanie, au Niger et au Gabon, pour nous positionner sur la niche du traitement des pathologies lourdes », nous confie Rochdi Talib, PDG du Groupe Akdital. Notons qu’au Maroc, de nombreuses sociétés étrangères de ce secteur sont représentées par des partenaires marocains : Sterifil, Metec Diagnostic, Best Health (devenu Vicenne), T2S.
Quel cadre réglementaire ?
La confiance du public dans les matériels médicaux exige une réglementation efficace et efficiente reposant sur de bonnes pratiques réglementaires. Au Maroc, l’ISO 13485 est la norme de référence pour l’enregistrement des dispositifs médicaux auprès du ministère de la Santé. Elle permet aux organismes de fournir régulièrement des DM sûrs et efficaces, et de se conformer aux exigences des clients et de la réglementation. « Au Maroc, nous avons une réglementation stricte au niveau de l’autorisation de mise sur le marché et de l’importation, qui est encadrée par la loi 84-12, entrée en vigueur en septembre 2013 », explique Chmanti.
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Dans les détails, environ dix-sept définitions servent à cerner l’usage de DM, défini comme « tout outil ou équipement, y compris les accessoires et les programmes informatiques, utilisé pour une fin médicale ». Les DM fabriqués localement par des professionnels entrent également dans le champ d’application de la loi citée. Le sont aussi les importateurs, les exportateurs ainsi que les distributeurs. En dehors des normes de qualité requises par la loi, les déchets des DM doivent être traités « selon les règles juridiques en vigueur », dit la loi.
Notons que la loi n°84-12 a été à la base d’une « Commission nationale consultative des dispositifs médicaux », qui a comme pouvoirs de donner son avis sur les demandes d’enregistrement des dispositifs médicaux, sur leur suspension ou leur retrait du marché. Un système de « matériovigilance » a également été mis en place pour surveiller les incidents ou risques d’incidents résultant de l’utilisation des dispositifs médicaux postérieurement à leur mise sur le marché.