Confrontée à un recul des commandes à l’export et à une pression accrue des marchés asiatiques, la filière textile marocaine mise sur la montée en gamme, la durabilité et la proximité pour préserver sa compétitivité. Sous l’impulsion de l’AMITH, la profession multiplie les initiatives pour transformer la conjoncture en levier de relance et consolider le “Made in Morocco”.
Le secteur textile marocain aborde la fin de l’année dans un contexte de forte incertitude. Ralentissement du commerce mondial, contraction des commandes à l’export, concurrence asiatique exacerbée… autant de vents contraires auxquels la filière oppose une résilience fondée sur l’action collective et la transformation stratégique. Sous l’impulsion de l’Association marocaine des industries du textile et de l’habillement (AMITH), la profession multiplie les initiatives pour consolider la compétitivité du “Made in Morocco” et accélérer sa transition vers un modèle plus durable et intégré. « La conjoncture mondiale est difficile, mais elle met aussi en lumière la capacité du secteur à se réinventer et à agir collectivement », souligne Anass El Ansari, Président de l’AMITH.
De plus, la baisse des exportations observée tout au long de 2024 a mis en évidence la vulnérabilité de la filière face aux aléas du commerce mondial. Confrontées à une réduction des commandes européennes, à la volatilité des prix et à un climat géopolitique incertain, les entreprises marocaines ont dû s’adapter rapidement pour préserver leurs positions à l’international. Pour Anass El Ansari, Président de l’AMITH, cette situation constitue moins une crise qu’un moment de vérité :
«Le secteur textile marocain traverse effectivement une conjoncture mondiale difficile, marquée par la baisse du commerce international et la volatilité des commandes, mais cette situation met aussi en lumière la résilience de notre filière, qui a su transformer la contrainte en moteur d’action collective ».
D’ailleurs, face au durcissement des conditions d’accès aux marchés, l’AMITH a déployé une diplomatie économique offensive. En novembre 2024, une mission de lobbying à Washington a ouvert la voie à la création d’une Zone franche qualifiée (QIZ) et à l’intégration du Maroc dans les mécanismes d’accumulation avec les pays africains de l’AGOA. En parallèle, un partenariat avec le cabinet Gherzi a été lancé pour repositionner le Maroc comme partenaire stratégique de l’Union européenne dans la relocalisation textile euro-méditerranéenne.
Cette stratégie d’ouverture s’est accompagnée d’une présence accrue sur les marchés internationaux. Le Maroc s’est illustré sur huit salons majeurs – de Première Vision Paris et New York à Denim PV Milan, Texhibition Turquie ou Kingpins Amsterdam – sous la bannière “The Moroccan Heritage”. Ces participations ont permis de valoriser le savoir-faire, la créativité et la durabilité du “Made in Morocco”, tout en générant des centaines de contacts B2B qualifiés et de nouvelles opportunités commerciales. « Ces actions démontrent que, malgré la conjoncture mondiale, le secteur textile marocain reste solide, structuré et tourné vers l’avenir », souligne El Ansari.
Le Salon international du textile “Maroc in Mode”, tenu sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, a d’ailleurs confirmé le rôle du Maroc comme hub régional. Plus de 8 000 visiteurs professionnels venus de vingt pays ont pris part à cette édition, marquée par la signature de trois accords stratégiques avec EURATEX, le CTTH et la Casablanca Mode Academy pour soutenir l’innovation, la durabilité et la promotion des jeunes marques marocaines.
Capitaliser sur les avantages
Alors que la concurrence asiatique continue de tirer les prix vers le bas, le Maroc opte pour un repositionnement fondé sur la proximité, la qualité et la durabilité. « La seule voie possible pour le Maroc n’est pas de rivaliser sur les coûts, mais de capitaliser sur nos avantages structurels et d’investir dans la montée en gamme », affirme le Président de l’AMITH.
Le Royaume mise ainsi sur un positionnement “nearshoring durable” qui séduit de plus en plus les donneurs d’ordre européens en quête de partenaires fiables, rapides et respectueux des normes environnementales. L’AMITH consolide ce positionnement à travers le développement de filières circulaires et responsables, appuyées par les programmes du CTTH et par plusieurs initiatives nationales en matière de recyclage et de décarbonation.
Cette évolution s’accompagne d’un important effort d’intégration industrielle. Le Maroc cherche à sortir du modèle du façonnier à faible marge pour s’affirmer comme un producteur complet. Le secteur du denim durable est aujourd’hui reconnu comme une vitrine internationale du savoir-faire marocain, tandis que de nouvelles niches à forte valeur ajoutée : textiles techniques pour l’automobile, le workwear ou la défense sont en plein essor.
Pour soutenir cette transformation, l’AMITH a lancé un vaste chantier autour de la digitalisation et de la formation. En partenariat avec EURATEX, IAF, l’ESITH et la Casablanca Mode Academy, l’association œuvre à moderniser les chaînes d’approvisionnement, à renforcer la traçabilité et à développer la production intelligente. «Grâce à ces initiatives, nous accompagnons la montée en compétence vers le design, le prototypage virtuel et la production connectée. L’objectif est de passer du “low cost” au “smart cost”, en faisant du Maroc une plateforme agile, verte et intégrée au cœur de la Méditerranée», résume El Ansari.
Si 2024 a été une année de tension, elle prépare aussi la relance. Pour l’AMITH, trois leviers sont désormais prioritaires.
D’abord, le soutien à la trésorerie et à l’emploi. L’association plaide pour la création d’un fonds sectoriel de relance destiné aux entreprises exportatrices affectées par la baisse des commandes, ainsi que pour l’activation rapide du dispositif “Cap Compétitivité Textile”, afin de financer la modernisation, la digitalisation et l’efficacité énergétique.
Ensuite, la stimulation de la demande internationale. Cinq marchés prioritaires ont été identifiés pour 2025 : les États-Unis, l’Allemagne, la Scandinavie, le Royaume-Uni et l’Afrique de l’Ouest. Une série de pavillons marocains est déjà prévue dans les grands salons mondiaux pour y promouvoir un “Made in Morocco” traçable et compétitif, tandis que de nouvelles missions B2B transformeront les opportunités en commandes effectives.
Enfin, l’accélération de la transition durable et circulaire. En lien avec les ministères de l’Industrie et de la Transition énergétique, l’AMITH travaille à la mise en place d’un cadre fiscal et normatif incitatif favorisant le recyclage, la réutilisation et la gestion responsable des déchets textiles. Parallèlement, le CTTH et les clusters développent des dispositifs de certification et de traçabilité anticipant les futures exigences européennes liées au Digital Product Passport.
Au terme d’une année marquée par les turbulences du commerce mondial, le textile marocain prouve qu’il demeure un secteur moteur, capable de s’adapter et d’innover. «Le souffle du secteur viendra de notre capacité collective à combiner relance économique et transformation structurelle», assure Anass El Ansari, qui appelle à une mobilisation continue des acteurs publics et privés.
L’ambition est claire : faire du Maroc non seulement un exportateur compétitif, mais aussi une référence régionale dans la mode éthique et durable. En conjuguant proximité géographique, montée en gamme industrielle et responsabilité environnementale, le “Made in Morocco” trace sa propre voie, entre résilience et ambition, au cœur des nouvelles chaînes de valeur mondiales.

Interview avec Anass El Ansari,Président de l’AMITH
«Le Maroc doit passer du low cost au smart cost»
Challenge : Le ralentissement du commerce mondial a fortement impacté les exportations marocaines. Comment le secteur réagit-il à cette conjoncture ?
Anass El Ansari : Le secteur textile marocain traverse effectivement une conjoncture mondiale difficile, marquée par la baisse du commerce international, la volatilité des commandes et le durcissement des conditions d’accès aux marchés. Mais cette situation met aussi en lumière la résilience de notre filière, qui a su transformer la contrainte en moteur d’action collective. Sous l’impulsion de l’AMITH, nous avons engagé plusieurs chantiers structurants pour renforcer la compétitivité internationale du “Made in Morocco” et diversifier nos débouchés à l’export.
Challenge : Face à la concurrence asiatique, quelle stratégie le Maroc doit-il adopter pour préserver sa compétitivité ?
A.E.A. : La seule voie possible pour le Maroc n’est pas d’essayer de rivaliser sur les coûts, mais de capitaliser sur nos avantages comparatifs et d’investir dans la montée en gamme. Nous devons nous positionner comme un partenaire de “nearshoring durable”, capable d’offrir à l’Europe des solutions rapides, fiables et respectueuses des exigences environnementales. Notre compétitivité ne se jouera plus sur les prix, mais sur la vitesse, la fiabilité, la durabilité et la proximité. L’industrie textile marocaine est en train de se repositionner comme un acteur stratégique pour l’Europe dans la relocalisation durable du sourcing.
Challenge : Quels leviers l’AMITH met-elle en avant pour relancer la dynamique du secteur en 2025 ?
A.E.A. : Nous ne subissons pas le contexte, nous agissons sur les leviers d’avenir. Trois priorités guident notre action : relancer la demande et soutenir la trésorerie des entreprises, stimuler la demande internationale par une offensive commerciale ciblée, et accélérer la transition durable et circulaire. Nous plaidons pour la mise en place d’un fonds sectoriel de relance et l’activation rapide du dispositif “Cap Compétitivité Textile”. Parallèlement, nous travaillons avec les ministères concernés pour créer un cadre fiscal et normatif incitatif en matière de circularité textile.
Challenge : Quelle vision portez-vous pour le “Made in Morocco” de demain ?
A.E.A. : Notre ambition est de faire du Maroc non seulement un exportateur compétitif, mais surtout un acteur de référence dans la mode durable euro-méditerranéenne. Nous devons passer du low cost au smart cost, en faisant du Maroc une plateforme agile, verte et intégrée au cœur de la Méditerranée.
 
			         
														 
								 
								 
								 
								 
								