Deux ans après l’entrée en vigueur de la Nouvelle Charte de l’investissement, l’heure est à une première évaluation. Deux faits marquants illustrent la dynamique en cours : l’approbation de 47 projets pour 51 milliards de DH par la 8ème Commission nationale des investissements, et la présentation, le 1er juillet 2025, d’un projet de loi visant à renforcer la réforme des CRI. Si la volonté de transformation est là, une question demeure : ces avancées amorcent-elles un changement durable ?
Le Maroc continue de renforcer son attractivité pour les capitaux nationaux et internationaux. La tenue de la 8e réunion de la Commission nationale des investissements (CNI), le jeudi 26 juin à Rabat, sous la présidence du Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, en est une nouvelle illustration concrète. Lors de cette session, 47 projets ont été approuvés – dont 36 conventions et 11 avenants – dans le cadre du dispositif principal de la nouvelle Charte de l’investissement, entrée en vigueur en mars 2023.
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Ces projets représentent une enveloppe globale de 51 milliards de DH et devraient permettre la création de près de 17.000 emplois, répartis entre 9.000 emplois directs et 8.000 indirects. Une dynamique de croissance équitable, puisque les investissements couvrent 23 provinces et préfectures dans 10 régions du Royaume, parmi lesquelles Errachidia, Ouazzane, Chefchaouen, Essaouira, Beni Mellal ou encore Boujdour.
L’industrie automobile en locomotive
L’analyse sectorielle des projets approuvés révèle une forte concentration dans certains secteurs clés. Le secteur automobile domine largement, représentant à lui seul 54 % des emplois créés dans le cadre de cette vague d’investissements. Suivent les secteurs de l’outsourcing (9%) et du tourisme (8%), deux filières en plein essor au Maroc grâce à la digitalisation et à la relance post-pandémie.
Cette diversité sectorielle traduit non seulement une volonté de structurer le tissu économique national, mais aussi une orientation stratégique vers des secteurs à haute valeur ajoutée. Une vingtaine de filières sont ainsi concernées : pharmaceutique, agroalimentaire, métallurgie, énergie, logistique, sans oublier les nouvelles technologies.
Autre point saillant de cette réunion: l’octroi du caractère stratégique à cinq projets d’investissement structurants. Ceux-ci concernent les industries automobile, métallurgique, textile et chimique, avec des implantations prévues dans des régions stratégiques: Casablanca-Settat, l’Oriental, Souss-Massa, Fès-Meknès et Rabat-Salé-Kénitra.
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L’attribution du caractère stratégique ouvre à ces projets l’accès à des dispositifs spécifiques de soutien, notamment en matière d’incitations fiscales, d’accès au foncier et de facilités administratives. L’objectif est clair : accélérer l’ancrage de filières industrielles compétitives et renforcer la souveraineté productive du Royaume.
Vers une régionalisation effective de l’acte d’investissement
Cette 8e Commission revêt également une dimension historique, puisqu’elle constitue la dernière à traiter les projets inférieurs à 250 millions de DH. En vertu de la loi 47-18, modifiée par la loi 22-24, les projets de moindre envergure seront désormais instruits au niveau régional, dans le cadre d’un processus de déconcentration et de régionalisation avancée.
Cette réforme répond à une logique de proximité, permettant un traitement plus agile des projets et une meilleure prise en compte des spécificités territoriales. Les Commissions Régionales Unifiées d’Investissement (CRUI) et les Centres Régionaux d’Investissement (CRI) seront en première ligne pour mettre en œuvre cette nouvelle gouvernance de l’investissement.
Depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle Charte de l’investissement en mars 2023, le Maroc a franchi un cap : en l’espace de 16 mois, 238 projets ont été approuvés à l’échelle nationale, pour un montant cumulé de 377 milliards de DH. Ces projets ambitionnent de générer 167.000 emplois, dont une grande partie dans des zones en dehors du traditionnel axe Casablanca-Tanger.
Signe de l’efficacité du dispositif, près de 70 % de ces projets sont déjà en phase de réalisation, notamment dans des secteurs stratégiques comme les véhicules électriques, les énergies renouvelables, ou encore les gigafactories. Une concrétisation rapide des engagements pris, qui témoigne d’une volonté politique forte de transformer les intentions en actions.
Objectif 2026 : 550 milliards de DH d’investissements privés
Le gouvernement fixe la barre haut : à l’horizon 2026, le Maroc ambitionne de mobiliser 550 milliards de DH d’investissements privés et de créer 500.000 emplois. L’année 2024 a déjà constitué une étape décisive, avec 120 milliards de DH d’investissements privés, en hausse de 20 % par rapport à 2023.
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Cette montée en puissance s’inscrit dans un changement de paradigme : passer d’une économie tirée par l’investissement public à un modèle où le secteur privé devient moteur de la croissance, avec une attention particulière portée aux TPME (très petites, petites et moyennes entreprises), véritable colonne vertébrale de l’économie nationale.
Les TPME au cœur du dispositif spécifique
Le dispositif spécifique aux TPME (voir encadré) constitue l’un des volets les plus stratégiques – et les plus attendus – de la Charte. Conçue pour répondre aux besoins concrets des petites structures (accès au financement, au foncier, aux marchés publics ou à l’accompagnement technique), cette composante vise à réduire les inégalités d’accès aux opportunités d’investissement.
En 2025, le dispositif passe à la vitesse supérieure. La Commission des finances et du développement économique de la Chambre des représentants a tenu, mardi 1 juillet 2025, une réunion consacrée à l’approbation du projet de loi n° 23.25 portant ratification du décret-loi n° 2.25.168 du 27 Ramadan 1446 (28 mars 2025), qui complète la loi n° 47.18 relative à la réforme des CRI et à la création des CRUI, désormais compétents pour valider les projets de soutien aux TPME.
Adoptée le mardi 8 juillet 2025 la Chambre des représentants, cette réforme a été entérinée par 82 voix pour et 36 contre, confirmant une large adhésion politique à cette vision décentralisée de l’acte d’investir.
Les CRI, désormais dotés de nouvelles prérogatives, auront la charge de déployer le système de soutien aux TPME. Ils pourront s’appuyer sur l’Agence nationale pour la promotion de la petite et moyenne entreprise, mais aussi sur d’autres établissements publics spécialisés. Les CRUI, quant à elles, assureront la coordination et l’approbation des projets au niveau régional, garantissant ainsi une meilleure articulation entre stratégie nationale et besoins locaux.
Un Observatoire national de l’investissement en ligne de mire
Le ministère chargé de l’Investissement, de la Convergence et de l’Évaluation des politiques publiques travaille activement à la création de l’Observatoire National de l’Investissement, un organe destiné à suivre, évaluer et anticiper les tendances en matière d’investissements à l’échelle du territoire.
L’Observatoire jouera également un rôle de veille stratégique, en alimentant les décideurs publics et privés en données fiables et actualisées pour piloter les politiques d’attractivité territoriale.
Le Maroc se distingue désormais par une série d’atouts consolidés : stabilité politique et macroéconomique, capital humain qualifié, transition vers les énergies vertes, réseaux logistiques de classe mondiale, et traités de libre-échange ouvrant l’accès à plus d’un milliard de consommateurs.
Les résultats sont là : en 2024, les recettes des investissements directs étrangers (IDE) ont atteint 43,8 milliards de dirhams, soit la deuxième meilleure performance historique du pays. Les flux nets ont progressé de plus de 52 % pour s’établir à 16,3 milliards de DH.
Sur les cinq premiers mois de 2025, la tendance reste haussière : 14,12 milliards de DH de flux nets d’IDE ont été enregistrés, soit une augmentation de 41,7 % par rapport à la même période en 2024. Les recettes IDE s’élèvent à 21,89 milliards de DH (+27%) tandis que les dépenses IDE s’établissent à 7,77 milliards de DH (+6,9%), selon l’Office des Changes.
Ce dynamisme illustre la confiance des investisseurs dans les fondamentaux économiques du Maroc, mais aussi dans sa capacité à mettre en œuvre des réformes structurantes. La mise en œuvre progressive de la nouvelle Charte de l’investissement, conjuguée au renforcement du cadre institutionnel régional, augure d’un avenir prometteur pour le pays. Le cap est clair : faire du Maroc une terre d’opportunités pour les investisseurs, tout en veillant à une répartition équitable de la richesse créée sur l’ensemble du territoire.
Un appui structuré aux TPME
L’un des volets phares de la nouvelle Charte est la création d’un dispositif spécifique pour les très petites, petites et moyennes entreprises (TME). Celles-ci sont souvent confrontées à des difficultés d’accès au financement, au foncier et aux marchés.
Ce nouveau dispositif, dont le décret d’application a été adopté en avril 2025, cible les entreprises dont le chiffre d’affaires est compris entre 1 million et 200 millions de DH, et qui portent des projets d’investissement entre 1 et 50 millions de DH.
Le mécanisme de soutien se compose de trois primes cumulables, sans toutefois dépasser 30 % du montant de l’investissement primable :
• Prime à la création d’emplois stables
• Prime territoriale, pour encourager les projets en dehors des zones déjà saturées
• Prime liée aux secteurs prioritaires, selon la liste établie par région
Pour bénéficier de ce soutien, les projets doivent aussi justifier d’un apport en fonds propres d’au moins 10 % du montant total. Le ratio d’emplois stables doit être d’au moins 1,5 par million de dirhams investis.
Les primes sont débloquées en plusieurs tranches. Les deux premières primes (territoriale et sectorielle) sont versées en deux étapes : 50 % après l’atteinte de 50 % de l’investissement engagé, et le reste après réalisation complète du projet. La prime à l’emploi est versée sur présentation des justificatifs de la CNSS.
Certaines dépenses sont exclues du calcul du montant primable, comme l’acquisition de véhicules ou les transactions entre sociétés liées. En cas de non-respect des engagements, les montants versés doivent être remboursés à l’État.