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Sénégal. Les défis économiques de l’ère post Macky Sall

Sur le plan économique, l’année 2024 était partie pour marquer un tournant crucial pour le Sénégal. Mais du fait d’une profonde crise politique qui dure depuis le 3 février dernier, les incertitudes persistent, même si elles laissent entrevoir des défis majeurs pour le prochain régime, après le départ de Macky Sall.

Depuis la capitale Abidjan, l’économiste Samuel Mathey, président de la fondation africaine pour l’entrepreneuriat et le développement économique et créateur du concept entreprendre à zéro franc, nous éclaire sur le sujet.

Depuis la décision surprise du président sortant Macky Sall de reporter le scrutin présidentiel initialement prévu le 25 février 2024, le Sénégal fait la une de la presse internationale. Le chef de l’État, qui dit être prêt à partir au soir du 2 avril, le réaffirmait lors du dialogue national : « Doyal na seuk (j’en ai assez). » Mais il ne semble pas encore convaincre les Sénégalais sur ses véritables intentions.

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En attendant la décision du Conseil constitutionnel considéré comme le dernier rempart, le Sénégal fait face à des défis économiques majeurs, dont l’exploitation du pétrole et du gaz. Contacté par Challenge, l’économiste Samuel Mathey, président de FAFEDE, depuis Abidjan, nous apporte son éclairage sur la question. “L’économie du Sénégal a subi des chocs comme toutes les autres économies lorsque le conflit en Ukraine a éclaté. Choc d’ailleurs qui a imposé des tendances inflationnistes importantes. » Et d’ajouter : « Le deuxième défi du Sénégal est le changement climatique qui impacte la production agricole. Le secteur primaire sénégalais cette année a connu une contraction de 2 % à 4 %. Et selon la Banque Mondiale, le pays a besoin de financement de 1 milliard de dollars par an pour faire face à ces problématiques de changement climatique ».

Par ailleurs, « il faut noter que dans une récente note le FMI a annoncé un retour à une croissance forte au Sénégal. Croissance d’ailleurs qui sera boostée par la découverte des nouveaux gisements pétroliers », rassure l’économiste.

Aujourd’hui, le successeur du président devra donc s’attaquer à ce chantier stratégique aux externalités positives : qui ambitionne de doubler la croissance annuelle du PIB, au-delà de 8 %, avec en prime l’attente d’un boom des exportations et d’un afflux de recettes publiques.

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« La mise en œuvre du troisième Plan d’actions prioritaires (PAP3) devra coïncider avec l’entrée du Sénégal dans une ère nouvelle, avec l’exploitation de ses ressources pétrolières et gazières. Ce tournant stratégique marque notre progression vers un développement hors de la catégorie des pays les moins avancés (PMA) », a rappelé Doudou Ka, le Ministre de l’économie du Sénégal interrogé par « Jeune Afrique ».

Dans les détails, Dakar place résolument ses espoirs dans le lancement de deux champs offshore majeurs. D’abord, Grand-Tortue Ahmeyim, partagé avec la Mauritanie et sous la direction des groupes BP et Kosmos, est dédié à la production de gaz.

Retardée à plusieurs reprises en raison de complications dans les travaux sous-marins et de l’indisponibilité de la barge flottante de production, de stockage et de déchargement, sa mise en service est prévue pour le troisième trimestre de 2024. La phase initiale ambitionne de produire chaque année environ 2,5 millions de tonnes de gaz naturel liquéfié (GNL), principalement destinées à l’Europe. La seconde phase vise à augmenter cette production à 5 millions de tonnes.

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Rappelons aussi qu’en janvier dernier, la société turque Aksa Energy a initié le développement d’une centrale électrique à gaz d’une capacité de 255 MW et d’un gazoduc à Saint-Louis, situé dans le nord-ouest du pays. Ces installations, estimées à 475 millions de dollars, devraient être opérationnelles en 2026.

Le défi sera donc de respecter le calendrier de ces projets censés avoir un impact positif sur la production nationale, les exportations, les investissements et les recettes fiscales.

Sénégal : faut-il craindre pour les investissements ?

2,6 milliards de dollars, c’est le record d’investissements directs étrangers (IDE) drainés par le Sénégal en 2022. L’on se rappelle, l’été dernier le forum Invest in Senegal qui a attiré nombre d’investisseurs dans la ville nouvelle de Diamniadio. « Notre premier investissement, celui qui doit attirer et faire prospérer tous les autres, c’est d’abord la paix, la sécurité, la stabilité et l’Etat de droit », déclarait alors le président Macky Sall, se voulant rassurant sur la volonté du Sénégal de garantir un climat des affaires propice à la floraison de projets.

Aujourd’hui, le constat au demeurant amer est que le climat de « paix » compromise menace la dynamique d’investissement dans ce pays d’Afrique de l’Ouest dont la tradition démocratique a souvent été un gage d’assurance pour les bailleurs de fonds attirés par ce marché de 16,88 millions de consommateurs. Pour l’économiste ivoirien Samuel Matthey, il faut nuancer. Selon lui, « il y a d’abord un dénouement pour le moment favorable puisque le Président Macky a concédé le fait de faire les élections et d’opérer une transition du pouvoir ». De plus, « il faut expliquer que la découverte du pétrole change la donne. Quand il y a du pétrole, ils viennent toujours quel que soit l’instabilité ; le cas de l’Irak, de l’Afghanistan est un exemple palpable ».

 
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