Si à ce jour, le calcul de la Taxe sur les terrains non bâtis (TNB) dépendait du type de zone défini dans les documents d’urbanisme, la nouvelle loi 14-25 du 12 juin 2025 change d’approche et passe à une tarification basée sur le niveau réel d’équipement des terrains. Ce nouveau mode de calcul nécessite une lourde refonte du répertoire des zones urbaines, et ce, avant janvier 2026. D’où la nouvelle circulaire du Ministre de l’Intérieur adressée aux walis et gouverneurs le 6 octobre dernier, leur demandant d’accélérer la mise en œuvre du nouveau dispositif.
Face à la rareté du foncier dans les villes et pour lutter contre la rétention foncière spéculative, le gouvernement avait instauré, depuis 2008, la Taxe sur les terrains non bâtis (Dahir 1-07-195 du 30 novembre 2007). Elle s’applique exclusivement aux terrains situés en milieu urbain, ainsi que les terrains dépendants des constructions dont la superficie est supérieure à 5 fois la superficie couverte par l’ensemble des constructions. Les terrains nus utilisés dans l’exploitation professionnelle ou agricole sont hors champ de la taxe.
Jusqu’ici, cette taxe était beaucoup liée au zonage retenu par les documents d’urbanisme : zones immeubles dont les tarifs oscillent entre 4 et 20 DH/m², zones villas, zones logements individuels et autres zones dont les tarifs varient de 2 à 12 DH/m². L’assujetti doit déclarer et s’acquitter spontanément du montant de la taxe avant la fin du mois de février de chaque année.
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Toutefois, le tarif étant lié principalement au type de zone défini dans les documents d’urbanisme, cela rend cette taxe déconnectée de la réalité du terrain. On pouvait se retrouver avec un terrain classé dans une zone où la taxe était élevée alors qu’en pratique, il n’y avait même pas accès aux services de base, tels l’eau et l’électricité. C’est pourquoi, la nouvelle loi 14-25 relative aux impôts locaux abandonne cette approche et passe à une tarification basée sur le niveau réel d’équipement du terrain (électricité, eau, assainissement, routes…) ainsi que les services publics (collecte d’ordures, transport, écoles, hôpitaux…). Il est fait désormais place à une grille plus différenciée, plus proche de la «vraie» valeur du foncier.
Pour encadrer cette nouvelle approche, la circulaire du Ministère de l’Intérieur du 5 août 2025 a précisé trois nouvelles catégories de zones. Il y a la zone bien équipée où le tarif varie entre 15 et 30 DH/m2. Ensuite la zone moyennement équipée, entre 5 et 15 DH/m2. Et enfin, la zone faiblement équipée entre 0.5 et 2 DH/m2. Pour qu’une zone soit ‘’moyennement équipée’’ il faut au minimum des routes carrossables qui fonctionnent et l’accès au réseau d’eau potable et d’électricité. Pour passer à une zone ‘’bien équipée’’, on ajoute d’autres critères tel un réseau d’assainissement fonctionnel, l’éclairage public, la proximité d’établissements de santé, d’écoles, de transport urbain ainsi que la collecte des déchets.
Pour l’application des nouvelles dispositions, chaque commune doit faire obligatoirement une cartographie de ses équipements, classer chaque secteur selon les critères officiels définis par la circulaire. Ensuite, le Conseil communal doit adopter un arrêté fiscal pour fixer les tarifs précis en respectant les fourchettes de la loi. Cet arrêté doit être validé par l’autorité de tutelle. Les nouveaux tarifs ne s’appliqueront qu’à partir du 1er janvier de l’année qui suit cette validation. Cela veut donc dire que si les communes qui ne valideront pas officiellement cette nouvelle classification avant janvier 2026, c’est l’ancien système qui continue de s’appliquer.
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Désormais, à partir de janvier 2026, les zones occupées au milieu de la ville où la commune aurait investi en construisant ce qui est nécessaire aux quartiers urbains, la rétention des terrains devient coûteuse, entre 25 et 30 DH/m2. C’est donc une mesure d’équité fiscale, car ceux qui bénéficient des investissements publics contribueront plus et aussi cela pousse à optimiser l’utilisation du sol pour éviter l’étalement urbain. Mais surtout, cela va rendre le coût de la rétention spéculative prohibitif (jusqu’à 300.000 DH de taxe par hectare et par an).
Toutefois, ce prélèvement suscite l’inquiétude des promoteurs immobiliers qui, souvent, sont détenteurs de vastes réserves foncières pour leurs futurs projets immobiliers ou touristiques. Le législateur ne fait pas de distinction entre terrains non bâtis pour des raisons spéculatives et les opérateurs qui constituent un stock de foncier pour réaliser des projets immobiliers ou des lots.
Cette inquiétude s’explique aussi par le fait que certains projets tardent à voir le jour à cause de la complexité du montage financier, mais surtout à cause parfois du manque de réactivité de l’administration ou de certaines régies de distribution, ou à cause de la demande qui se fait attendre…, autant d’obstacles qui rendent difficile le respect des délais. Pour atténuer ces risques, la loi prévoit des exonérations temporaires de 3 à 7 ans selon la destination du foncier (constructions de logements sociaux, opérations d’aménagement ou de développement) et selon sa superficie (à partir de 30 ha).
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Par mesure d’équité fiscale, certains promoteurs proposent que la taxe soit exclusivement appliquée aux spéculateurs qui vendent leurs terrains en l’état. En contrepartie, le législateur pourrait assouplir les critères d’exonération des promoteurs dont le foncier constitue un stock. Il est également proposé que les retards attribués à l’administration ou aux régies de distribution d’eau et d’électricité ne soient pas tenus en compte pour la taxation. Des propositions pleines de bon sens, à ‘’bon entendeur, salut!’’.
