Afrique : les éléments qui entravent la compétitivité…

Un nouveau rapport d’Africa No Filter montre que les perceptions du continent africain restent largement associées, aux États-Unis et au Royaume-Uni, à des stéréotypes négatifs. Ces représentations ont, apprend-on, des effets mesurables sur les intentions d’achat et l’intérêt culturel des consommateurs, limitant ainsi la demande potentielle pour des biens et services d’origine africaine.
Alors que l’Afrique multiplie les initiatives pour renforcer sa production, diversifier ses économies et accéder aux marchés mondiaux, un obstacle persistant continue de freiner ses ambitions : la puissance des idées reçues. Malgré des progrès notables en matière de qualité, de traçabilité et de normes, les produits africains restent trop souvent perçus comme inférieurs ou peu fiables aux yeux de nombreux acteurs occidentaux. Ces représentations stéréotypées, profondément enracinées dans les mentalités et les circuits commerciaux, constituent un frein intangible mais bien réel à l’internationalisation des économies africaines. Cette problématique dépasse largement le cadre du commerce. C’est du moins ce que révèle un nouveau rapport. Intitulé « Les stéréotypes sur l’Afrique en Grande-Bretagne et aux États-Unis : une étude socio-psychologique de leur impact sur l’engagement envers l’Afrique », ce rapport repose sur un protocole d’enquêtes expérimentales menées entre 2023 et 2025 auprès de 1 126 personnes issues d’échantillons représentatifs, notamment aux USA et en Angleterre. À travers une méthode inspirée de la psychologie sociale, les auteurs ont mesuré les associations mentales spontanées à partir du mot « Afrique », ainsi que leur effet sur les préférences de consommation. Les participants devaient indiquer trois idées leur venant à l’esprit, qui ont ensuite été classées selon 39 catégories couvrant la nature, l’économie, la société ou la culture. Ils ont ensuite évalué leur disposition à consommer une série de produits ou de contenus culturels selon leur origine, africaine ou européenne. Dans les détails, les données montrent une asymétrie nette dans les perceptions. Plus de 40 % des idées évoquées à propos de l’Afrique relèvent de représentations perçues comme négatives. 75 % des répondants mentionnent au moins un élément à connotation péjorative, contre 13 % dans le cas de l’Europe. Cette différence se retrouve dans les intentions d’achat, plus faibles pour les biens africains, en particulier dans les secteurs techniques ou sensibles comme les médicaments, les logiciels ou les appareils électroniques. L’intérêt est également moindre pour les biens culturels, notamment les livres, la musique ou le cinéma. « L’accès aux marchés occidentaux n’est plus seulement une question de compétitivité ou de conformité ; il devient un enjeu culturel, narratif et stratégique. Pour les producteurs africains, il ne s’agit plus uniquement de produire mieux, mais aussi de déconstruire les préjugés et de construire une image crédible, moderne et digne de confiance », nous confie l’économiste Zakaria Firano. Pour ce dernier, ce constat tire sa substance du fait que, depuis plusieurs décennies, l’Afrique n’arrive pas à exporter de la valeur dans les pays dits du Nord.
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Une absence de posture économique de transformation
Le rapport met en avant le fait que la majorité des idées évoquées à propos de l’Afrique concernent des éléments naturels, souvent décontextualisés. Le désert, les animaux sauvages ou la chaleur extrême dominent, tandis que les références à des sociétés humaines en tant que productrices, consommatrices ou innovatrices sont rares. Dans ces conditions, l’idée qu’un produit ordinaire puisse provenir du continent n’émerge pas spontanément pour une partie des répondants. Cette absence de projection économique affecte directement la crédibilité perçue des biens africains à l’export. Le cas du chocolat est particulièrement révélateur : bien que l’Afrique de l’Ouest produise plus de 70 % du cacao mondial, très peu de marques africaines sont présentes dans les rayons des grandes surfaces occidentales. La cause ? Une perception selon laquelle seuls les transformateurs européens seraient garants de qualité. Or, de nombreuses marques africaines ont aujourd’hui atteint des standards internationaux, tant en termes de transformation que de conditionnement, sans pour autant bénéficier d’une visibilité équivalente. Ce biais de perception ne s’applique pas qu’au secteur agroalimentaire. Il touche aussi la mode, le design, la cosmétique, ou encore les technologies. Des produits fabriqués en Afrique, même conformes aux normes européennes, continuent d’être jugés à l’aune d’un imaginaire collectif qui associe le continent à des problématiques de pauvreté, d’instabilité ou de dépendance. « Pour la grande majorité des pays du continent, ils en sont encore à l’exportation de matières premières brutes », prévient l’économiste. Et d’ajouter : « Il faut aujourd’hui un changement de paradigme : faire de l’Afrique non plus un “fournisseur de matières premières”, mais un acteur à part entière de la chaîne de valeur, reconnu pour son excellence, son innovation et sa capacité à proposer des produits compétitifs ».