Pensées à l’échelle régionale ou continentale, une ou plusieurs monnaies numériques de banque centrale (MNBC) pourraient aider l’Afrique à franchir un cap décisif en matière d’intégration économique ou d’inclusion financière. Au Maroc le e-dirham se construit à son rythme. Décryptage.
Pionnier du paiement numérique depuis près de deux décennies, le continent peut-il réussir le défi des monnaies numériques ? Une MNBC, portée à l’échelle nationale ou régionale, pourrait faire avancer l’Afrique sur les questions de souveraineté monétaire et d’inclusion financière. En attendant, c’est du côté du Nigeria que ce chantier prend forme, le enaira.
Lancée en octobre 2021, celle-ci est pour l’instant l’unique monnaie numérique du continent qui a près de 1 million d’usagers. Si le concept de e-devises nationales date des années 1990, il a gagné en popularité récemment. Selon l’Atlantic Council, au moins quinze pays africains sont engagés dans la voie des MNBC. En plus du Nigeria, qui a créé sa e-monnaie, l’Afrique du Sud et le Ghana sont deux des dix-sept pays au monde entrés en phase pilote.
Au Maroc, le Wali de BAM a fait de cette question une priorité stratégique. Ainsi le développement des monnaies numérique est devenu une tendance mondiale, BAM n’espère guère rester en marge. « Nous nous préparons à ne pas être dépassés, car le monde est en transition rapide et constante en ce qui concerne l’économie numérique. On doit s’accrocher et se préparer. Et quand le moment arrivera, nous serons prêts », déclarait le wali de BAM lors d’un conseil de BAM.
Lire aussi | Jouahri: les cryptoactifs présentent «des risques de blanchiment d’argent et de désintermédiation excessive»
Rappelons d’ailleurs que la réussite d’un tel projet est toutefois conditionnée à plusieurs éléments. Il doit pouvoir se reposer sur une infrastructure technologique robuste et sécurisée. Il doit être encadré par une réglementation claire qui garantit la protection des données personnelles, Concrètement, selon Abdelmalek Benabdeljalil, vice-président de BMCE Capital, cette monnaie fonctionnera sous forme de carte, sauf que la valeur sera digitale.
Elle aura toutes les mêmes fonctionnalités que la monnaie normale, à savoir : une valeur, l’effet de transaction et enfin la négociabilité. Selon notre interlocuteur: «La monnaie sera utilisée sur un support de carte, et sera gratuite. » Il rappelle ensuite que, dans un premier temps, BAM va procéder par un stock test déterminé. Il faut par ailleurs préciser que, selon l’expert en IT Ahmed Khaouja, cette nouvelle monnaie est une manière de contrer l’essor du Bitcoin, une monnaie numérique qui échappe aux régulateurs.
Une cryptomonnaie sous contrôle institutionnel
Selon notre expert, contrairement aux cryptomonnaies, le e-dirham restera sous le contrôle direct de l’État et des institutions financières. « Là où le Bitcoin est décentralisé et échappe à l’autorité des banques centrales, le e-Dirham est une initiative centralisée, gérée par le gouvernement et la banque centrale pour offrir un cadre sécurisé et stable aux transactions financières », précise l’expert.
À l’échelle régionale, une monnaie numérique commune pourrait devenir un instrument puissant d’intégration économique, notamment dans les zones monétaires existantes (Uemoa, Cemac, SADC) ou dans le cadre de la Zlecaf. Aujourd’hui plusieurs pays africains ont déjà engagé des expérimentations de MNBC : le Nigeria avec le enaira, le Ghana avec le ecedi, ou encore l’Afrique du Sud avec son projet khokha. Le Maroc effectue actuellement plusieurs tests d’un éventuel e-dirham.
Lire aussi | Crypto-actifs : Le Maroc prépare un cadre règlementaire [Par Charaf Louhmadi]
«Nous avons mené une première expérimentation qui a porté sur le cas d’usage de paiement (peer-to-peer) de détail. Nous sommes en train de mener une autre expérimentation, en collaboration avec la Banque centrale d’Égypte et avec l’appui de la Banque mondiale, sur le cas d’usage dans le transfert transfrontalier. Nous projetons de compléter ce projet par des études et analyses sur les aspects juridiques et réglementaires», expliquait le Wali de BAM.
Qu’est-ce que le e-dirham ?
Le e-dirham est une solution de paiement électronique en cours d’élaboration par Bank Al Maghrib, avec pour objectif de moderniser et de dématérialiser les transactions financières ainsi que de lutter contre le cash. Concrètement, selon Abdelmalek Benabdeljalil, vice-président de BMCE Capital, cette monnaie fonctionnera sous forme de carte, sauf que la valeur sera digitale. Elle aura toutes les mêmes fonctionnalités que la monnaie normale, à savoir : une valeur, l’effet de transaction et enfin la négociabilité. La monnaie sera utilisée sur un support de carte, et sera gratuite. Il rappelle ensuite que, dans un premier temps, BAM va procéder par un stock test déterminé.
Il faut souligner que cette nouvelle monnaie est une manière de contrer l’essor du Bitcoin, une monnaie numérique qui échappe aux régulateurs, fait remarquer Ahmed Khaouja. Contrairement aux cryptomonnaies, explique-t-il, le e-dirham restera sous le contrôle direct de l’État et des institutions financières. «Là où le Bitcoin est décentralisé et échappe à l’autorité des banques centrales, le e-dirham est une initiative centralisée, gérée par le gouvernement et la banque centrale pour offrir un cadre sécurisé et stable aux transactions financières», précise l’expert. De ce fait, les banques seront chargées de la distribution du e-dirham, le tout sous la supervision de BAM.
Quel impact sur le citoyen ?
Pour le citoyen marocain, l’introduction de l’e-Dirham entraînera plusieurs changements aussi bien dans son quotidien que dans sa vie professionnelle :
–Avec le e-dirham, les citoyens pourront payer leurs factures, taxes et autres services directement via des plateformes numériques, sans avoir besoin de se déplacer ou d’utiliser de l’argent liquide. Cela simplifiera les démarches administratives et réduira le temps nécessaire pour réaliser des paiements.
Lire aussi | Comment les cryptomonnaies sont devenues des machines à blanchir le cash des narcotrafiquants
–Réduction de la dépendance au cash : Beaucoup de transactions au Maroc sont encore réalisées en espèces, surtout dans l’économie informelle. L’e-Dirham encouragera l’utilisation des paiements numériques, ce qui pourrait rendre les transactions plus sûres et plus transparentes, tout en réduisant les risques associés au vol ou à la perte d’argent liquide.
–Traçabilité et transparence des transactions : Chaque transaction réalisée via l’e-Dirham sera traçable et enregistrée, ce qui apportera plus de transparence dans les échanges économiques. Cela pourrait rendre plus difficile la dissimulation des revenus et l’évasion fiscale, mais cela soulève aussi des questions sur la confidentialité et la protection des données personnelles.