Un autre secteur émergent pour l’intégration du Maroc dans les chaînes de valeur mondiales (CVM) est l’industrie aéronautique. De nombreux groupes internationaux ont délocalisé une partie de leurs processus de production au Maroc, comme EADS, Boeing, Bombardier Aerospace et Safran. Plus de 140 entreprises opèrent aujourd’hui dans le pays, employant environ 20 000 personnes. Lit-on dans une récente étude pilotée par l’Institut italien pour les études de politique internationale intitulé “Le Maroc : Porte africaine du commerce mondial”. Décryptage.
L’intégration de l’économie marocaine dans les CVM s’accompagne d’importants défis, mais aussi d’importantes opportunités de développement pour l’industrie, le marché du travail et, plus généralement, le tissu socio-économique du pays. Ces dernières années, grâce également à de nouveaux investissements internationaux, on a vu le renforcement de la participation du Maroc aux CVM tant par le développement de nouvelles activités de production que grâce au renforcement des échanges commerciaux et des activités de transbordement.
En l’espace de treize ans, entre 2005 et 2018, le Maroc a vu le taux de participation aux CVM augmenter de 7,6% et s’établir à 46,7%, un niveau comparable à celui atteint par des pays comme le Mexique, la Roumanie et la Russie, et supérieur à la Turquie, Brésil et Inde. C’est ce qui ressort d’un récent Policy Paper publié par l’Institut italien pour les études de politique internationale (en italien Istituto per gli Studi di Politica Internazionale, ISPI). Dans leur analyse, les experts de l’ISPI expliquent que l’automobile, l’aéronautique et l’industrie des phosphates sont parmi les secteurs les plus intégrés dans les CVM.
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En ce qui concerne le secteur de l’aéronautique qui ces dernières années affiche une dynamique de croissance soutenable, les chercheurs affirment que « De nombreux groupes internationaux ont délocalisé une partie de leurs processus de production au Maroc, comme EADS, Boeing, Bombardier Aerospace et Safran. Plus de 140 entreprises opèrent aujourd’hui dans le pays, employant environ 20.000 personnes». Et selon un rapport du ministère de l’industrie, en 18 ans, le Maroc a pu édifier une base aéronautique de qualité, diversifiée et compétitive.
Des métiers nouveaux et à forte valeur ajoutée se sont développés. Ils couvrent des filières variées dont le câblage, la mécanique, la chaudronnerie, le composite, l’assemblage mécanique… Contacter par Challenge l’ex Président du Gimas Karim Cheikh nous confirme que “le secteur de l’aéronautique marocaine connaît aujourd’hui un réel décollage. Toujours selon notre interlocuteur, l’enjeu aujourd’hui est de doubler les chiffres réalisés actuellement, pour arriver à plus de 40 milliards de dirhams d’exportations, et avoir plus de 350 opérateurs dans l’écosystème”.
Un leader dans la région
“Le Maroc produit des fuselages pour l’aéronautique avec des taux d’intégration dépassant les 43%, le ministre de l’industrie et du commerce a déclaré récemment qu’un avion 100% marocain n’est pas impossible un jour”, explique l’économiste Abdelghani Youmni. Et d’ajouter: ”Je me dois d’insister sur le fait que le Maroc d’aujourd’hui ressemble étrangement à la Turquie de la fin des années 90, sortir du tunnel pour mieux décoller, le Maroc est désormais la Turquie de l’Afrique sans l’instinct de dominance. Passer d’une destination de « Best Cost » à une destination de « Haut de Gamme » nécessitera de rester dans son couloir, ne pas politiser l’économie et de se concentrer sur les six Métiers Mondiaux du Maroc (MMM)”.
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En effet, fidèle à cette dynamique de croissance, les projecteur était tourné, lundi 13 octobre 2025, sur la province de Nouaceur où Sa Majesté le Roi Mohammed VI a présidé le lancement du chantier de construction d’un complexe aéronautique dédié aux moteurs d’avions, du groupe français Safran.
La future usine de Casablanca livrera des moteurs Leap, le nouveau best-seller de Safran, produit en partenariat avec l’américain GE au sein de la co-entreprise CFM International, qui équipe plus de la moitié des Airbus A320 neo, tous les Boeing 737 Max, ainsi que les C919 chinois.
Côté chiffre, Safran investira 200 millions d’euros pour la construction de la chaîne d’assemblage de 13.000 m², dans la zone aéroportuaire de Casablanca, qui s’ajoute au futur atelier de maintenance de 25.000 m², pour lequel Safran a investi 120 millions d’euros. Ces deux nouvelles usines vont employer quelque 900 salariés (dont 300 pour la ligne d’assemblage).
“Le Maroc a construit une véritable aura dans le domaine de l’aéronautique depuis maintenant presque deux décennies. De grands noms du secteur y sont présents, notamment le groupe Safran. Le Royaume dispose d’un véritable background pour atteindre cet objectif”, nous confie le consultant en politique publique Michel Vialatte, qui relate: “sur le continent, le Maroc est le premier pôle aéronautique. Au fil des années, il y a eu une véritable collaboration technologique dans les différents métiers de l’aéronautique”.
De son côté, Zakaria Alaoui, expert en assemblage industriel, confirme ce point de vue: “Le Maroc dispose de véritables atouts pour relever ce défi. Ces dernières années, il a développé un véritable maillage en termes de maîtrise des métiers clés de l’aéronautique”.
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“Cependant, le défi majeur réside dans la chaîne de production des réacteurs d’avion, car c’est un autre domaine qui nécessite un transfert de technologie”, fait-il remarquer.
Smart strategy
Pour rappel, les opérateurs se souviennent encore des débuts du secteur avec l’arrivée en 1999 de Safran, à l’époque Snecma. Aujourd’hui, le groupe français emploie 3.400 personnes à travers ses huit filiales marocaines. Dans son ensemble, le Gimas recense de grands noms, notamment Thales, le spécialiste de la maintenance, Aerotechnic Industries, des ETI et des PME (Daher, Figeac Aero, Latécoère) ainsi que des fournisseurs de Boeing et du motoriste Rolls-Royce comme Collins Aerospace, Spirit, Eaton.
Tout cela est le résultat d’une “smart strategy” industrielle mise en place par le Maroc ces dernières années. Le pays a misé sur une politique industrielle attrayante pour se démarquer des autres zones de sous-traitance aéronautique, tels que l’Europe de l’Est, le Mexique, l’Inde et le Brésil. L’autre atout principal du Maroc réside dans une main-d’œuvre qualifiée abondante. Avec son écosystème de constructeur dynamique et son capital humain, le Maroc semble avoir toutes les cartes en main pour faire décoller son avion.