Petrom Maroc nourrit des ambitions panafricaines

Le distributeur de produits pétroliers raffinés affine sa stratégie et prépare une percée sur le continent. Décryptage !
Sur le marché national des hydrocarbures, que dominent les géants Afriquia, Vivo Energy et TotalEnergies, Pétrole du Maghreb (Petrom) travaille sur un positionnement national et régional. En effet, pour Petrom Maroc, l’un des acteurs historiques de la distribution de produits pétroliers raffinés dans le Royaume, le constat est clair : le potentiel de croissance se joue désormais au-delà des frontières nationales. Dans un contexte où la demande énergétique africaine explose, portée par l’urbanisation, la croissance démographique et l’essor des transports, le groupe marocain affine sa stratégie pour amorcer une expansion régionale.
En ligne de mire : l’Afrique de l’Ouest, une zone où la consommation de carburants devrait croître de plus de 5 % par an d’ici 2030, selon les prévisions de la Banque africaine de développement. Ce pivot stratégique s’inscrit dans un moment charnière. Alors que les majors internationales (TotalEnergies, Vivo Energy, Oryx) dominent toujours le secteur, une nouvelle génération d’opérateurs africains cherche à s’imposer dans les chaînes d’approvisionnement, de distribution et de stockage.
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Petrom entend capitaliser sur son ancrage logistique au Maroc, ses relations institutionnelles et son agilité commerciale pour s’imposer comme une marque panafricaine compétitive. Au-delà des seuls enjeux économiques, cette démarche s’inscrit aussi dans une dynamique plus large de souveraineté énergétique régionale, en réponse à une dépendance chronique aux importations et à des infrastructures encore largement déficientes dans nombre de pays africains.
Petrom, dont le chiffre d’affaires a atteint 9,6 milliards de dirhams (914 millions d’euros) en 2024, veut maintenir une stratégie offensive.
Développement stratégique
Ces dernières semaines, dans le Sahel, l’architecture économique de pays est en pleine mutation, avec les restructurations visant les grands groupes. Au Mali et au Burkina, TotalEnergies, par exemple, a cédé certains actifs dans le secteur de la distribution des hydrocarbures, ce qui ouvre la place à d’autres acteurs. Dans ce marché, le groupe envisage de créer des partenariats solides avec des acteurs locaux et d’atteindre ainsi une taille critique.
Au-delà de cette zone, le groupe, au plan local, ne reste pas indifférent. Ses chantiers prioritaires d’ici 2030 ? On peut citer, entre autres, le renforcement de ses capacités de stockage, qui passeront de 110 000 m³ à 283 000 m³, élément clé dans le secteur de la distribution pétrolière.
D’autre part, l’augmentation de sa production annuelle, qui sera portée à 500 000 tonnes de carburants de synthèse renouvelables, en partenariat avec MGH Energy à Dakhla, grâce à un investissement de 51 milliards de dirhams, et à l’intégration de bornes de recharge pour véhicules électriques, y compris pour les deux-roues, selon une source de Jeune Afrique.
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Le distributeur de carburants, de gaz (butane, propane) et de lubrifiants propose également des services B2B aux industriels, aux acteurs du BTP et aux opérateurs miniers.
« Notre objectif est clair : nous voulons être un acteur intégré, agile, prêt à accompagner la transformation énergétique au Maroc et en Afrique », précise la source.
Contacté par Challenge, l’économiste Adnane Benchekroune déclare : « Il faut d’entrée saluer le courage de ces groupes qui s’alignent sur la diplomatie économique du Maroc, qui s’inscrit aussi dans le cadre des partenariats dans le secteur de l’énergie. J’estime que cela ne peut être qu’une opportunité, surtout à l’heure où l’énergie est au centre des défis sur le continent. »
Ressources et souveraineté : l’AES face à son propre potentiel
L’Alliance des États du Sahel (AES), nouvellement formée par le Mali, le Burkina Faso et le Niger, place la souveraineté sur les ressources au cœur de son projet économique. Dans ces pays riches en ressources naturelles – uranium, or, pétrole, gaz – mais historiquement sous influence, depuis 2023, les autorités de transition affichent une volonté claire de renégocier les contrats miniers et énergétiques, de favoriser les joint-ventures avec des partenaires « non alignés » (notamment russes, turcs ou chinois), et de développer une chaîne de valeur locale, allant de l’extraction à la transformation.
Dans ce contexte, le secteur des hydrocarbures devient hautement stratégique, tant pour l’autonomie énergétique que pour les recettes fiscales. Si les capacités d’exploitation restent limitées, la vision est affirmée : faire des ressources une base de puissance et non un facteur de dépendance.