Mondial 2030 : comment penser l’offre de marketing territorial ?

Dans cette stratégie d’urbanisation généralisée où les smart cities et les pôles urbains émergent partout à l’échelle mondiale, le marketing territorial est devenu une priorité dans l’action de planification du développement urbain. Au Maroc, à l’aune du Mondial, le phénomène fait son chemin…
« Au Maroc, on a presque tout pour bien pratiquer le marketing territorial et mettre en place des stratégies d’attractivité territoriale réussies : le processus de décentralisation, le grand chantier de la régionalisation, des initiatives et des réflexions nationales autour de la promotion du Maroc et du Nation Branding Maroc, la volonté de certains décideurs territoriaux de repenser l’attractivité de leurs territoires, une certaine concurrence entre les régions, etc. », explique Hicham Echattabi, professeur à l’Université Cadi Ayyad de Marrakech, chercheur spécialiste en marketing territorial.
Considéré comme une stratégie managériale fondée sur l’utilisation du marketing visant à accroître l’attractivité et la compétitivité des territoires, le marketing territorial gagne progressivement en importance à l’échelle mondiale, avec des niveaux d’efforts et d’investissements variables entre les pays ainsi qu’entre les villes d’un même pays. Sur le continent, des pays comme le Maroc ont suivi le mouvement. Le contexte est souvent le même : faire face aux enjeux territoriaux en termes de désindustrialisation, de désinvestissement, d’emploi… et à la nécessité de retravailler l’image, l’hospitalité et la désirabilité des territoires.
« Il n’y a pas vraiment de stratégies bien structurées de marketing territorial. Le marketing territorial en est à ses balbutiements – au moins à l’échelon régional. On en parle directement ou indirectement dans certains événements organisés dans certaines villes (Casablanca, Dakhla, Tanger, Oujda, etc.) par quelques universités et centres régionaux d’investissement. Si l’on se base uniquement sur ce que l’on lit dans la presse et sur ce que l’on entend dans les déclarations de certains décideurs locaux, on se rend compte que toutes les régions du Royaume font du marketing territorial, ou du moins cherchent et veulent toutes en faire. Or, il ne s’agit en réalité que d’actions promotionnelles saisonnières », clarifie le chercheur.
Aujourd’hui, à l’aune de la plus grande compétition sportive prévue en 2030, le Maroc a plus que jamais besoin de se doter d’une véritable offre en matière de marketing territorial au niveau régional, et de Nation Branding au niveau central.
Offre de marketing territorial : quelles contraintes ?
« De nombreuses contraintes handicapent la mise en œuvre de telle démarche dans le contexte marocain. Outre les moyens humains et financiers, l’incompréhension et le rétrécissement du marketing territorial — qui est souvent réduit à des actions communicationnelles et promotionnelles ou parfois à la création d’une marque territoriale — il y a aussi une réticence, voire un rejet de cette discipline par certains acteurs régionaux », nous confie Hicham.
Par ailleurs, notre interlocuteur évoque d’autres contraintes et défis, notamment la question de la volonté des acteurs, le financement et l’autonomie financière des régions, les attributions et les compétences des conseils régionaux, la non-implication de toutes les parties prenantes, la présence de l’État et des institutions publiques, l’absence de ressources humaines qualifiées et spécialisées en développement territorial…
« Le marketing territorial est un choix, une nécessité et une opportunité, et non un luxe »
Il faut noter que, comme ailleurs, les pratiques du marketing territorial dans le contexte marocain sont conditionnées par l’existence d’une véritable volonté des décideurs nationaux et locaux. « Cette volonté — qui existe heureusement — devrait se traduire par l’aménagement d’un terrain favorable à la mise en place d’une stratégie de marketing territorial, avant de passer à son applicabilité. De ce fait, pour le pratiquer, il est d’abord important de le promouvoir auprès des décideurs régionaux, pour les convaincre de son utilité et atténuer leur réticence. Ensuite, il faut y penser de manière transversale, notamment à travers le préambule de la démarche de marketing territorial et les choix stratégiques », explique-t-il.
Et de poursuivre : « Notons que le marketing territorial est avant tout du marketing. Si la menuiserie est le métier du menuisier, alors c’est le marketeur territorial qui doit faire du marketing territorial. Certes, le marketing territorial est pluridisciplinaire, mais sans compréhension des éléments de base en marketing, il est difficile de mettre en place une stratégie de marketing territorial réussie. Ni la rhétorique des consultants, ni le fait de calquer les expériences d’autres territoires ne peuvent garantir la réussite d’une telle démarche. Le marketing territorial est un choix, une nécessité et une opportunité, et non un luxe », prévient l’expert.
Pour ce dernier, il est impératif que les régions marocaines réagissent face aux nouveaux enjeux territoriaux, en relevant leur niveau de professionnalisme et en construisant des stratégies d’attractivité territoriale transversales et de marketing territorial efficaces. La formation des acteurs/décideurs dans le domaine de la gestion territoriale, la création de départements dédiés à l’intelligence territoriale et au marketing territorial, la collaboration et l’implication de tous les acteurs locaux concernés, la coordination entre les parties œuvrant au développement local, ainsi que le suivi et l’évaluation continus des actions de marketing territorial sont la clé de la réussite — ou du moins le contexte favorable — de toute stratégie de marketing territorial.
Rappelons que le marketing territorial est une stratégie dotée d’outils et d’une logique axée sur le marché, visant à répondre aux enjeux territoriaux à travers la satisfaction des besoins des clients du territoire (résidents, investisseurs, visiteurs, talents…). Cette stratégie, qui marque le passage d’une approche centrée uniquement sur l’offre à une approche prenant également en compte la demande, doit être intégrée à une large stratégie de développement régional — le cas échéant, alignée sur les orientations nationales.
Quant à la marque territoriale, elle n’est pas toujours nécessaire. « Nous soutenons l’idée qu’une marque peut avoir un effet positif sur la cible, mais cela reste relatif aux facteurs de localisation ou aux conditions-cadres. Si l’on y pense, il faut d’abord réfléchir à la façon de retravailler notre offre territoriale, en mettant l’accent sur les dimensions infrastructurelle et servuctionnelle. »
Enfin, l’expert invite les villes industrielles à construire une offre adaptée aux besoins de l’industrie et des industriels, tandis que les villes touristiques doivent également proposer une offre touristique attractive.
L’offre territoriale, l’infrastructure institutionnelle, l’adhésion de la communauté locale, la transparence, l’approche participative, l’implication des habitants, la gouvernance territoriale, la qualité de vie… ne sont pas que des mots.
La qualité de vie seule représente désormais un élément crucial dans toutes les dimensions de l’attractivité territoriale, en particulier en ce qui concerne la résidence, l’attraction des talents et des investissements.
« Aujourd’hui, c’est grâce par exemple à l’indice Mercer sur la qualité de vie, à l’Index des villes en mouvement, à l’accessibilité des soins de santé, à la résilience en temps de pandémie, à l’indice de la facilité de faire des affaires, que Vienne, Zurich, Auckland, Copenhague, Genève, Francfort… figurent dans le top 10 du classement des marques des villes mondiales. »
Au Maroc, compte tenu des grands projets en cours et des événements à organiser, nous disposons de nombreux atouts pour mettre en œuvre efficacement le marketing territorial, plutôt que de simplement en parler ou de s’engager dans des actions promotionnelles sans véritable impact, ce qui risquerait de causer une perte d’argent public et de temps.