Les trajectoires possibles du marché du travail à l’horizon 2030

Pour circonscrire l’aggravation du taux de chômage, le gouvernement a mis en place une feuille de route pour l’emploi, visant à réduire le chômage à 9% d’ici 2030. Pour appréhender les conditions d’une réduction souhaitée du chômage, Policy Center for the New South (PCNS) a publié une analyse détaillée des scénarios qui s’offrent au pays pour atteindre cet objectif.
Acause de la perte des emplois en milieu rural, accentuée par la sécheresse qui sévit depuis 6 années, le taux de chômage s’est aggravé au Maroc atteignant 13,3% en 2024. Pour redresser la situation, le gouvernement a présenté, le 26 février dernier, un ambitieux projet sous forme de ‘’Feuille de route pour l’emploi’’ (FRE) visant à réduire le chômage à 9% d’ici 2030. Pour ce faire, elle prévoit la création de 1,45 million de nouveaux emplois grâce à un budget de 15 MM DH et entreprend aussi la modernisation de la gouvernance du marché du travail. Ce programme prévoit la mise en place des axes stratégiques pour soutenir les très petites, petites et moyennes entreprises (TPME), avec un budget de 12 MM DH, visant à stimuler la création d’emplois, faciliter l’accès aux financements, et encourager l’exportation. Il prévoit également un renforcement des politiques de l’emploi avec un budget de 2 MM DH pour augmenter l’insertion professionnelle des jeunes et promouvoir la formation en alternance. D’autres initiatives comprennent la réduction des pertes d’emplois agricoles (1 MM DH), la mutualisation des financements publics pour l’emploi, le renforcement de l’ANAPEC (Agence nationale de promotion de l’emploi et des compétences) pour mieux accompagner les chercheurs d’emploi, et des efforts pour faciliter l’accès des femmes au marché du travail, avec des mesures spécifiques de transport et de garde d’enfants. Des initiatives contre le décrochage scolaire sont aussi mises en place avec l’objectif de réduire le nombre de décrocheurs, ainsi qu’une réforme du système de formation professionnelle pour l’adapter aux besoins du marché.
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Partant du fait que la relation entre la croissance économique et l’emploi joue un rôle central, l’étude de PCNS a cherché d’abord à évaluer l’élasticité emploi-croissance. Cet indicateur permet de mesurer l’impact d’une variation du PIB sur l’emploi et constitue un outil clé pour projeter l’évolution du marché du travail en fonction des politiques mises en œuvre. Ainsi, les projections économétriques basées sur des données nationales et internationales ont permis d’évaluer l’élasticité emploi-croissance à 0,23, ce qui signifie qu’une augmentation de 1% du PIB entraîne une augmentation de 0,23% de l’emploi. À travers cette approche, l’étude a élaboré des scénarios pour examiner les différentes trajectoires possibles du marché du travail au Maroc. Ces scénarios offrent une analyse détaillée des options qui s’offrent au pays pour atteindre les objectifs de la FRE, tout en tenant compte des défis économiques et structurels actuels.
Le scénario 1, qui anticipe une réduction du chômage à 9% d’ici 2029, apparaît ambitieux, nécessitant une croissance du PIB de 7,9% par an, soit un rythme bien supérieur à la tendance actuelle de 3,5%. Le scénario 2, plus prudent, envisage une absorption progressive des nouveaux entrants sur le marché avec une croissance du PIB de 4%, générant 500000 emplois supplémentaires, ce qui semble plus atteignable. Le scénario 3, visant une diminution du chômage à 6,65%, requiert une croissance du PIB de 10,4%, un objectif exigeant sans transformations majeures. Enfin, le scénario 4, qui prolonge les tendances actuelles, projette un taux de chômage de 11,9% en 2029, soulignant les défis à relever pour atteindre l’objectif de 9% sans réformes significatives.
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Dans ce contexte, le levier clef est d’augmenter l’élasticité emploi-croissance. Cela passe par des réformes visant tout d’abord à accélérer la transformation structurelle de notre économie, mais également à stimuler les secteurs à forte intensité d’emploi. Sans oublier aussi l’amélioration de l’environnement des affaires pour attirer davantage d’investissements créateurs d’emplois et réduire les rigidités du marché du travail afin de favoriser l’embauche, notamment pour les jeunes et les femmes.
D’après l’étude, la FRE marque, certes, une étape décisive dans la refonte des politiques publiques visant à instaurer un marché du travail plus résilient, inclusif et dynamique. Néanmoins, son succès repose sur la capacité du Maroc à transformer cette vision stratégique en actions concrètes, alignées sur les réalités du terrain. Ainsi l’étude recommande, pour une mise en œuvre effective des mesures annoncées, une coordination accrue entre les acteurs publics et privés, ainsi qu’une optimisation des ressources disponibles pour éviter la dispersion des efforts et garantir des résultats concrets. De même, la gouvernance du marché du travail devra être renforcée à travers la mise en place de mécanismes de pilotage clairs, favorisant une exécution agile et réactive face aux évolutions économiques et sociales.
Enfin, la modernisation du marché du travail ne pourra être pleinement efficace sans une intégration accrue de l’économie informelle, une meilleure adéquation entre formation et besoins du marché, et une accélération de la transition numérique et écologique. L’adoption d’une approche sensible au genre sera également un levier majeur pour favoriser l’accès des femmes à des emplois de qualité et réduire les inégalités structurelles.
Le chômage des jeunes : le constat de l’OCDE
Le chômage des jeunes au Maroc a atteint un taux qui oscille autour de 30,3% pour les 15-24 ans, selon les dernières données de l’OCDE. Près de 26,6% des jeunes Marocains sont classés dans la catégorie NEET (ni en emploi, ni en études, ni en formation), ce qui est l’un des pourcentages les plus élevés de la région MENA. Cela reflète les failles du système éducatif, qui n’équipe pas suffisamment les jeunes des compétences recherchées par les employeurs. En effet, 12% des élèves du secondaire quittent l’école sans qualification, le taux d’achèvement du secondaire reste faible, et seulement 27% des élèves maîtrisent les bases en lecture, mathématiques et sciences à l’âge de 15 ans. Le rapport insiste aussi sur la nécessité de mieux aligner le système éducatif marocain avec les besoins du marché du travail en renforçant la formation professionnelle pour répondre aux besoins des secteurs en croissance, tels que l’aéronautique et l’automobile.
Les TPME, principale source d’emplois
Les TPME qui représentent 99,7% des entreprises, emploient 3.987.741 salariés déclarés, soit 73,7% des emplois déclarés à la CNSS. Pour encourager cette importante source d’emplois, le Conseil de BAM, lors de sa session trimestrielle du 18 mars 2025, a décidé de donner un nouvel élan aux TPME à travers la mise en place d’un nouveau programme de soutien au financement bancaire des TPE, avec en particulier un refinancement des banques participantes à un taux préférentiel égal au taux directeur minoré de 25 pb. Ce dispositif et l’engagement exprimé par le secteur bancaire devraient améliorer l’accès au financement de cette catégorie d’entreprises et renforcer sa contribution à la création d’emplois du pays. Longtemps pénalisées par des critères d’éligibilité restrictifs, les TPME pourraient enfin voir s’ouvrir les vannes du financement bancaire. Dans cette perspective, le Wali de BAM a annoncé que lors d’une première réunion avec les banques qui s’était tenue le 6 mars, ces dernières ont réaffirmé leur engagement en faveur des TPE, mettant en avant leur volonté de renforcer leur accompagnement et de faciliter l’accès au crédit pour ces entreprises.